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JÉRÔME saint (347 env.-419/20)

<it>Saint Jérôme dans sa cellule</it>, J. Van Eyck - crédits : AKG-images

Saint Jérôme dans sa cellule, J. Van Eyck

Après Ambroise de Milan († 397), avant Grégoire le Grand (vie s.), et avec son contemporain (et correspondant) Augustin, Jérôme appartient à ce « quatuor » des Pères latins, qui se sont vu conférer par excellence le titre de docteurs de l'Église. Seul d'entre eux, il n'avait été ni évêque ni pape. L'exception a valeur d'indice. De même la très riche tradition manuscrite et iconographique qui illustre la stature de l'ascète et du moine, et perpétue son renom d'intransigeante orthodoxie et de considérable érudition. La Vulgate, surtout, cette Bible latine dont Jérôme établit l'Ancien Testament d'après l'hébreu et qui, vers le viie siècle, s'imposera (sauf le Psautier) à tout l'Occident, est, malgré le relatif effacement qui échoit au traducteur, un formidable monument à sa gloire. Mais l'œuvre entière de Jérôme (il faudrait prolonger à cet égard les intuitions de E. R. Curtius) occupe une position clé dans la transmission de la culture que le Moyen Âge héritera de l'Antiquité. Ce rôle médiateur à la charnière de deux époques – il voit Rome envahie par les Barbares en 410 – redouble la jonction qu'aura opérée toute sa vie entre Orient et Occident : outre les voyages et les échanges épistolaires qui la scandent, les fonctions de traducteur et de commentateur – transferts de langue à langue et de culture à culture – y occupent une place remarquable.

Du premier au second départ pour l'Orient : transits

Né aux confins de la Dalmatie vers 347 (vers 331 selon certains), ce fils d'une famille aisée, chrétienne et provinciale, monte à Rome pour ses études (auprès, notamment, du fameux grammairien Donat), puis à Trèves (où il escompte peut-être une carrière à la cour impériale). Mais, bientôt rentré en Italie du Nord, il est impressionné par la ferveur des clercs d'Aquilée. Là, comme à Trèves, on se souvenait d'Athanase, le champion exilé de la cause antiarienne, l'auteur d'une très vite célèbre Vie d'Antoine (l'ermite égyptien), archétype de la littérature hagiographique ultérieure (et Jérôme y contribuera par ses Vies de Paul, de Malc et d'Hilarion). L'Égypte, berceau du monachisme, fascinait alors – avec les Lieux saints – les chrétiens d'Occident. Vers 372, Jérôme part pour l'Orient. Malade à Antioche, il décide de se retirer au désert voisin de Chalcis, peuplé de nombreux ascètes. L'expérience tourne court assez vite, les relations s'étant gâtées entre le Latin, amateur de livres, qui se piquait d'apprendre l'hébreu, et les moines autochtones dont l'inculture et les dissensions l'excédaient. Jérôme regagne donc les villes. À Antioche, puis à Constantinople, il parachève sa formation exégétique auprès d'Apollinaire de Laodicée et surtout de Grégoire de Nazianze, et il traduit du grec des homélies d'Origène et la Chronique d'Eusèbe de Césarée. En 382, le concile convoqué à Rome le ramène en Occident dans la suite des évêques d'Antioche (où il avait été ordonné) et de Salamine. Apprécié comme interprète et expert, il reste à Rome, promu conseiller du pape Damase (ce qui lui vaut – anachronisme de l'iconographie – d'être souvent représenté en cardinal). Reçu dans l'aristocratie, il devient le guide spirituel et intellectuel de plusieurs dames (Marcella, Paula...). Pour elles et pour Damase, il multiplie les exposés sur l'exégèse et sur l'ascèse (notamment dans la fameuse lettre XXII à Eustochium, traité sur la virginité, où Jérôme illustre par le récit d'un songe son cas de conscience de chrétien séduit par la culture profane) ; il traduit les Pères grecs (Origène, Didyme) ; il révise le texte latin des Évangiles et des Psaumes. Mais, observateur aigu, il profite aussi de sa position pour s'ériger en censeur des mœurs[...]

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Pour citer cet article

Pierre LARDET. JÉRÔME saint (347 env.-419/20) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Saint Jérôme dans sa cellule</it>, J. Van Eyck - crédits : AKG-images

Saint Jérôme dans sa cellule, J. Van Eyck

Autres références

  • VULGATE DE SAINT JÉRÔME (391-405 env.)

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 257 mots
    • 1 média

    Les chrétiens du monde latin ont utilisé très tôt des traductions latines de la version grecque de la Bible juive (la Septante) ainsi que du Nouveau Testament, rédigé originellement en grec. On parle à propos de ce type de traduction de Vetus latina, (« vieille latine »). Au ive siècle,...

  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean HADOT, André PAUL
    • 9 934 mots
    ...catholiques, ils ne retiennent pas dans leur canon des Écritures. Cet usage ne s'est bien sûr imposé qu'après la Réforme. Il remonte cependant à saint Jérôme (mort en 420). Lorsque ce dernier se fit le champion de la hebraica veritas, il exclut du canon biblique véritable, comme « apocryphes », les...
  • BIBLE - Les traductions

    • Écrit par André PAUL
    • 3 135 mots
    ...traduction latine du Nouveau Testament puis de traduire l'ensemble de l'Ancien Testament à partir du texte grec des Hexaples d'Origène que saint Jérôme, en 391 environ, reprit ce second projet mais en travaillant alors sur le texte original, hébreu ou araméen. Cette version juxta hebraica veritatem...
  • DAMASE Ier saint (304 env.-384) pape (366-384)

    • Écrit par Universalis
    • 558 mots

    Pape d'origine espagnole, Damase est né vers 304 à Rome, et mort le 11 décembre 384 dans cette même ville. Il occupe une charge de diacre sous le règne de son prédécesseur, le pape Libère (352-366), et accompagne celui-ci en exil lorsque l'empereur Constance II le déporte de Rome pour son refus...

  • LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature chrétienne

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 6 307 mots
    • 2 médias
    ...souverain bien. Ce cicéronianisme n'allait d'ailleurs pas sans crise de conscience : dans une lettre adressée en 384 à sa fille spirituelle Eustochium, Jérôme raconte qu'il vit en songe le Christ lui apparaître et lui dire : « Tu es cicéronien et non chrétien » ; Jérôme lui jura alors de ne plus lire d'ouvrages...

Voir aussi