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INCAS

L'organisation de l'État inca

L'émergence de l'État inca contribua à restructurer l'organisation traditionnelle de la société andine. Cet État s'organisait depuis sa capitale, Cuzco, en un système territorial et administratif quadripartite, appelé Tawantinsuyu, l'empire des Quatre Directions, qui comprenait le Chinchasuyu au nord, le Continsuyu à l'ouest, le Collasuyu au sud et l'Antisuyu à l'est. Chacune de ces sections était divisée, à son tour, en unités de 10 000 familles qui étaient subdivisées en unités de 1 000, de 100 et de 10 familles.

D'une certaine façon, l'Empire inca se présentait donc comme l'intégrateur de l'ordre social traditionnel, qui opérait la synthèse de l'organisation pyramidale et segmentaire des ethnies sur lesquelles il reposait. Il prolongeait et coiffait les structures de chefferies, qui fonctionnaient de même avec les ayllus. Le curaca de chaque chefferie devait allégeance à l'Inca et au culte solaire qu'il représentait.

Les terres de chaque communauté et certains de leurs animaux étaient également répartis en trois parts : une pour l'ayllu, exploitées selon le système traditionnel, une pour l'État et l'Inca qui le représentait – les derniers Incas possédaient d'immenses domaines, tels Machu Picchu ou Choqek'iraw – et une pour le culte du Soleil. Les revenus de ces terres étaient alloués à la célébration des fêtes.

Versés à l'État sous forme de tributs, les excédents agricoles ou pastoraux servaient à l'entretien des fonctionnaires ou des armées, mais pouvaient aussi être redistribués à la population en cas de famine, ou de toute autre calamité, dans le cadre de la réciprocité liant l'Inca aux individus de chaque communauté. En échange, les individus étaient requis par l'État pour la réalisation de travaux d'intérêt collectif, comme l'entretien des routes, des ponts, des canaux d'irrigation et le travail des mines.

L'Inca pratiquait également, de façon systématique, une politique de migration forcée, celle du mitimae. Il transférait un groupe de population, parfois une tribu entière, de son pays d'origine à une région éloignée. Ce moyen permettait souvent de pacifier certaines régions insoumises en les vidant de leur population ou en y introduisant des colons. Cette politique était donc un facteur particulièrement efficace d'amalgame de populations, dans une mosaïque complexe de cultures et d'ethnies. L'État encouragea également l'expansion de groupes serviles, ou yana, qui relevaient exclusivement de l'empereur ou des personnes de rang élevé, tels que de hauts fonctionnaires ou des chefs de guerre. Ces personnages serviles, et dégagés de tout lien ethnique, conservaient néanmoins le droit de détenir des terres et de posséder des biens et du bétail. Leur condition était héréditaire, mais ne se transmettait qu'à un seul de leur enfant, sélectionné par leur maître, pour les remplacer à leur mort.

Le pouvoir prélevait également de très jeunes filles. Ces « femmes choisies », ou aqlla, étaient enfermées dans les monastères du Soleil où elles faisaient leur éducation sous la tutelle de femmes plus âgées. Après leur puberté, les unes étaient prises pour épouses subsidiaires par l'empereur, les autres étaient données en mariage aux fidèles serviteurs de l'Inca. Celles qui restaient dans le monastère passaient leur vie au service du culte solaire, en filant et en tissant la laine des troupeaux du Soleil. Ces monastères, qui pouvaient réunir jusqu'à 2 000 aqlla, étaient de véritables ateliers textiles produisant toutes sortes d'étoffes et de vêtements.

Un vaste réseau de routes, le Qhapaq Nan, élément essentiel de la stratégie expansionniste inca, quadrillait le pays, sur quelques[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en archéologie andine à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Patrice LECOQ. INCAS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cultures en terrasses, Pérou - crédits : De Agostini/ Getty Images

Cultures en terrasses, Pérou

Figurine de lama - crédits :  Bridgeman Images

Figurine de lama

Statuette d'une concubine de l'Inca - crédits : W. Forman/ AKG-images

Statuette d'une concubine de l'Inca

Autres références

  • CHUTE DE L'EMPIRE INCA

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 240 mots

    Après la chute de l'empire aztèque en 1521, la soumission des Incas par Francisco Pizarro en 1532-1533 fait partie des épisodes les plus marquants de la Conquête espagnole en Amérique, et symbolise l'effondrement des civilisations précolombiennes face à l'Europe. Alors que l'empire inca...

  • EXPANSION INCA - (repères chronologiques)

    • Écrit par Éric TALADOIRE
    • 108 mots

    1300 Premier établissement inca à Cuzco. Les Incas commencent leur expansion.

    1438 Victoire de Pachacuti (Pachacutec) sur les Chancas. L'Inca régnant, père de Pachacuti, est écarté du pouvoir. Début du remodelage de Cuzco. La ville est rebâtie pour symboliser la structure de l'Empire....

  • PÉROU DES INCAS (C. Cavatrunci, M. Longhena, G. Orefici)

    • Écrit par Rosario ACOSTA NIEVA
    • 1 021 mots

    Le Pérou précolombien représente, pour le public européen, un sujet lointain et mystérieux, non seulement par les milliers de kilomètres qui nous en séparent, mais surtout du fait de l'ancienneté de son histoire. En effet, l'histoire préhispanique du Pérou, en tant qu'entité culturelle...

  • AMÉRINDIENS - Hauts plateaux andins

    • Écrit par Carmen BERNAND
    • 4 689 mots
    ...huacas, portaient des vêtements distinctifs et parlaient des dialectes divers dont les plus répandus étaient ceux issus du quechua ou de l'aymara. La domination des peuples de la Cordillère par les Incas, un groupe lignager qui s'était installé à Cuzco et prétendait descendre du Soleil, avait apporté...
  • AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique espagnole

    • Écrit par Jean-Pierre BERTHE
    • 21 855 mots
    • 13 médias
    ...la conquête du continent. Les voyages de rescate, partis à la recherche d'or, de perles et d'esclaves, permettent de deviner, dès 1517, depuis Cuba, la grandeur et les richesses de l'Empire aztèque ; et, depuis Panamá, vers 1522, celles du Tahuantin Suyu, l'empire des Incas.
  • ATAHUALPA, empereur inca (1500 env.-1533)

    • Écrit par Susana MONZON
    • 425 mots

    À la mort de Huayna Cápac, l'Empire inca est en proie à une guerre qui oppose le fils légitime du défunt, Huáscar, officiellement couronné dans la capitale du Cuzco, à son fils bâtard, Atahualpa, qui, avec l'appui des généraux de son père, s'empare du nord du pays. En 1531, au moment...

  • AYMARAS

    • Écrit par Thérèse BOUYSSE-CASSAGNE
    • 4 746 mots
    • 2 médias
    La conquête par les Incas des diverses chefferies aymaras ne se fit pas sans difficultés, même si les rivalités traditionnelles qu'entretenaient ces royaumes favorisèrent l'expansion de l'empire. On distingue trois grandes phases dans la conquête des chefferies : l'alliance avec les Lupacas du sud du...
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Voir aussi