AYMARAS
Héritiers d'une ancienne culture qui s'est développée autour des rives du lac Titicaca et sur les parties les plus hautes de l'Altiplano bolivien (4 000 m), les Aymaras, conquis successivement par les Incas puis par les Espagnols au xvie siècle, ont su intégrer divers apports culturels au sein de leur propre civilisation. Ces agriculteurs pasteurs, vivant généralement en communauté, ont inventé, au fil des siècles, dans un milieu particulièrement hostile, des formes originales d'occupation du territoire, ainsi que des techniques particulières de conservation des aliments. Ils ont conservé leur langue et ont assimilé à leur religion tellurique une partie des notions et figures du catholicisme. Les pratiques symboliques, les liens de parenté, la répartition de la terre, la distribution du pouvoir, les rites agraires ou pastoraux qui les caractérisent rentrent dans une logique à laquelle ne s'applique pas le découpage traditionnel en instances – politiques, sociales, économiques, religieuses – qui est propre à la norme occidentale.
L'ethnie et son milieu
Les Aymaras se concentrent surtout en Bolivie, mais l'on en trouve aussi dans le sud du Pérou (région de Puno), sur la côte chilienne (Arica) et dans les provinces du nord de l' Argentine (Salta, Jujuy, Catamarca). Leur nombre s'élève à deux ou trois millions environ et, depuis plus d'un siècle, malgré une forte mortalité infantile, leur indice démographique demeure croissant. Au fil du temps, leurs critères d'identification n'ont cessé de varier. Les Incas distinguaient nettement les Collas autochtones (ou Collasuyus), de langue aymara, occupant le quart sud de l'Empire incaïque, des colonies étrangères, généralement de langue quechua, qu'ils implantèrent surtout dans les terres basses de cette partie des Andes. Lors de la colonisation espagnole, l'étiquette ethnique n'eut de sens que par rapport à des critères d'imposition. Les Aymaras payaient un tribut plus élevé que celui des Urus, considérés comme plus pauvres ; toutefois, un Uru riche pouvait devenir un Aymara. C'est toujours le groupe dominant qui a imposé ses critères de définition et de redéfinition entre les ethnies. Ainsi les communautés aymaras ont-elles été contraintes par divers colonisateurs à se restructurer partiellement selon des modèles étrangers, réussissant presque toujours à intégrer ces changements dans leur propre culture.
La langue aymara, qui reste très vivace, malgré un certain nombre d'hispanismes, est une langue à déclinaison avec de nombreux suffixes, très gutturale et riche en combinaisons phonétiques. En dépit d'un analphabétisme encore important, les Aymaras reçoivent un enseignement bilingue : espagnol et aymara. Toutefois, à l'heure actuelle, le quechua progresse au détriment de l'aymara, qui se concentre de plus en plus sur l'ouest de l' Altiplano, tandis que le castillan se développe, essentiellement dans les grandes villes. Ainsi, par rapport au xvie siècle, époque où il était parlé sur l'ensemble du territoire, vallées incluses, l'aymara a-t-il perdu du terrain.
La culture aymara a pour berceau le Haut-Pérou, une des régions du monde où la spécificité d'un environnement difficile a fourni aux peuples qui s'y sont implantés le cadre d'une expérience cruciale d'adaptation, comparable, sur certains points, à celle de populations telles que les Esquimaux ou les Sibériens. Depuis l'époque préhistorique jusqu'à nos jours, en effet, la majeure partie de la population bolivienne a vécu, malgré l'aridité des terres et la rigueur du climat, aux environs de 3 800 m, altitude moyenne du haut plateau bolivien, réussissant à domestiquer et à stocker un certain nombre d'espèces végétales, à acclimater des animaux d'altitude et à s'adapter physiologiquement à une atmosphère appauvrie en oxygène.[...]
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Écrit par
- Thérèse BOUYSSE-CASSAGNE : chargée de recherche au C.N.R.S.
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