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HISTORICISME, art

Du « grec » au « gothique »

Altes Museum, Berlin, rotonde - crédits : Bildarchiv Steffens,  Bridgeman Images

Altes Museum, Berlin, rotonde

Les développements de l'architecture de la Renaissance disent assez que la référence – essentiellement culturelle, « humaniste » – à l'Antiquité aura joué dans un sens productif, et sans donner cours, sauf exception, au pastiche, où se complairont au contraire nombre des architectes du xixe siècle, parmi les meilleurs. Et quant à l'architecture du siècle des Lumières, lors même qu'en réaction contre les débordements formels et décoratifs du rococo, elle prétendra renouer avec le vocabulaire de l'antique, ce ne sera pas nécessairement dans un esprit archéologique : l'architecture dite néo-classique se signale moins par l'utilisation d'éléments prélevés dans un répertoire antiquisant que par la nouveauté des principes qui président à leur articulation et, plus encore peut-être, par la concaténation de formes et de structures géométriques – cubes, cylindres, voire sphères – qui n'empruntent rien, comme telles, de l'histoire. En fait, la vogue des fouilles et des recherches, sinon des reconstitutions archéologiques, le succès de l'œuvre d'un J. J. Winckelmann, les attaques même d'un Piranèse contre la théorie de la suprématie artistique des Grecs ne produisirent leurs vrais effets qu'à beaucoup plus long terme, par les canaux d'un enseignement qui ne devait s'ouvrir à l'histoire, au sens que le xixe siècle a donné à ce mot, que pour mieux céder à l'éclectisme. Tel est le paradoxe du xixe siècle en matière d'architecture, que la défense des valeurs prétendument intangibles du goût et de la beauté se soit alliée dans la pratique à un relativisme sans réserves. L'Antiquité classique, grecque ou latine n'est plus visée comme un modèle intemporel mais comme un exemple qui, pour être prestigieux, n'en apparaît pas moins comme le produit, parmi d'autres, d'une histoire qu'il peut en retour, et dans un jeu de duplication indéfini, servir à éclairer et à informer. Déjà, au Panthéon (terminé en 1790), J.-G. Soufflot n'avait pas hésité à associer à une colonnade classique une couverture d'arcs et de voûtes dont les articulations témoignent d'une connaissance très poussée des principes de la construction gothique. Mais l'éclectisme ne se dénonce pas seulement par l'apparition, derrière le masque des colonnades et des frontons classiques, de structures architectoniques composites : le Rundbogenstil, le style à arcs en plein cintre qui succéda en terre germanique, dans la première moitié du siècle, au style « grec », avant de gagner la Scandinavie et même les États-Unis, empruntait indifféremment à l'art paléo-chrétien, au byzantin, au roman, au gothique italien et surtout à l'art du Quattrocento toscan, au point qu'on a voulu y voir une résurgence, un rejet de la Renaissance florentine ; son principal représentant, Karl-Friedrich Schinkel (1781-1841), se sera d'abord présenté, à Berlin, comme un adepte du rationalisme hellénisant, avant d'évoluer sur le tard vers des modes plus pittoresques et italianisants : mais il est significatif que son œuvre la plus importante soit un musée, l'Altes Museum de Berlin (1824-1826), variation sur le type « panthéon », où une rotonde à coupole et colonnade intérieure se dissimule derrière un portique ionique de dimensions colossales. Simultanément, l'Angleterre avait trouvé en John Soane (1753-1837), l'architecte de la Bank of England, à Londres, et en John Nash (1752-1835), l'auteur de travaux considérables dans cette même ville (Carlton Terrace, Regent's Street, Regent's Park Terraces, 1812-1827), des hommes qui surent jouer des formes « grecques » à des fins délibérément spectaculaires et représentatives. La publication, en 1836, des [...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Hubert DAMISCH. HISTORICISME, art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Altes Museum, Berlin, rotonde - crédits : Bildarchiv Steffens,  Bridgeman Images

Altes Museum, Berlin, rotonde

Altes Museum, Berlin - crédits : Bildarchiv Steffens,  Bridgeman Images

Altes Museum, Berlin

Chambre des lords, Londres - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Chambre des lords, Londres

Autres références

  • BALLU THÉODORE (1817-1885)

    • Écrit par Annie JACQUES
    • 93 mots

    Après le Grand Prix de Rome et un séjour en Italie et en Grèce, Ballu fait une carrière architecturale qui se déroule essentiellement dans l'administration municipale parisienne. Il achève dans le goût gothique l'église Sainte-Clotilde (1853), puis réalise, dans un style plus éclectique, l'église...

  • BOFILL RICARDO (1939-2022)

    • Écrit par François CHASLIN, Universalis
    • 926 mots
    • 1 média

    L'architecte catalan Ricardo Bofill est né le 5 décembre 1939 à Barcelone. Après des études conduites à l’École technique supérieure d’architecture de Barcelone (dont il sera expulsé à cause de ses activités politiques, en pleine période franquiste) puis à l’École d’architecture de Genève, il construit...

  • BURGES WILLIAM (1827-1881)

    • Écrit par Jean-Pierre MOUILLESEAUX
    • 141 mots

    Architecte britannique, William Burges a contribué à l'affirmation du néo-gothique, d'inspiration esthétique plus que religieuse, aussi bien dans ses constructions que dans les arts appliqués (il publie en 1865 Art as applied to Industry). Ses dessins austères, parfois empreints de...

  • CUYPERS PETRUS JOSEPH HUBERTUS (1827-1921)

    • Écrit par Jean-Pierre MOUILLESEAUX
    • 88 mots

    Architecte néerlandais, Cuypers met au point un art néo-gothique nourri de la tradition flamande, marqué par l'œuvre de Viollet-le-Duc. Il édifie (ou restaure) de nombreuses églises (à Eindhoven, à Groningue, cathédrale de Breda) et crée le château-fort De Haar (1890) où il invente un univers de...

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Voir aussi