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HISTORICISME, art

Le néologisme « historicisme » a pris, dans la critique artistique, un sens précis, qui ne doit cependant pas en faire oublier la connotation philosophique. Si le concept, au sens philosophique, veut que toute pensée, toute connaissance, toute valeur, toute vérité soit le produit d'une histoire et se trouve liée comme telle à une situation historique déterminée, il désigne et qualifie, en matière architecturale, une pratique fondée, en tout ou partie, sur la référence explicite aux styles historiques et sur le recours délibéré à des modèles, à des formes ou à des éléments empruntés soit à une « Antiquité » ou à un passé plus ou moins reculé, soit à la tradition nationale, soit encore à des cultures étrangères, sinon exotiques.

Remplois, renaissances, renouveaux

Pour se limiter au champ de production occidental, on observera que le remploi, sous l'espèce la plus matérielle, d'éléments constructifs ou décoratifs prélevés sur des monuments ou sur des ruines antiques a été de pratique courante dès les débuts de l'ère chrétienne : l'architecture paléo-chrétienne offre de nombreux exemples d'insertion de supports, chapiteaux et marbres romains – transportés souvent à grands frais et sur de très longues distances – dans des structures fort différentes de celles auxquelles ils ressortissaient à l'origine. Associée à l'arc, à la voûte, la colonne, de fabrication ancienne ou nouvelle, emprunte de son antiquité, réelle ou symbolique, sinon de son incongruité formelle ou tectonique, une valeur, un relief iconographique dont l'art roman lui-même, pour ne rien dire du gothique à ses débuts, aura tiré un parti systématique. Mais la référence au passé monumental, liée à la présence sur le sol européen ou maghrébin d'innombrables constructions antiques, n'aura pas été seulement ponctuelle : le projet carolingien comportait, dans son principe, un retour à des structures classiques, à des types impériaux, qui prenait figure explicite de renouveau (renovatio), tandis que telle façade (Saint-Trophime d'Arles), telle ordonnance à pilastres (cathédrale d'Autun) manifeste l'emprise acceptée des modèles, sinon des traditions romaines, sur l'architecture romane à son apogée. Il n'en faudra pas moins attendre le Quattrocento, comme l'a montré Erwin Panofsky, pour que l'Antiquité classique cesse d'apparaître comme une réserve toujours disponible de formes et d'éléments architectoniques ou décoratifs et soit considérée dans une perspective réellement historique, comme un système ayant sa cohérence, obéissant à son ordre propre, un ordre perdu que la Renaissance se proposera de ressusciter, de réinventer à partir des fragments qui en étaient conservés.

La fortune des ordres classiques au xvie et au xviie siècle ne se laisse comprendre qu'en fonction de la volonté, clairement affirmée d'entrée de jeu par L. B. Alberti, de travailler à constituer, à partir d'un corpus archéologique, un ordre architectural qui répondit en fait, de façon plus ou moins déguisée et sous des masques divers, aux exigences du présent.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Médias

Altes Museum, Berlin, rotonde - crédits : Bildarchiv Steffens,  Bridgeman Images

Altes Museum, Berlin, rotonde

Altes Museum, Berlin - crédits : Bildarchiv Steffens,  Bridgeman Images

Altes Museum, Berlin

Chambre des lords, Londres - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Chambre des lords, Londres

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