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NASH JOHN (1752-1835)

Étrange destinée que celle de John Nash qui devint sur le tard l'architecte favori du régent (futur George IV), puis connut la disgrâce, marqua profondément le paysage urbain de la capitale anglaise, mais fut l'objet d'acerbes critiques et dont l'œuvre disparate et inspirée divise encore les historiens. Quoique exactement contemporain de Soane, Nash est en fait un homme du xixe siècle, puisqu'il ne commença réellement sa carrière que vers l'âge de cinquante ans. Il connut le néo-classicisme triomphant de la fin du xviiie siècle, mais s'en démarqua assez vite. Son rôle déterminant dans le courant de l'esthétique « pittoresque » ainsi que son goût pour les styles historiques et exotiques en font le champion de l'éclectisme. Un contemporain le décrit comme un « génial improvisateur en architecture ». Plus attentif aux inventions formelles qu'aux détails, il n'échappa pas toujours à une certaine maladresse dans les proportions et fit quelquefois preuve de négligence dans l'exécution de ses projets, défauts qui précipitèrent sa perte lors de l'échec de la construction du palais de Buckingham.

Cronkhill - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Cronkhill

Il travailla dans sa jeunesse dans l'agence de Robert Taylor. Un héritage important lui permit de se lancer dans la spéculation immobilière et il édifia alors des séries d'immeubles à bon marché dont certains subsistent dans les quartiers de Bloomsbury. Mais il fit faillite en 1783 et se retira alors au pays de Galles, où il devint l'architecte attitré des gros propriétaires fonciers. Le vrai départ de sa carrière date de sa rencontre avec Humphrey Repton (1752-1818), le théoricien incontesté du jardin paysager, avec lequel il noua une fructueuse collaboration jusqu'en 1802. Tandis que Repton agençait les propriétés et aménageait les parcs, Nash reconstruisait ou transformait les maisons, multipliait les pavillons, les laiteries et autres « fabriques ». Ce faisant, il fut amené à adopter le style pittoresque qui, comme à Luscombe (Devon), pour la maison du banquier Charles Hoare (1800), se fonde sur une irrégularité méditée. Au sein de ce mouvement esthétique, son apport le plus original réside dans la mise au point de la maison « à l'italienne », avec sa silhouette irrégulière flanquée d'une tour coiffée d'un toit conique et de larges auvents qui, comme à Cronkhill (1802), semble plus sortir d'un tableau de Claude Lorrain que de l'observation de la réalité. Grâce à Repton, il entra en contact avec la cour du prince de Galles pour lequel il construisit une serre en 1798. Mais jusqu'à l'époque de la Régence, il se consacra exclusivement à la construction de maisons de campagne et de fabriques d'agrément. Quoiqu'il n'ignore rien du style classique (Rockingham, 1810), il préfère cependant le répertoire gothique et ses créneaux comme à Caerhays (Cornouailles) ou dans sa propre maison à East Cowes (pays de Galles). Multipliant les combles pointus, les lucarnes, utilisant les pans de bois et le chaume, il ressuscite le style Tudor et exprime l'essence même du pittoresque, comme à Blaise Castle où il rassemble un groupe de cottages, sorte d'anthologie du style vernaculaire. Si le goût du pittoresque tire incontestablement ses origines de la théorie du jardin paysager, un autre phénomène — tout aussi important à l'époque — en découle : l'intérêt pour les styles exotiques et même historiques. Il n'est que de rappeler le précédent de William Chambers à Kew en 1750. Mais l'on passe vite d'expériences à petite échelle (fabriques de jardins) à de vastes édifices où le luxe s'allie à la fantaisie pour le plaisir des yeux et de l'imagination. C'est à Nash que l'on doit le chef-d'œuvre du genre : le Pavillon royal de Brighton commandé par le prince de Galles. Nash élabore une étrange[...]

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Écrit par

  • : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles

Classification

Pour citer cet article

Monique MOSSER. NASH JOHN (1752-1835) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cronkhill - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Cronkhill

Pavillon royal de Brighton - crédits :  Bridgeman Images

Pavillon royal de Brighton

Salle à manger du Pavillon royal de Brighton - crédits :  Bridgeman Images

Salle à manger du Pavillon royal de Brighton

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Architecture

    • Écrit par Monique MOSSER
    • 7 827 mots
    • 30 médias
    ...ses obsessions, d'immense « collage » où il a entassé ses collections dans une suite de pièces aux espaces étranges. Il faut faire une place à part à John Nash (1752-1835), figure emblématique de cette époque, « grand improvisateur d'architectures ». Sa rencontre avec Humphry Repton, le théoricien...
  • HISTORICISME, art

    • Écrit par Hubert DAMISCH
    • 4 661 mots
    • 8 médias
    ...de dimensions colossales. Simultanément, l'Angleterre avait trouvé en John Soane (1753-1837), l'architecte de la Bank of England, à Londres, et en John Nash (1752-1835), l'auteur de travaux considérables dans cette même ville (Carlton Terrace, Regent's Street, Regent's Park Terraces, 1812-1827), des...
  • LONDRES

    • Écrit par Martine DROZDZ, Roland MARX, Frédéric RICHARD
    • 11 428 mots
    • 10 médias
    Ce n'est qu'au début du xixe siècle qu'un plan public de développement, confié à l'architecte John Nash, est destiné à doter le West End des vastes avenues et perspectives qui lui manquaient : Regent Street est percée entre 1817 et 1823, Regent's Park et Saint James Park sont redessinés et...
  • MAISONS-LAFFITTE

    • Écrit par Sophie CUEILLE, Claude MIGNOT
    • 2 985 mots
    • 1 média
    ...l'inspiration la plus directe. Dès la fin du xviie siècle, en effet les lotissements anglais associent un cadre collectif de verdure à la villégiature. À Londres Regent's Park, œuvre de l'architecte John Nash en 1811, reste une entreprise capitale dans l'histoire de l'urbanisme paysager. Enfin,...

Voir aussi