Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BERGSON HENRI (1859-1941)

Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

Philosophe français, né et mort à Paris. Professeur au Collège de France (1900), membre de l'Académie des sciences morales et politiques (1901), de l'Académie française (1914) ainsi que de nombreuses académies étrangères, lauréat du prix Nobel de littérature (1927), Bergson fut connu et admiré dans le monde entier. Son œuvre se compose essentiellement de quatre grands ouvrages : Essai sur les données immédiates de la conscience (1889) ; Matière et mémoire (1896), L'Évolution créatrice (1907), Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932), auxquels s'ajoutent deux importants recueils d'articles, L'Énergie spirituelle (1919), et La Pensée et le mouvant (1934). Le Rire (1900), et Durée et simultanéité (1922) sont deux livres de portée plus limitée.

Le bergsonisme est une philosophie en tous points atypique. Déjà sa relation au contexte et à la tradition philosophiques témoigne de son extrême originalité. Il s'oppose au kantisme dont l'esprit dominait alors l'Université française et, d'une manière générale, se détourne de la philosophie allemande. Il entretient un rapport également polémique avec les philosophies antique et moderne dont il refuse les concepts et dénonce les artifices. S'il présente quelques affinités avec la pensée anglo-saxonne (Berkeley, Spencer, James) et le courant de philosophie français qui va de Maine de Biran à Ravaisson, elles ne sont pas décisives. Ou bien Bergson s'avoue déçu par certaines de ces doctrines, ou bien, s'il reconnaît en avoir reçu des suggestions, comme c'est le cas pour la pensée de Maine de Biran et, surtout, de Ravaisson, elles n'ont fait qu'orienter ses recherches sans lui en fournir les résultats ni même la méthode. Ainsi les apparents rapprochements avec Plotin, Berkeley ou Maine de Biran recouvrent de réelles et fondamentales divergences. En vérité, le bergsonisme a tenté la gageure d'édifier une philosophie complètement en marge de la pensée philosophique antérieure ou contemporaine. Il en rejette tout à la fois la problématique, les thèses, les notions et le langage, prenant ainsi ses distances à l'égard de l'intelligence philosophique elle-même et de ses instruments, et non pas seulement de ses productions. Cette œuvre qui se propose de penser l'inconcevable et d'exprimer l'inexprimable est une doctrine inclassable et souvent inouïe, qu'il s'agisse de son idée de la philosophie, de sa méthode ou de ses thèses.

L'idée vraie de la philosophie

La philosophie se caractérise avant tout par la précision : l'explication qu'elle fournit doit être, en chaque cas, exactement adaptée à son objet, et donc ne convenir à aucun autre. La première condition de cette précision absolue est que la pensée porte sur la réalité elle-même et non sur des symboles censés la représenter ; la seconde, qu'elle soit d'ordre qualitatif : la mesure est toujours commune, c'est la qualité et non la quantité qui exprime le plus fidèlement l'originalité de chaque chose et de ses variations. La philosophie est donc une discipline concrète qui épouse la réalité de la façon la plus étroite. Elle porte essentiellement sur des faits ; c'est une connaissance positive et non une activité productrice de concepts. Ainsi entendue, la philosophie rejette l'idée de système. Un système, en effet, se veut global et, par conséquent, se trouve condamné à reconstruire la plus grande partie des faits à partir d'un petit nombre de principes et de concepts généraux : il est nécessairement artificiel, abstrait et vague. La connaissance effective de chaque objet, au contraire, demande un effort nouveau et son résultat est imprévisible. La vraie philosophie ignore, en outre, les problèmes angoissants et insolubles sécrétés par la pensée systématique et sujets de controverses[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud

Classification

Pour citer cet article

Camille PERNOT. BERGSON HENRI (1859-1941) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

Autres références

  • L'ÉVOLUTION CRÉATRICE, Henri Bergson - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 1 207 mots

    Véritablement adulé de son vivant, Henri Bergson (1859-1941) est ensuite longtemps tombé dans l’oubli, victime à la fois de l’ascendant intellectuel exercé par Jean-Paul Sartre et de la domination des sciences humaines à partir des années 1960.

    Son livre majeur, L’Évolution créatrice...

  • LIRE BERGSON (dir. F. Worms et C. Riquier)

    • Écrit par Jérôme de GRAMONT
    • 990 mots

    Un mot célèbre de Bergson rappelle qu'on n'est jamais tenu de faire un livre. Que dire de la nécessité où nous sommes de lire certains d’entre d'eux ? La gloire de Bergson fut immense, mais elle semble d'un temps qui n'est plus le nôtre. Si l'œuvre ne disparaissait pas, elle...

  • MATIÈRE ET MÉMOIRE, Henri Bergson - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 777 mots
    • 1 média

    Atypique à son époque, l'œuvre de Henri Bergson (1859-1941) rompt avec les traditions issues du kantisme et de la métaphysique traditionnelle. Matière et mémoire, sous-titré « Essai sur la relation du corps à l'esprit », suit de sept ans sa thèse sur Les Données immédiates de...

  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par Jean CAZENEUVE
    • 7 048 mots
    C'est à Bergson qu'il faut sans doute faire remonter cette manière d'envisager la mentalité archaïque. Pour l'auteur des Deux Sources de la morale et de la religion, en effet, la nature humaine est toujours la même, mais dans nos civilisations le naturel est recouvert par l'acquis....
  • BACHELARD GASTON (1884-1962)

    • Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 3 478 mots
    • 1 média
    ...exploration complémentaire de l’imagination poétique exclue de la science, Bachelard a rencontré la question de la temporalité, largement développée par Bergson. Déjà, l’expérience du langage poétique l’incite à s’opposer à la primauté de la durée bergsonienne en posant la réalité de l’instant...
  • DURÉE

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 957 mots

    Cette notion indique l'idée de persistance d'un phénomène, de maintenance temporelle d'une réalité.

    Pour saint Thomas, la durée est, suivant la formule d'E. Gilson, « de même nature que le mouvement même de l'être qui dure ». Descartes, au nom du mécanisme...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias

    Innombrables sont les avatars d'Érôs dont la définition heuristique pourrait être : le désir ascensionnel. Or, ce désir – il se confond ici avec le regard olympien – anime les philosophies du concept ; il est à l'œuvre dans les théologies de l'histoire qui lisent synoptiquement les événements,...

  • Afficher les 30 références

Voir aussi