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MAINE DE BIRAN (1766-1824)

L'aventure intellectuelle et spirituelle de Maine de Biran est l'histoire d'une évasion : homme du xviiie siècle français par la date de sa naissance et le milieu culturel dans lequel il apprend à penser, Maine de Biran s'en dégage peu à peu. Parti du sensualisme symbolisé par le nom de Condillac, il élabore une psychologie de ce que nous appelons aujourd'hui la subjectivité. Parti d'un agnosticisme discrètement teinté de religiosité sous l'influence de Rousseau, il aboutit à une métaphysique fondée sur ce que nous appelons aujourd'hui l'expérience religieuse. Ici et là, Maine de Biran entend rester le plus possible près des faits ; or les faits lui sont donnés à la fois par les sciences de la vie et par l'observation de soi : à sa virtuosité introspective nous devons le premier journal philosophique.

Une vie d'administrateur et d'homme politique

François-Pierre Gontier de Biran, né à Bergerac, est mort à Paris. Depuis 1787, il signait Maine de Biran, du nom d'une terre appartenant à son père.

Les Gontier sont une famille de notables : l'arrière-grand-père et le grand-père du philosophe ont été maires de Bergerac ; son père est médecin ; un de ses cousins germains sera député du tiers aux états généraux. Cela fait comprendre sa carrière. À dix-huit ans, il est admis dans les gardes du corps et, en octobre 1789, participe à la défense du château de Versailles ; à la fin de 1792, il juge prudent de se retirer à Grateloup, près de Bergerac. Après la chute de Robespierre, on se souvient du rôle joué dans le pays par sa famille : Biran devient administrateur du département de la Dordogne. Désormais, il appartient à l'histoire locale : son devoir est de contribuer à la restauration de l'ordre compromis par le terrorisme de 93 sans sacrifier l'esprit libéral de 89 ; sa carrière administrative et politique s'explique dans cette perspective. Sous le Directoire, il est élu au Conseil des Cinq-Cents, mais, quatre mois plus tard, le coup d'État de Fructidor annule son élection avec celle des députés soupçonnés de tiédeur républicaine. Il accepte l'Empire tant qu'il voit en l'Empereur le pacificateur et le constructeur dont la France a besoin : on le trouve, en 1805, conseiller de préfecture à Périgueux et, l'année suivante, sous-préfet de Bergerac ; mais, siégeant au Corps législatif depuis octobre 1812, il fait partie de la courageuse « commission des cinq » qui, à la fin de 1813, ose présenter de véritables remontrances à Napoléon Ier. Sous la Restauration, et sauf pendant une courte interruption, il sera député de Bergerac jusqu'à sa mort. En 1816, Louis XVIII le nomme conseiller d'État. Ces fonctions administratives et parlementaires ne sont pas des sinécures. On connaît le zèle et les initiatives du sous-préfet par les archives locales, l'emploi du temps du député par son journal et ses agendas. On se demande parfois comment Maine de Biran a pu méditer, lire, écrire.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques

Classification

Pour citer cet article

Henri GOUHIER. MAINE DE BIRAN (1766-1824) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AMIEL HENRI-FRÉDÉRIC (1821-1881)

    • Écrit par Pierre PACHET
    • 2 445 mots
    ...Journal, ce sont des mémoires ; pour Goethe ou Baader, ce sont des carnets d'étude ; pour Lavater, c'est un confessionnal et un oratoire. » Le Journal de Maine de Biran lui est recommandé en 1857 par Ernest Naville, son prédécesseur à la chaire d'histoire de la philosophie, qui en avait publié une partie...
  • CARTÉSIANISME

    • Écrit par Pierre GUENANCIA
    • 1 862 mots
    ...ontologique, le caractère intellectuel de l'idée, etc.), un philosophe français lié aux idéologues et lecteur attentif des écrits médicaux de son époque, Maine de Biran (1766-1824), reconnaît dans le cogito cartésien la formulation abstraite de ce qu'il considère comme le fait primitif, découvert par le...
  • CORPS (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 102 mots
    ...par Emmanuel Kant (1724-1804). Une montre ne se répare pas elle-même comme en sont capables les corps, elle ne se reproduit pas. Au siècle suivant, Pierre Maine de Biran (1766-1824) poursuit cette critique en se livrant à une relecture originale de Descartes. « Je pense » signifierait en réalité «...
  • MORT - Les interrogations philosophiques

    • Écrit par René HABACHI
    • 7 550 mots
    Au xixe siècle, le réalisme de la position aristotélicienne réapparaît par de nouvelles voies. Maine de Biran, parti du sensualisme de Condillac, est amené, par fidélité à son expérience vécue, à affirmer l'existence du moi comme une « force hyperorganique » manifestée par le sens...

Voir aussi