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BERGSON HENRI (1859-1941)

Penser autrement

En quoi consiste l'expérience métaphysique ; Une connaissance absolue requiert une expérience pure, capable d'atteindre la réalité elle-même, sans intermédiaire. Mais comment parvenir à l'expérience pure,quelles sont ses conditions et les critères d'une observation directe de l'esprit par l'esprit et des choses par l'esprit ; La réponse à cette question définit la méthode philosophique qui présente deux mouvements inverses mais corrélatifs, l'un critique et l'autre positif.

Le procès de l'intelligence

L'expérience pure, si elle est possible, ne peut être qu'une expérience épurée. Bergson ne cesse d'attirer l'attention sur les confusions, les artifices et les illusions que comportent l'expérience courante et même certains types d'expérience tenus pour scientifiques et qui ne le sont que partiellement. Les prétendues données de ces expériences sont en fait des mixtes dans lesquels la réalité immédiate est altérée par son mélange avec des notions hétérogènes ou des points de vue particuliers qui s'y ajoutent, la modifient ou même tentent de s'y substituer. La recherche de l'immédiat effectif commence donc par une critique de l'expérience première. Cette critique, le bergsonisme la fait porter, pour l'essentiel, sur l'intelligence, ses procédés et ses instruments : l'intelligence commune, mais également l'intellect, l'entendement et la raison constituent de mauvaises références philosophiques.

L'intelligence n'est pas tombée du ciel comme la forme achevée de l'intelligibilité. Elle a une origine : de même que tous les caractères et aptitudes des vivants, elle est le produit de l'évolution vitale. Sous sa forme élaborée, elle est la manière de penser propre à une espèce animale, l'espèce humaine. Sa première signification est vitale : c'est une fonction d'adaptation permettant la survie. Par sa destination originelle, elle est donc foncièrement pratique et non théorique : c'est une faculté fabricatrice d'objets et d'outils. De cette fonction découlent son objet principal et sa forme. L'objet auquel s'applique toute fabrication est la matière, spécialement la matière inerte et, plus encore, la matière solide qui offre un meilleur point d'appui à l'action. L'objet premier et principal de l'intelligence, c'est donc le solide inorganisé. Quant à sa forme, elle est relative à sa fonction et à son objet. L'intelligence est avant tout la faculté d'établir des rapports et de les varier indéfiniment. Son opération principale consiste à produire du nouveau par le réarrangement d'éléments préexistants. Son cadre fondamental correspond à la propriété la plus générale de la matière, à savoir l'espace homogène infiniment divisible, décomposable et recomposable à volonté. Ses instruments par excellence sont les idées abstraites et générales qui permettent de relier entre elles des réalités par ailleurs différentes ainsi que de donner une apparence de fixité à ce qui, en fait, ne cesse de varier. Le langage dont la fonction est de communiquer, c'est-à-dire de transmettre ce qui est ou peut devenir commun, en est le produit et constitue, en même temps, un moyen qui en accuse les traits.

Ces caractères requis par l'action, l'intelligence les conserve quand elle se tourne vers la spéculation. Tout d'abord, elle privilégie dans le réel ce qu'il peut comporter de régularité et de stabilité et, au besoin, y introduit par artifice l'une et l'autre. Ensuite, elle procède par analyse, en résolvant la réalité qu'elle étudie en éléments distincts et fixes dont chacun est déterminé par référence à une catégorie générale. Elle les réunit alors par de multiples relations et tente ainsi d'obtenir par une reconstruction[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud

Classification

Pour citer cet article

Camille PERNOT. BERGSON HENRI (1859-1941) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

Autres références

  • L'ÉVOLUTION CRÉATRICE, Henri Bergson - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 1 207 mots

    Véritablement adulé de son vivant, Henri Bergson (1859-1941) est ensuite longtemps tombé dans l’oubli, victime à la fois de l’ascendant intellectuel exercé par Jean-Paul Sartre et de la domination des sciences humaines à partir des années 1960.

    Son livre majeur, L’Évolution créatrice...

  • LIRE BERGSON (dir. F. Worms et C. Riquier)

    • Écrit par Jérôme de GRAMONT
    • 990 mots

    Un mot célèbre de Bergson rappelle qu'on n'est jamais tenu de faire un livre. Que dire de la nécessité où nous sommes de lire certains d’entre d'eux ? La gloire de Bergson fut immense, mais elle semble d'un temps qui n'est plus le nôtre. Si l'œuvre ne disparaissait pas, elle...

  • MATIÈRE ET MÉMOIRE, Henri Bergson - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 777 mots
    • 1 média

    Atypique à son époque, l'œuvre de Henri Bergson (1859-1941) rompt avec les traditions issues du kantisme et de la métaphysique traditionnelle. Matière et mémoire, sous-titré « Essai sur la relation du corps à l'esprit », suit de sept ans sa thèse sur Les Données immédiates de...

  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par Jean CAZENEUVE
    • 7 048 mots
    C'est à Bergson qu'il faut sans doute faire remonter cette manière d'envisager la mentalité archaïque. Pour l'auteur des Deux Sources de la morale et de la religion, en effet, la nature humaine est toujours la même, mais dans nos civilisations le naturel est recouvert par l'acquis....
  • BACHELARD GASTON (1884-1962)

    • Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 3 478 mots
    • 1 média
    ...exploration complémentaire de l’imagination poétique exclue de la science, Bachelard a rencontré la question de la temporalité, largement développée par Bergson. Déjà, l’expérience du langage poétique l’incite à s’opposer à la primauté de la durée bergsonienne en posant la réalité de l’instant...
  • DURÉE

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 957 mots

    Cette notion indique l'idée de persistance d'un phénomène, de maintenance temporelle d'une réalité.

    Pour saint Thomas, la durée est, suivant la formule d'E. Gilson, « de même nature que le mouvement même de l'être qui dure ». Descartes, au nom du mécanisme...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias

    Innombrables sont les avatars d'Érôs dont la définition heuristique pourrait être : le désir ascensionnel. Or, ce désir – il se confond ici avec le regard olympien – anime les philosophies du concept ; il est à l'œuvre dans les théologies de l'histoire qui lisent synoptiquement les événements,...

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