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CANTOR GEORG (1845-1918)

Georg Ferdinand Cantor - crédits : Archives de l'Université Halle-Wittenberg, Allemagne (UAHW, Rep. 40-VI, Nr. 1, Bild 7)

Georg Ferdinand Cantor

Georg Cantor est le mathématicien de génie qui a ouvert pour les mathématiques le paradis de l’infini. Il a développé la théorie des ensembles qui permet de traiter tout objet mathématique comme un ensemble d’éléments déterminé, fini ou infini, et a introduit le concept de transfini, qui permet une arithmétique de l’infiniment grand. C’est une rupture avec deux mille ans d’histoire, saluée avec admiration par David Hilbert (1862-1943) qui voyait dans la théorie cantorienne « la fleur la plus admirable de l’esprit mathématique et l’une des plus sublimes réalisations de l’activité intellectuelle pure de l’homme ». D’Aristote à Descartes, en effet, on considère que l’infini ne peut être déterminé, c’est-à-dire qu’on ne peut lui assigner aucune quantité fixe. Bien plus, l’infini est inatteignable, car illimité. Pour Aristote, le mathématicien n’a d’ailleurs pas besoin de considérer des totalités infinies en acte, il lui suffit d’envisager des grandeurs plus grandes ou plus petites que toute grandeur donnée : l’infini du mathématicien est potentiel. Si l’on concevait une totalité infinie, ne devrait-on pas dire que ses parties aussi sont infinies ? Et ne serait-on pas alors conduit à dire qu’un infini, celui du tout, est plus grand qu’un autre, celui d’une de ses parties ? Y aurait-il donc différents infinis ? Comment les comparer ? Les paradoxes ne manquèrent pas de fleurir tandis que le thème de l’infinité divine impose, dès le Moyen Âge, la conception d’un infini qualitatif, le « vrai » infini de Descartes et de Spinoza, comme mode d’être d’un Dieu parfait et omnipotent. L’invention, au xviie siècle, du calcul infinitésimal qui introduit une manière d’ajouter, soustraire, diviser et multiplier des quantités infinies, ne ruine pas le substantialisme aristotélicien en vertu duquel on ne saurait reconnaître de réalité à un concept au référent « fluent », sans identité fixe. C’est ainsi que les quantités infinies reçoivent de Leibniz le statut de « fictions » dénotées par des symboles auxiliaires qui n’introduisent aucune irrégularité dans les calculs, une fois ceux-ci restreints aux quantités ordinaires.

Avec Cantor, les fictions deviennent des réalités mathématiques, tout aussi positives que les grandeurs finies. Cela était auparavant absolument inconcevable pour les mathématiciens, à deux exceptions près néanmoins : Bernard Bolzano (1781-1848) – le précurseur avec ses Paradoxes de l’infini – et Richard Dedekind (1831-1916) – le cofondateur de la théorie des ensembles infinis en acte et l’interlocuteur de Cantor durant dix-sept années, de 1872 à 1889.

Vie de Georg Cantor

Georg Cantor naît le 3 mars 1845 à Saint-Pétersbourg. Son père est un homme d’affaires fortuné et cultivé, fervent luthérien, attentif à l’éducation scientifique, artistique et religieuse de ses enfants. Sa mère, Marie Böhm, appartient à une famille de violonistes célèbres ; Franz Böhm, son père, était le soliste de l’orchestre impérial de Russie. En 1856, la famille s’établit à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. À l’école, le don exceptionnel pour les mathématiques de Georg Cantor est tôt remarqué.

En 1862, Georg Cantor commence des études supérieures à l’École polytechnique fédérale de Zurich, puis les poursuit à la prestigieuse université de Berlin, où il suit les cours de Karl Weierstrass (1815-1897), le père de l’analyse moderne, d’Ernst Kummer (1810-1893), récipiendaire du grand prix de l’Académie des sciences de Paris pour ses travaux en théorie des nombres, et de Leopold Kronecker (1823-1891), grand partisan de constructions effectives fondées sur les nombres entiers, ce qui explique son hostilité aux inventions de Cantor. Ce dernier obtient en 1867 le titre de PhilosophiaeDoctor pour une thèse sur la théorie des[...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche émérite, ancienne élève de l'École normale supérieure, docteure ès lettres

Classification

Pour citer cet article

Hourya BENIS-SINACEUR. CANTOR GEORG (1845-1918) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Georg Ferdinand Cantor - crédits : Archives de l'Université Halle-Wittenberg, Allemagne (UAHW, Rep. 40-VI, Nr. 1, Bild 7)

Georg Ferdinand Cantor

Autres références

  • CANTOR : THÉORIE DES ENSEMBLES

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 713 mots

    Georg Cantor (1845-1918), professeur de mathématiques à l'université de Halle (Saxe, Allemagne), publie en 1874 dans le Journal de Crelle l'article fondateur de la théorie des ensembles.

    Né à Saint-Pétersbourg (Russie) d'un père danois et d'une mère autrichienne, Cantor réside avec...

  • ANALYSE MATHÉMATIQUE

    • Écrit par Jean DIEUDONNÉ
    • 8 527 mots
    ...contradictions dont les « monstres » auraient été les manifestations. Ce doute fut levé par les travaux à peu près simultanés de Weierstrass, de Méray, de Cantor et de Dedekind, qui, par divers procédés, définirent les nombres réels à partir des nombres rationnels, au moyen de l'opération que nous appelons...
  • CONTINU HYPOTHÈSE DU

    • Écrit par Patrick DEHORNOY
    • 2 220 mots
    Cantor a fondé la théorie des ensembles à la fin du xixe siècle en montrant qu'il existe plus de nombres réels que d'entiers, et donc des infinis de tailles différentes. Le problème du continu est la question : toute partie infinie de ℝ est-elle en bijection avec ℕ ou ℝ ?
  • CONTINU & DISCRET

    • Écrit par Jean-Michel SALANSKIS
    • 7 672 mots
    L'opposition quantitative de ces deux ensembles fut révélée par Cantor, elle est en quelque sorte le point de départ de la théorie du transfini, la première illustration du sens qu'il y a à comparer les infinis au moyen de la notion d'équipotence tirée de la théorie des ensembles. L'ensemble ...
  • DÉNOMBREMENT IDÉE DE

    • Écrit par Roger DAVAL
    • 2 376 mots
    Le glissement à la notion d'ensemble est en effet facile. Si, avec Cantor, on appelle ensemble le « groupement en un tout d'objets bien définis, et discernables de notre perception ou de notre entendement, que nous appelons les éléments de l'ensemble », les deux notions permettant de caractériser un...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi