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KRONECKER LEOPOLD (1823-1891)

Le mathématicien allemand Kronecker nous apparaît, avec Kummer, comme l'un des plus grands arithméticiens du xixe siècle et l'un des fondateurs de la « grande » théorie des nombres algébriques. Ses travaux sur le corps de classes dans un cas particulier ont préparé ceux de Hilbert et sont à la base de la théorie générale du corps de classes relatif qui est, de nos jours, un sujet privilégié de profondes recherches.

Cet article utilise les notions et résultats de la théorie élémentaire des nombres algébriques (cf. théorie des nombres - Nombres algébriques).

Un arithméticien hors pair

Né à Liegnitz, dans une famille de riches commerçants, Leopold Kronecker suivit au gymnase les cours d'Ernst Kummer, qu'il devait retrouver plus tard comme professeur à l'université de Breslau, puis comme collègue à Berlin, et qui, avec Peter Gustav Lejeune-Dirichlet, devait avoir l'influence la plus profonde sur le développement de sa pensée. Après avoir soutenu, en 1845, une thèse très originale sur les unités des corps cyclotomiques, il s'occupa pendant plusieurs années des affaires familiales, et ne put se livrer entièrement de nouveau aux recherches mathématiques qu'à partir de 1853. Élu, en 1860, membre de l'Académie des sciences de Berlin, il donna, à partir de cette époque, des cours libres à l'université de cette ville, où il fut nommé professeur titulaire en 1883 et où il acheva sa vie.

Bien que maniant avec virtuosité toutes les ressources de l'analyse (comme le montrent ses travaux sur les fonctions elliptiques ou les séries de Dirichlet), Kronecker est avant tout un algébriste et un arithméticien. Même sa découverte la plus importante en analyse, une formule intégrale donnant le nombre des racines d'un système d'équations dans un espace à n dimensions, lui a été inspirée par des travaux sur les suites de Sturm. D'ailleurs, vers la fin de sa vie, il professait une doctrine tendant à rejeter l'« infini actuel » des mathématiques en ne gardant comme valable que ce qui pouvait être uniquement fondé sur le nombre entier ; ses polémiques avec Cantor à propos de la théorie des ensembles sont restées célèbres, et il peut être considéré comme le précurseur de l'école intuitionniste (cf. cantor, théorie de la démonstration).

En algèbre, Kronecker fut l'un des animateurs les plus actifs du groupe de mathématiciens qui, dans les années 1860-1890, achevèrent de mettre sur pied l'algèbre linéaire et multilinéaire inaugurée par Arthur Cayley et Hermann Grassmann aux alentours de 1845. C'est ainsi qu'il reprit et compléta les travaux de Karl Weierstrass sur les diviseurs élémentaires et la réduction des formes bilinéaires et quadratiques, donna la formulation abstraite du théorème de structure des groupes commutatifs finis et trouva de curieuses relations entre les mineurs d'une matrice symétrique. Il avait été l'un des premiers à comprendre et à utiliser les travaux d'Évariste Galois (publiés en 1846) et, au cours de ses recherches sur la résolution des équations algébriques du septième degré, il découvrit le groupe simple d'ordre 168 (le premier connu après les groupes alternés). C'est lui aussi qui donna la forme générale du théorème d'approximation diophantienne simultanée de plusieurs nombres réels par des formes linéaires à coefficients réels et à variables entières, en étendant le « principe des tiroirs » de Dirichlet.

Les travaux les plus profonds et les plus originaux de Kronecker sont relatifs à la théorie des nombres algébriques. Presque aussitôt après la découverte par Kummer de la théorie des « nombres idéaux », qui résolvait la question de la divisibilité dans les corps cyclotomiques, Kronecker se proposait d'étendre cette théorie à tous les corps de nombres algébriques. Au témoignage[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. KRONECKER LEOPOLD (1823-1891) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Leopold Kronecker - crédits : Courtesy of Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz BPK, Berlin

Leopold Kronecker

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    ...reprenant une idée de Cauchy qui définissait les nombres complexes comme classes résiduelles de polynômes à coefficients réels modulo le polynôme x2 +1, Kronecker donne, en 1882, les premiers exemples de corps (non triviaux) définis abstraitement en montrant que, avec les notations ci-dessus, le corps ...
  • CANTOR GEORG (1845-1918)

    • Écrit par Hourya BENIS-SINACEUR
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...l’analyse moderne, d’Ernst Kummer (1810-1893), récipiendaire du grand prix de l’Académie des sciences de Paris pour ses travaux en théorie des nombres, et de Leopold Kronecker (1823-1891), grand partisan de constructions effectives fondées sur les nombres entiers, ce qui explique son hostilité aux inventions...
  • CANTOR : THÉORIE DES ENSEMBLES

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 713 mots

    Georg Cantor (1845-1918), professeur de mathématiques à l'université de Halle (Saxe, Allemagne), publie en 1874 dans le Journal de Crelle l'article fondateur de la théorie des ensembles.

    Né à Saint-Pétersbourg (Russie) d'un père danois et d'une mère autrichienne, Cantor réside avec...

  • CORPS, mathématiques

    • Écrit par Universalis, Robert GERGONDEY
    • 6 190 mots
    ...valeur R(x) en x et, comme deux polynômes congrus modulo P(X) ont même valeur en x, cela définit un homomorphisme :
    qui est l'isomorphisme annoncé. La dernière définition des corps de nombres algébriques, qui est, au langage près, celle deKronecker, est ainsi reliée à celle de Dedekind.
  • Afficher les 10 références

Voir aussi