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FOYERS DE CULTURE

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Versailles, théâtre de l'autorité royale

L'organisation de Versailles en foyer de civilisation et de culture en même temps que de gouvernement et d'administration a fait de cette ville artificielle un exemple de centralisation absolue unique au monde. Mais ses activités étaient si nombreuses qu'on peut se demander à quel niveau se plaçaient les fonctions culturelles dans cet ensemble polymorphe, à la fois logis du roi, hôtel de cour, centre de ministères, exposition permanente des industries de luxe françaises nouvellement nées, de l'artisanat d'art, de l'ingénierie hydraulique, de l'urbanisme moderne, des peintures et sculptures appartenant aux collections royales.

Or, pour peu que l'on suive l'ordre chronologique du développement de Versailles, on s'aperçoit que la fonction théâtrale est la première née. N'oublions pas que la construction de Versailles sous Louis XIV a duré plus de vingt ans. Autour de la cour de marbre, le petit pavillon de chasse de Louis XIII ne peut d'abord loger que le roi et quelques personnes de sa suite. Mais quel merveilleux théâtre de plein air ! C'est là, et dans un embryon de parc, que l'on représentera, en 1664, Les Plaisirs de l'île enchantée et La Princesse d'Élide qui, bien qu'écrits et mis en scène par Molière, ne se trouvent pas moins dans la lignée des Fêtes de cour des Valois. C'est là aussi que Louis XIV fera jouer Les Fâcheux et Tartuffe la même année, et l'année suivante L'Amour médecin, avec musique de ballet de Lully. Au cours des fêtes de célébration de la paix d'Aix-la-Chapelle, ce sera le tour de George Dandin, dont le triomphe à Versailles contrastera avec son insuccès parisien.

Car il existe désormais deux jugements sur les pièces, qui ne vont pas toujours de pair : celui du public bourgeois de Paris et celui de la cour, presque toujours déterminé par les choix et les réactions du roi. Ainsi viennent s'ajouter au lieu de charme de la cour de marbre, au public choisi d'hommes et de femmes civilisés par l'atmosphère de cour, à l'omniprésence des œuvres d'art et des gens d'esprit les décisions impérieuses d'un homme de goût qui peut, du revers de la main, balayer les obstacles, comme ce fut le cas lorsqu'il fit représenter Les Plaideurs et Tartuffe. Il peut même à la fois mettre en valeur Racine, insérer Iphigénie triomphante dans les fêtes de 1674 et, deux ans plus tard, agir à contre-courant de la faveur publique en faisant organiser à Versailles un véritable « hommage » à Corneille qui comprendra, à côté des succès du passé, les pièces de vieillesse telles que Sophonisbe ou Othon, qui avaient marqué son prétendu déclin et scandalisé Boileau.

Dans l'ordre de l'architecture et des arts plastiques, rien n'est plus frappant que l'intervention continuelle de Louis XIV dans le moindre détail de construction. Le roi n'hésite pas, écrit Saint-Simon, à faire démolir un pan de bâtiment dont les proportions lui déplaisent, ou une fenêtre inharmonieuse. En même temps, il délègue son pouvoir à un homme qui saura veiller à la coordination des travaux et du style. Car Le Brun n'est pas seulement peintre et décorateur : il veille à l'unité de style. Pour la musique, Louis XIV a les mêmes exigences et les mêmes méthodes. Il confère des pouvoirs exorbitants à Lully, qui affirme son monopole en écartant tous les musiciens italiens, et en exilant Marc Antoine Charpentier à Paris. Mais il a pu créer un style français qui sera imité dans toute l'Europe et influencera la musique d'opéra jusqu'au milieu du siècle suivant. Lully mort, les musiciens qui avaient trouvé dans la Chapelle royale un refuge et une protection contre la tyrannie de l'Italien vont pouvoir se redéployer. Richard Delalande, Du Mont, Lebègue,[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur à l'université de Berkeley, professeur émérite à l'université de Manchester, fondateur de l'Institut collégial européen

Classification

Pour citer cet article

Gilbert GADOFFRE. FOYERS DE CULTURE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

<it>Une lecture chez Madame Geoffrin</it>, A.C.G. Lemonnier - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Une lecture chez Madame Geoffrin, A.C.G. Lemonnier

<it>L'Atelier de Bazille</it>, F. Bazille - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'Atelier de Bazille, F. Bazille

<it>Le Bain turc</it>, J. D. A. Ingres - crédits : VCG Wilson/ Corbis/ Getty Images

Le Bain turc, J. D. A. Ingres

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    Sylvia Beach fut, avec Adrienne Monnier, l'une des grandes figures de la vie littéraire parisienne, en particulier dans les années 1920, lorsque sa librairie offrait aux écrivains expatriés un lieu de rencontre et accueillait les auteurs français qui découvraient un nouveau continent, la littérature...

  • BERLIN (foyer culturel)

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