Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHARPENTIER MARC ANTOINE (1643-1704)

L'un des compositeurs français les plus prestigieux du xviie siècle, Marc Antoine Charpentier, surnommé « le phénix de France » par ses contemporains, est, avec Michel Richard Delalande, le plus grand maître de la musique sacrée, notamment dans le petit motet tel qu'il s'épanouit avant 1700. La richesse de son écriture est sans égale : « du strict point de vue musical, Charpentier est incontestablement très supérieur à Lully : son style est plus riche, plus divers, plus subtil, plus substantiel ; son langage harmonique est beaucoup plus poussé, plus raffiné, plus coloré ; son esthétique est d'une essence plus rare et a de plus nobles ambitions, des visées d'une plus haute spiritualité. Sur le plan du théâtre – habileté scénique et pénétration psychologique –, Charpentier est le seul à s'opposer à Lully, à atteindre la maîtrise, sans se soumettre à la tyrannie du dictateur lyrique » (R. Bernard).

Un grand musicien, malgré Lully

Né et mort à Paris, Charpentier partit vers l'âge de quinze ans pour l'Italie, attiré par l'étude de la peinture ; il y eut des peintres dans sa famille : un Nicolas Charpentier fut peintre du roi et mourut en 1663. On sait que Marc Antoine était à Rome en 1650. Il fréquenta le Collegium Germanicum et prisa fort Monteverdi, Victoria et Carissimi ; pendant trois ans, il fut l'élève de ce dernier, qui lui apprit le contrepoint, la polyphonie, le dialogue à deux chœurs, le style et la forme des histoires sacrées (dont Carissimi était le créateur). De retour à Paris en 1662, Charpentier fréquente les milieux italianisants de la capitale, qui se rencontraient à Saint-André-des-Arts chez l'abbé Mathieu. C'est là qu'il eut sans doute loisir de diffuser les œuvres de son maître. En 1672, Molière, fâché avec Lully, choisit Charpentier comme musicien (Le Malade imaginaire, Le Mariage forcé, La Comtesse d'Escarbagnas), ce qui entraîna le courroux de Lully. Charpentier collabore jusqu'en 1685 au Théâtre-Français (notamment avec Polyeucte, Médée et Andromède de Pierre Corneille, Les Amours de Vénus de Jean Donneau de Visé, Circé, L'Inconnu, La Pierre philosophale de Thomas Corneille). En 1679, il est engagé par le Grand Dauphin à Saint-Germain afin de composer des messes pour sa chapelle. Il occupe ces fonctions pendant une dizaine d'années. À partir de 1680, il est maître de la musique de la duchesse de Guise, cousine de Louis XIV, Marie de Lorraine, pour laquelle il écrit surtout des cantates et des pastorales. C'est dans son hôtel du Marais, à Paris, ainsi qu'à Saint-Germain chez le Dauphin, que Louis XIV eut l'occasion d'entendre les œuvres de ce musicien, jusque-là tenu en marge de l'art officiel représenté par Lully. Le roi fut émerveillé par l'art de Charpentier ; aussi lui fit-il verser une pension lorsque la maladie l'empêcha, en 1683, de concourir pour l'obtention d'une des quatre charges de sous-maître de la chambre royale ; et l'on exécuta ses œuvres à Versailles. En 1684, Charpentier est maître de musique chez les jésuites de Saint-Paul-Saint-Louis (rue Saint-Antoine) et il fait représenter régulièrement ses tragédies sacrées chez ceux du collège de Clermont (Louis-le-Grand), pour lesquels il écrivit la plupart de ses œuvres religieuses. Au faîte de la renommée, il reçut des commandes de l'Académie française, de l'Académie royale de sculpture et de peinture, ainsi que de l'abbaye de Port-Royal. En 1698, il remplace Chaperon comme maître de musique de la Sainte-Chapelle, bien qu'il n'ait pas été prêtre ; il occupera ce poste jusqu'à sa mort.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Paul LACAS. CHARPENTIER MARC ANTOINE (1643-1704) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHRISTIE WILLIAM (1944- )

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 2 324 mots
    ...fondé en 1979 l'ensemble vocal et instrumental Les Arts florissants, apte à aborder un répertoire délicat et difficile. Le divertissement de Marc-Antoine Charpentier qui porte ce titre est donné à l'Opéra royal de Versailles en 1982, dans une mise en scène de Jorge Lavelli. En 1983, année du tricentenaire...
  • LE MALADE IMAGINAIRE (Molière) - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 710 mots
    • 1 média

    Le Malade imaginaire, créé le 10 février 1673 au théâtre du Palais-Royal,est la dernière pièce de Molière (1622-1673), celui-ci, par une tragique superposition de la réalité et de la fiction, mourant juste après la quatrième représentation, le 17 février. Il s’agit d’une comédie-ballet...

  • MOTET

    • Écrit par Roger BLANCHARD
    • 3 044 mots
    ...parties avec symphonie et basse continue, qui, imprimés en 1693 et dédiés au roi, contribuent à accentuer l'influence italienne sur la musique française. Marc Antoine Charpentier, maître de musique des Jésuites, qui avait été l'élève à Rome de Carissimi, compose plus de cent motets, dont l'écriture dense,...
  • OPÉRA - Histoire, de Peri à Puccini

    • Écrit par Jean-Vincent RICHARD
    • 9 082 mots
    • 31 médias
    Parmi les rivaux malheureux de Lully, il faut très certainement réserver une place à part à Marc-Antoine Charpentier (1634-1704), dont on a ressuscité en 1981, à Lyon, le chef-d'œuvre, David et Jonathas (1688) ; cet ancien élève de Giacomo Carissimi à Rome démontre là qu'on peut respecter...

Voir aussi