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MACH ERNST (1838-1916)

Physicien préoccupé en même temps de la critique historique des concepts physiques et des phénomènes de psychophysiologie des sensations, Mach a fourni une œuvre scientifique importante à la jonction de plusieurs disciplines, mais souvent mal perçue de ses contemporains en raison de sa diversité, Il a, suivant l'expression d'Einstein, « ébranlé la foi dogmatique » dans le mécanisme, ouvrant la voie aux révolutions de la physique du xxe siècle. Ce « promeneur sans préjugés, muni d'idées originales dans plusieurs champs de la connaissance », ainsi qu'il se définissait lui-même, ne se voulait pas philosophe. Il a pourtant développé une philosophie de la connaissance empiriste critique et positiviste, proposant une réduction phénoménaliste aux éléments de sensation – seule réalité à ses yeux –, prônant l'exigence d'unité de la science et le rejet de toute métaphysique dans les énoncés de celle-ci. Celui qu'Einstein qualifia de « déplorable philosophe », tout en appréciant « la grandeur de son scepticisme et de son indépendance incorruptibles », eut une influence considérable, notamment sur le cercle de Vienne et sur l'école de Copenhague de la mécanique quantique.

Un Herr Professor dans l'Empire des Habsbourg

Ernst Mach est né le 18 février 1838 à Chirlitz-Turas, près de Brno, en Moravie, dans une famille cultivée, ouverte à l'éveil des nationalités. Il sera lui-même d'idées libérales, adhérant au groupe socialiste viennois de la Fabian Society (le Wiener Fabier Gesellschaft). Son père, Johann, installé en 1840 dans une ferme près de Vienne, s'occupa personnellement de son éducation jusqu'à sa quatorzième année. Enfant sensible, le jeune Ernst ne supportait pas la manière autoritaire d'enseigner certaines disciplines à l'école où il fit, à l'âge de dix ans, une expérience manquée : on le disait peu doué pour les études. En 1853, à 15 ans, il entra au gymnasium (lycée), et deux ans plus tard à l'université de Vienne, où il étudia les mathématiques, la physique et la philosophie, et soutint une thèse de doctorat en 1860 sur les phénomènes électriques de décharges et d'induction. Privatdozent, il effectua ensuite des recherches sur la mécanique des systèmes vibrants et sur les propriétés des fluides, tout en enseignant la physique aux étudiants de médecine et en donnant des conférences. Il partageait alors sans réserve les conceptions mécanistes (atomisme et théorie cinétique des gaz) dont il devait peu après s'écarter jusqu'à les rejeter. Il s'intéressait de plus en plus à la physiologie et à la psychologie des sensations ainsi qu'à la psychophysique (étude des phénomènes relatifs à la vue, à l'audition, à la pression du sang). Il poursuivit ses recherches dans cette direction à l'université de Graz, où il fut nommé professeur en 1864, puis à Prague, où il demeura de 1867 à 1895.

Sa production scientifique, durant cette période, est partagée entre les recherches expérimentales en psychophysiologie des sensations et en physique (optique, propagation des ondes), et les problèmes théoriques de la mécanique et de la thermodynamique, notamment en ce qui concerne la critique de leurs concepts. Celle-ci le conduisit à effectuer des études historiques sur la conservation de l'énergie, sur la mécanique et la thermodynamique ; il développa une épistémologie psychophysique et une philosophie de la connaissance de type positiviste, fondée sur l'observation, qu'il développa dans plusieurs ouvrages. Il publia également des manuels de physique, très utilisés en leur temps, et des conférences scientifiques populaires.

De 1882 à 1884, il fut recteur de l'académie de Prague, et en 1895 fut nommé professeur de philosophie, à la chaire d'« histoire et de théorie des sciences[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS

Classification

Pour citer cet article

Michel PATY. MACH ERNST (1838-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

La critique et le regard porté sur l'œuvre littéraire - crédits : D.R.

La critique et le regard porté sur l'œuvre littéraire

Autres références

  • DESCRIPTION ET EXPLICATION

    • Écrit par Jean LARGEAULT
    • 9 388 mots
    • 1 média
    ...immédiatement pour l'espace et le temps, ce qui se réalise par des détours pour les autres éléments sensibles, la notion de fonction permet de représenter beaucoup mieux les relations des éléments entre eux... Ainsi, les notions vulgaires de cause et d'effet deviennent superflues » (E. Mach, chap. xvi).
  • EINSTEIN CARL (1885-1940)

    • Écrit par Liliane MEFFRE
    • 3 041 mots
    ...langues anciennes, l'histoire de l'art. C'est une période de lecture intensive, de Kant et de Nietzsche en particulier, mais surtout du philosophe-physicien Ernst Mach, fondateur avec Avenarius de l'empiriocriticisme et qui, avec l'esthéticien Konrad Fiedler, lui fournira les outils conceptuels décisifs pour...
  • EMPIRISME

    • Écrit par Edmond ORTIGUES
    • 13 324 mots
    • 1 média
    ...transcendantale de la nécessité est une conception téléologique). D'un autre côté, la conception empiriste la plus influente était celle du physicien et philosophe Ernst Mach, qui tentait de construire l'objet physique à partir d'une analyse psychologique des sensations (d'où l'appellation d'« empirisme psychologique...
  • GESTALTISME

    • Écrit par Georges THINÈS
    • 6 590 mots
    • 2 médias
    ErnstMach et Christian von Ehrenfels représentent le lien essentiel entre la psychologie de la sensation et celle qui procède de l'école autrichienne. Mach publie en 1886 son œuvre capitale Die Analyse der Empfindungen und das Verhältnis des Physischen zum Psychischen (L'Analyse des sensations...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi