CHANSON FRANÇAISE
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La chanson politique et sociale
La romance de salon, accompagnée au clavecin, à la harpe puis à la guitare ou au pianoforte, constitue une passerelle entre la musique savante – elle est écrite pour être chantée par des amateurs – et la musique populaire. Un Florian ne dédaigne pas d'écrire Plaisir d'amour ; Chateaubriand lui emboîtera le pas. Une petite société de chansonniers – au sens d'auteurs de chansons – naît : il s'agit de la société du Caveau (ou des dîners du Caveau), fondée en 1733 par Alexis Piron, Crébillon fils et Charles Collé, et qui se réunit dans un restaurant de la rue de Buci, à Paris. Elle envoie dans toute la France des chansons nouvelles, édite un recueil d'airs – les « timbres » – sur lesquels se composent les chansons : sur un seul timbre, pendant la Révolution française, pourront ainsi se décliner des dizaines de chansons manifestant les opinions les plus divergentes. Le grand nom qui demeure de cette époque est celui d'un royaliste, le romanesque Ange Pitou (1767-1846) : les paysans vendéens en révolte ont leur « romancero ». La plus belle chanson de cette époque est peut-être La Liberté des nègres, écrite par Pierre Antoine Augustin de Piis (1755-1832) pour célébrer l'abolition de l'esclavage, en 1794. Mais de Piis se ralliera à Napoléon, et le totalitarisme impérial va étouffer toute velléité de contestation dans la chanson ; il ne pourra cependant pas empêcher le jeune Pierre Jean de Béranger (1780-1857) de brocarder les appétits de conquête de l'empereur dans Le Roi d'Yvetot (1813).
Béranger est la grande gloire chansonnière du xixe siècle, le « Poète National », comme l'affirme la plaque figurant sous le médaillon en bronze réalisé par David d'Angers pour sa tombe au Père-Lachaise. Son œuvre est à cheval entre la chanson « de bonne compagnie » du Caveau, où officie notamment son ami Marc-Antoine Désaugiers (1772-1827), auteur du Tableau de Paris à cinq heures le matin (1802), et celle, plus antisociale, des goguettes, ces assemblées libres où le petit peuple se réunit pour écouter des chansons et fronder Charles X, puis Louis-Philippe. On préfère souvent s'étonner de la popularité de « l'immortel Béranger », idole des goguettes, que de recenser les beautés dans son œuvre souvent ironique : ses petits portraits, Les Cinq Étages, Jeanne la Rousse, Lève-toi Jacques et ses professions de foi libertine comme Le Bon Dieu sont des chefs-d'œuvre incontestables unanimement célébrés en leur temps. Même s'il l'a regretté ensuite, Béranger fut l'un des plus grands propagateurs de la légende napoléonienne, mais ne se compromit pas avec le pouvoir qu'il avait aidé à mettre en place.
Napoléon III va juguler les tendances sociales de la chanson, à coups d'interdictions, voire d'emprisonnements.
La chanson revendiquée révolutionnaire et sociale circule plus ou moins sous le manteau et dans des cabarets que l'on qualifierait aujourd'hui d'alternatifs. Elle est très surveillée, et persécutée. Ce qui n'empêchera pas pour autant la création d'œuvres désormais mythiques comme, en 1866, Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (1836-1903) ou, en 1871, L'Internationale d'Eugène Pottier (1816-1887), dans la veine des Chants et chansons de Pierre Dupont (1821-1870), célébré par Baudelaire. Parallèlement, une sorte d'« industrie » de la chanson se crée, le café-concert. Autant la politique en est presque bannie (mais Darcier – Joseph Lemaire –, qu'a célébré Hector Berlioz, y lance La Canaille, j'en suis, 1865), autant, sur le plan des mœurs, on est libre : éloge de la femme légère, du cocuage, personnages interlopes comme Joseph Kelm et bien d'autres... La seule soupape, c'est l'absurde où l'extrême de la[...]
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Écrit par
- Hélène HAZERA : rédactrice, productrice déléguée à France Culture
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