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AUGUSTINISME

Le terme « augustinisme » est ambigu : il désigne en effet, non seulement la pensée authentique de saint Augustin telle qu'elle est entrée dans la doctrine de l'Église catholique, mais aussi l'histoire de la pensée augustinienne à travers les seize siècles qui nous séparent de sa formulation ; c'est-à-dire les développements féconds, les prolongements de tous ordres, philosophique, spirituel, moral, auxquels elle a abouti, aussi bien que les véritables contresens et caricatures que chaque époque a commis en relisant Augustin. Cette vie multiforme de la pensée augustinienne témoigne clairement de la place tout à fait exceptionnelle que l'œuvre de l'évêque d'Hippone a tenue dans la pensée médiévale et classique, dans l'ensemble de la culture occidentale. Classé par le pape Célestin « parmi les plus grands maîtres », Augustin fut défini à l'époque carolingienne comme le « maître incontesté de toute l'Église, immédiatement après les apôtres ».

Son autorité à l'intérieur du christianisme occidental ne cessera jamais d'être invoquée, recherchée, discutée, souvent avec passion. Même les non-chrétiens ne sont pas restés insensibles, jusqu'à l'époque contemporaine, à ce penseur chrétien dont, paradoxalement, ce n'est pas toujours le meilleur qui a nourri les divers augustinismes. Dans un souci volontaire de clarification, on distinguera donc certains points, particulièrement privilégiés en raison des controverses doctrinales et idéologiques auxquelles ils ont donné lieu : prédestination, justification, métaphysique, politique et spiritualité. Mais l'on n'oubliera pas qu'il faut toujours se référer à la pensée même d'Augustin, en appeler à elle de tous ces augustinismes, orthodoxes ou non, mais tous, en quelque manière, déformants.

Le problème de la prédestination

La controverse avec Julien d'Éclane, au sujet de la prédestination et du péché originel, avait durci la théorie d'Augustin.

Certaines de ses formules sur la masse innombrable des damnés, résultant du péché originel, massa damnata, massa perditionis, ou bien sur le petit nombre des élus, dépassèrent sans doute sa conviction profonde et pouvaient être interprétées comme la négation de la bonté de Dieu et de l'efficacité de la rédemption. Elles heurtaient l'enseignement traditionnel de l'Église.

Le semi-pélagianisme

La réaction vint du milieu monastique provençal, d'ascètes pour qui les outrances de l'augustinisme semblaient encourager le relâchement des efforts humains pour parvenir à la sainteté. Jean Cassien fut leur porte-parole : formé à l'école du monachisme oriental, il affirmait que Dieu et l'homme, la grâce et le libre arbitre coopéraient pour sauver l'homme pécheur. À ses yeux, le problème important était de savoir quand, et sous quelle impulsion, commençait la bonne volonté : cet initium bonae voluntatis, ce premier pas, était tour à tour imputé à l'action de Dieu et à la volonté de l'homme. Mais, dans ce dernier cas, tout le mérite revenait à la créature, et la grâce de Dieu devenait, sinon inutile, du moins simple récompense : l'homme était l'unique auteur de son salut.

Les disciples d'Augustin virent là un retour des pires thèses pélagiennes : Prosper d'Aquitaine partit en guerre contre ces ingrati, ces négateurs de la grâce, les dénonça à Rome mais n'obtint du pape Célestin qu'une déclaration prudente qui, tout en proclamant Augustin l'un des plus grands docteurs, blâma ceux qui innovent en matière de foi. La controverse dura près d'un siècle ; contre un prédestinatianisme qui prétendait que ceux qui n'avaient pas été, de toute éternité, mis au nombre des élus ne pouvaient qu'en vain s'efforcer de multiplier les efforts et les bonnes[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions
  • : agrégée de l'Université, docteur ès lettres, professeur et directeur du département de philosophie à l'université de Paris XII-Créteil

Classification

Pour citer cet article

Michel MESLIN et Jeannine QUILLET. AUGUSTINISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALEXANDRE DE HALÈS (1185 env.-1245)

    • Écrit par Charles BALADIER
    • 938 mots

    Originaire de Hayles (Halès en français), dans le comté de Gloucester, Alexandre de Halès, premier franciscain à enseigner à l'Université de Paris, y fut d'abord un des principaux maîtres séculiers. Il était bachelier sententiaire entre 1220 et 1226. Outre ses Questiones...

  • ARISTOTÉLISME MÉDIÉVAL

    • Écrit par Alain de LIBERA
    • 4 951 mots
    • 1 média
    ...tentative d'un retour à l'aristotélisme authentique, par-delà les divers éclectismes platoniciens et avicenniens où se sont exprimées les nombreuses formes d' augustinismes pratiquées tant en philosophie qu'en théologie. Réciproquement, quand le théologien allemand Dietrich de Freiberg réaffirme le parallélisme...
  • AUGUSTIN saint (354-430)

    • Écrit par Michel MESLIN
    • 8 969 mots
    • 2 médias
    La pensée doctrinale d'Augustin s'est développée progressivement, ne parvenant que par étapes, à la suite des circonstances et parfois sous l'action de la controverse, à la prise de conscience de chaque vérité et à la perception lucide du rôle de cette vérité dans l'ensemble de la ...
  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

    • Écrit par Henry CORBIN
    • 8 902 mots
    • 1 média
    ... Thomas d'Aquin. Et précisément une grande part de l'activité de saint Thomas fut consacrée à la critique destructive d'une forme d'augustinisme qui conduisit Étienne Gilson à la découverte et à l'analyse mémorable du phénomène qu'il caractérisa comme « augustinisme avicennisant...
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Voir aussi