CANOVA ANTONIO (1757-1822)
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Après avoir été célébré comme le dernier classique, Antonio Canova fut ravalé au rang des pasticheurs de l'antique et estimé le représentant le plus typique d'une période néfaste de l'art occidental. Les travaux d'E. Bassi lui ont rendu justice, en révélant esquisses, dessins et peintures qui découvrent une personnalité curieuse. Il ne convient cependant pas de séparer ses recherches de ses œuvres achevées. Avec toutefois infiniment plus de talent, il évolua comme la plupart de ses contemporains. Abandonnant la tradition baroque, il se rallia au néo-classicisme archéologique de la pureté grecque, mais il sentit toujours le danger d'une trop grande soumission aux impératifs d'une doctrine discutable. Contrairement aux souhaits de ses conseillers, trop absolus, Canova poursuivit sa démarche propre ; partant d'observations aiguës, de croquis et d'ébauches, il fixa des attitudes maniérées qui correspondent à son attirance profonde pour un monde utopique où la beauté plastique s'allie au bizarre. Il coula ensuite, autant qu'il le put, ses rêves dans le moule antique et parvint ainsi à créer des formes neuves, avant tout féminines, où se mêlent froideur et volupté, grâce et langueur.
Les premiers romantiques, Byron, Stendhal, Chateaubriand admiraient, à l'égal des derniers défenseurs du classicisme, son art apparemment détaché des contingences. Le prestige de cet homme généreux, délicat, secret, décidé à préserver son indépendance, s'imposa partout durant le premier quart du xixe siècle.
Si la plupart des maquettes, tableaux, dessins de Canova sont connus, comme ses marbres et leurs principales répliques, nous ne possédons pas le catalogue complet de sa production, que son abondante correspondance inédite, en partie conservée à Bassano, permettrait de dresser avec méthode. Les sources précises de ses œuvres offrent toujours un vaste champ d'étude.
Retour à l'antique
Né à Possagno, dans la province de Trévise, en Italie, Canova perdit tout jeune son père. Son grand-père, Pasino, praticien habile à dégrossir statues et groupes de pierre, le prépara à son métier et obtint pour lui la protection du sénateur vénitien Giovanni Falier. Entré dans l'atelier de Giuseppe II Bernardi-Torretto (1694-1774), qui prolongeait en milieu provincial les formules baroques du xviiie siècle, Canova suivit son maître à Venise en 1769.
Dès 1776, il expose les statues d'Eurydice et d'Orphée, où le rococo s'associe maladroitement à un réalisme assez trivial. Le groupe de Dédale et Icare affirme son goût du mouvement, des attitudes complexes, d'une vérité familière. Des bustes modelés ou des portraits peints témoignent de l'attachement du jeune artiste à la tradition vénitienne.
Admis à l'Académie, Canova se rend à Rome dès l'automne de 1779. Les antiques le laissent d'abord indifférent, alors que son journal révèle une admiration passionnée pour l'art baroque. L'influence de ses amis, Gavin Hamilton, peintre et antiquaire, Volpato, graveur, partisans de l'esthétique néo-classique, s'exerce peu à peu sur lui.
Désormais, sa carrière va se dérouler à Rome, et elle sera éclatante. Un Apollon se couronnant, le groupe de Thésée vainqueur du Minotaure indiquent une évolution très nette vers l'imitation des modèles gréco-romains. En 1783, Canova se lie avec Quatremère de Quincy, théoricien du retour à l'antique le plus sévère, qui restera son intime conseiller. Pour atteindre la pureté grecque, il discipline son tempérament primesautier, toujours sensible dans ses bustes, ses esquisses et ses dessins. Les grands monuments funéraires des papes Clément XIV (1783-1787) et Clément XIII (1787-1792) offrent encore un compromis entre la tradition, respectée dans la composition générale, et la nouveauté des figures accessoires, comme le Génie de la mort, imprégnées d'esprit hellénistique. Ses créations profanes sont, par contre, toutes inspirées par la sculpture antique, qu'il interprétera avec une grande liberté. Le groupe de Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, d'un maniérisme certain dans l'exécution mais d'une conception lyrique, en demeure l'exemple le plus séduisant. Une aimable Psyché debout, jouant avec le papillon, image de l'âme, se retrouve un peu plus tard associée avec l'Amour et devient le pendant du premier groupe, comme symbole de l'Innocence face à [...]
Vénus couronnant Adonis, A. Canova
Antonio Canova, Vénus couronnant Adonis (détail), 1789, plâtre, 145 cm X 104 cm X 185 cm. Gipsoteca Canoviana, Possagno. Parmi les essais réalisés par le sculpteur, à la fin des années 1780, à partir de figures prises dans les mythes antiques, ce modèle de plâtre annonce le groupe de...
Crédits : A. Dagli Orti/ DeAgostini/ Getty Images
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, A. Canova
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour fut commandé à Antonio Canova, en 1787, par un Anglais, le colonel John Campbell, qui visitait l'Italie, alors que l'artiste se reposait à Naples après avoir achevé le monument funéraire du pape Clément XIV. Le groupe de Psyché appartient à un...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Amour et Psyché, Antonio Canova
Antonio Canova (1757-1822), Amour et Psyché, 1787-1793. Détail d'une sculpture sur marbre (H. 1,55). Musée du Louvre, Paris.
Crédits : Erich Lessing/ AKG-images
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, A. Canova
Antonio Canova, Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, 1796, marbre, hauteur 137 cm. Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg. Le groupe, qui s'inscrit dans une composition pyramidale, a été conçu pour être vu sous tous les angles, le sculpteur se montrant attentif à l'équilibre de...
Crédits : Mimmo Jodice/ Corbis
Antonio Canova, Amour et Psyché, 1787, terre cuite, 25 cm X 42 cm X 28 cm. Museo Civico Correr, Venise. L'élaboration par Canova du groupe de Psyché ranimée par le baiser de l'Amour a nécessité plusieurs années et quantité d'essais utilisant des techniques diverses, exemple cette esquisse...
Crédits : Erich Lessing/ AKG-images
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Écrit par :
- Gérard HUBERT : conservateur en chef du Musée national de Malmaison
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Gérard HUBERT, « CANOVA ANTONIO - (1757-1822) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/antonio-canova/