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TŌRAH

La pensée juive médiévale et la Tōrah

Différents courants parcourent la pensée juive médiévale, qui reste solidement entée sur le tronc du judaïsme rabbinique, mais se trouve aux prises avec des problèmes nouveaux résultant de son insertion dans les milieux culturels chrétien et musulman.

Le rationalisme juif est déjà présent chez Saadia Ben Joseph (882-942), qui développe dans son œuvre une théorie des rapports entre la raison et la révélation et qui, à la suite des Mu‘tazilites musulmans, distingue, parmi les commandements de la Tōrah, entre les commandements de raison et les commandements d'obéissance. Chez Maimonide (1135-1204), la plus grande figure de l'intellectualisme juif médiéval, on découvre d'abord, dans sa Répétition de la Loi (Mišneh Tōrah, 1180), une codification de tout le droit talmudique selon un ordre cohérent. Son Guide des égarés(Moré Nebūkim, 1190) emprunte la voie d'une exégèse allégorique de la Tōrah. L'usage de l'allégorie lui permet de retrouver, dans le récit de la Genèse, la science physique et, dans la première vision d'Ézéchiel, la science métaphysique des aristotéliciens médiévaux. La loi révélée lui apparaît, à la suite d'Al-Fārābī, comme un règlement politique apporté par Moïse, le prophète-législateur, à la communauté d'Israël en vue de l'organiser. L'ensemble de la Tōrah a pour objet de faire cesser la violence réciproque, d'ennoblir les mœurs et d'inspirer des idées vraies. La pratique cultuelle des sacrifices n'a été, au moment de la sortie d'Égypte, à l'égard d'un peuple plongé dans l'obscurité, qu'un moyen employé par Dieu afin de lui faire atteindre le vrai but, à savoir l'extinction de l'idolâtrie et le triomphe de la conception du « vrai Dieu ». Ainsi s'expliquent également tous les autres commandements qui ne ressortissent pas au perfectionnement du corps et de l'esprit.

Maimonide - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maimonide

<it>Moïse propose la loi aux Israélites</it> - crédits :  Bridgeman Images

Moïse propose la loi aux Israélites

De pareilles idées seront familières à tout le courant intellectualiste juif, à Lévi Ibn Gerson, par exemple. Elles se heurtent, cependant, à l'opposition du courant fidéiste dont la plus belle figure fut Juda Hallévi (1085-1140). Pour celui-ci, la Tōrah ne saurait être une sorte de redondance des vérités métaphysiques formulées par les philosophes. La fonction de la Tōrah dans l'économie de l'univers ne se comprend qu'à partir de l'élection d'Israël, porteur de la « Chose divine » et destiné à vivre en Terre sainte. La Tōrah est cette charte qui garantit à Israël une existence stable en Palestine sous le signe de la bénédiction et dont l'observance doit permettre au « peuple élu » de conduire l'humanité aux accomplissements messianiques. La soumission aux commandements divins, loin d'être une charge, rend Israël capable d'être le support de la présence divine dans le monde et élève chaque individu à la joie la plus haute.

La lecture de la Tōrah que pratiquent les kabbalistes procède de trois principes fondamentaux. Le premier touche à la nature de la Tōrah : celle-ci est reconnue comme étant le «  Nom de Dieu ». Le texte littéral dévoile aux yeux de l'initié la texture de tous les noms divins, qui procède du tétragramme. La Tōrah est venue manifester, tout en les dissimulant, le plérome des forces divines concentrées dans son nom. Le deuxième principe est celui qui voit dans la Tōrah un organisme vivant, conception que les ésotéristes illustrent à l'aide de la métaphore de l'arbre ou de l'homme. C'est à ce principe que se rattache la théorie des quatre niveaux d'interprétation de l'Écriture, qui correspondent à une approche de plus en plus approfondie du texte révélé. Un dernier principe préside à la lecture mystique de la Tōrah : celui de la signification infinie du texte révélé. Ainsi parlera-t-on des « soixante-dix visages[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur du département d'études hébraïques et juives de l'université de Strasbourg-II, professeur associé à l'Université libre de Bruxelles

Classification

Pour citer cet article

Roland GOETSCHEL. TŌRAH [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Torah médiévale, enluminure - crédits : J. Asarfati/  Bridgeman Images

Torah médiévale, enluminure

Maimonide - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maimonide

<it>Moïse propose la loi aux Israélites</it> - crédits :  Bridgeman Images

Moïse propose la loi aux Israélites

Autres références

  • AKIVA, AKIBA ou AQIBA (50 env.-135)

    • Écrit par Michel GAREL
    • 677 mots

    L'un des plus grands tannaim, Akiva fut aussi sans doute le sage le plus marquant de son temps ; patriote et martyr, il exerça une influence décisive sur le développement de la halakha. Sa vie est des plus spectaculaires dans l'histoire du judaïsme rabbinique. Bien que la légende ait coloré...

  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean HADOT, André PAUL
    • 9 934 mots
    ...précise. Cet écrit propose une interprétation nouvelle, radicalement transformante, du don de la Loi à Moïse. Cet acte fondateur qu'est la révélation de la Torah n'est plus situé au Sinaï mais dans les cieux. Bien plus, Dieu en personne est dit l'auteur des choses désormais inscrites, un ange écrivant comme...
  • BIBLE - Les livres de la Bible

    • Écrit par Jean-Pierre SANDOZ
    • 7 687 mots
    • 4 médias
    La Tōrah, Loi divine, devient le monument littéraire sur lequel la nation s'appuie pour survivre. Aussi, dès avant le règne de Josias, le deuxième réformateur de Juda, éprouve-t-on le besoin de renouveler l'expression de cette Loi. On rédige alors le Deutéronome qui, « découvert » en 622, déclenchera...
  • BIBLE - L'inspiration biblique

    • Écrit par André PAUL
    • 4 564 mots
    • 1 média
    ...mentionner le IVe livre d' Esdras, dont le chapitre xiv contient un étonnant passage. Avant de rédiger son œuvre, c'est-à-dire de réécrire la Tōrah, censée détruite lors de l'incendie du temple de Jérusalem, en 587 av. J.-C., Esdras demande l'inspiration de l'Esprit-Saint. Une voix lui...
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Voir aussi