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SAADIA BEN JOSEPH ou SA‘ADYĀH IBN YŪSUF AL-FAYYŪMĪ (882 ou 892-942)

Le plus éminent penseur et la plus haute autorité scientifique de la période gaonique. Né en Égypte, dans les environs de Fayyoum (Abu Suweir), Saadia se distingue, dès sa jeunesse, par sa rectitude et la rigueur logique de ses ouvrages. Il quitte l'Égypte en 921 et, passant par Alep et la Terre sainte, s'installe à Bagdad. En 922, il est nommé à la tête de l'école de Poumbedita, où il se révèle en tant qu'administrateur énergique. En 928, on lui confie l'école de Sura, qu'il a pour mission de relever et de réorganiser ; il accomplit cette tâche avec zèle et efficacité, en sollicitant l'appui financier des communautés établies en Europe. Son caractère inflexible lui suscite des adversaires, mais ses qualités morales et intellectuelles lui confèrent une autorité stable jusqu'en 932. À l'avènement du calife Al-Kahir, qui veut s'assurer la collaboration des familles juives riches, celles-ci obtiennent que Saadia soit éloigné de la vie publique. C'est pendant cette période qu'il écrit son grand ouvrage philosophique, Le Livre sur les croyances et les opinions. Réconcilié avec ses adversaires en 936, Saadia reprend la direction de l'école de Sura et consacre les dernières années de sa vie à ses ouvrages et à l'enseignement.

Dans ses travaux de juridiction religieuse (halakha), Saadia crée un nouveau genre littéraire, la monographie, construite selon un schéma logique où chaque question est traitée dans un ouvrage séparé. Il est aussi le premier, en matière de halakha, à écrire en arabe, à la place de l'araméen, inaugurant ainsi un usage qui a été largement suivi par la suite. Son titre de célébrité principal est son œuvre philosophique. Son Livre sur les croyances et les opinions, écrit en arabe, traduit en hébreu en 1186 par Juda ibn Tibbon (Sefer ha-Emunot we ha-deot, Constantinople, 1562), puis, récemment, en anglais par S. Rosenblatt (The Book of Beliefs and Opinions, 1948) et, partiellement, par A. Altmann (Three Jewish Philosophers, 1965), est le plus ancien ouvrage philosophique conservé du judaïsme médiéval (une nouvelle édition avec l'original arabe en a été établie par Y. Kafah, Jérusalem, 1970). Bien que mutazilite d'orientation, Saadia a été influencé, en cet ouvrage, par l'aristotélisme et le platonisme ; et, à son tour, il a exercé une influence considérable sur les néo-platoniciens juifs, tels que Bahya ibn Paquda, Moïse et Abraham ibn Ezra. L'objectif du livre est d'étayer les principes de la foi par des arguments rationnels, afin de réfuter les erreurs engendrées par le contact avec des courants de pensée extérieurs au judaïsme. Ses grands chapitres portent sur la théorie de la connaissance, la création, la nature de Dieu, celle de l'homme et sur les préceptes. Dans la partie finale, l'auteur évoque les problèmes concernant l'eschatologie, la résurrection des morts, l'avènement du Messie et la rédemption.

Saadia a encore écrit trois ouvrages de grammaire, le premier à l'âge de vingt ans (édité par N. Allony, 1969) ; des deux derniers, il ne subsiste que des fragments. Ces ouvrages étaient des travaux auxiliaires pour sa traduction de la Bible en arabe. Cette première version arabe, en partie commentée aussi, est la version standard qui est utilisée encore de nos jours. On doit à Saadia, enfin, le premier rituel méthodiquement compilé, qui a été édité seulement en 1941, sous le titre de Siddur de Rav Saadya Gaon (éd. I. Davidson, S. Assaf, B. I. Joel). Par toute cette œuvre, Saadia est l'une des figures les plus importantes de la pensée juive du Moyen Âge.

— Gabrielle SED-RAJNA

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Pour citer cet article

Gabrielle SED-RAJNA. SAADIA BEN JOSEPH ou SA‘ADYĀH IBN YŪSUF AL-FAYYŪMĪ (882 ou 892-942) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    ...kalam, avait donné naissance à la première théologie rationnelle. Mais celle-ci reposait sur le concordisme musulman entre révélation et raison. Saadia ben Joseph de Fayyoum (882-942) inaugura une recherche semblable au sein du judaïsme et appliqua aux données de la Bible la dialectique du kalam...
  • ISRAELI ISAAC BEN SALOMON (850 env.-950)

    • Écrit par André NEHER
    • 1 033 mots

    Contemporain du grand penseur et homme politique juif Saadia Gaon (892-942) et éclipsé par sa gloire, Isaac Israeli (en arabe : Isḥāq ben Sulaymān al-Isrā‘īlī) n'en a pas moins exercé une influence remarquable et durable aussi bien à l'intérieur de la communauté juive qu'au sein de l'islam...

  • JUDAÏSME - Histoire du peuple juif

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 11 244 mots
    • 9 médias
    ...lointaines, les peqīdīm. Natronaï, gaon de Sura (853-856), compose un rituel de prières quotidiennes, à la demande de la communauté espagnole de Lucène. Sa‘adya ben Joseph, le plus fameux des geonim (882-942), compose pour l'édification de la Diaspora un traité systématique de doctrine et de philosophie...
  • TŌRAH

    • Écrit par Roland GOETSCHEL
    • 2 852 mots
    • 3 médias
    Le rationalisme juif est déjà présent chez Saadia Ben Joseph (882-942), qui développe dans son œuvre une théorie des rapports entre la raison et la révélation et qui, à la suite des Mu‘tazilites musulmans, distingue, parmi les commandements de la Tōrah, entre les commandements de raison et les commandements...

Voir aussi