- 1. Récit et discours de la science-fiction
- 2. De l'utopie au « meilleur des mondes »
- 3. Une galaxie littéraire
- 4. L'éclatement du genre
- 5. Des mondes hybrides
- 6. Du monde entier
- 7. La science-fiction francophone
- 8. Uchronies, le passé revisité
- 9. Univers graphiques et cinématographiques
- 10. Bibliographie
- 11. Sites internet
SCIENCE-FICTION
Une galaxie littéraire
Parallèlement, elle a beaucoup élargi ses perspectives et son registre littéraire. La génération des années 1930 (Jack Williamson, Catherine Moore, Stanley Weinbaum, John W. Campbell) a ouvert la voie à l'« âge d'or » de la revue Astounding (Robert Heinlein, Isaac Asimov, A. E. van Vogt, James Blish, Lester del Rey, Clifford Simak), mais ce sont les disciples de Lovecraft, héritiers lointains du gothique, qui lui confèrent ses lettres de noblesse littéraires (Robert Bloch, Henry Kuttner, Theodore Sturgeon, Fritz Leiber, Ray Bradbury). Les années 1950 sont celles du grand épanouissement : la revue Galaxy redécouvre l'ironie de Swift et de Voltaire avec Robert Sheckley, Fredric Brown, Kurt Vonnegut, Pohl et Kornbluth, William Tenn, Alfred Bester ; la science-fiction devient capable d'exprimer aussi l'horreur froide (Richard Matheson, Damon Knight), la poésie (Philip José Farmer, Cordwainer Smith), la mélancolie (Robert Silverberg) et la psychose (Philip K. Dick, Daniel Galouye). Même la deuxième génération d'Astounding (Jack Vance, Poul Anderson, Frank Herbert, Harry Harrison) est irriguée par ce supplément d'inspiration : Herbert bat tous les records de popularité avec Dune, le Guerre et Paix de notre temps.
À ce stade, la science-fiction est sur le fil du rasoir. L'optimisme scientifique laisse à croire que tout est possible : Campbell rêve de transformer la fratrie en technocratie occulte ; van Vogt, Asimov et Heinlein, plus prudents, développeront respectivement une sagesse liée à la science, une œuvre de vulgarisation et des romans pour la jeunesse. Il s'agit là d'éducation, donc d'appel à la croyance : au milieu des années 1940, la science-fiction approche la dimension du mythe. Après la bombe d'Hiroshima, les limites de l'optimisme se dessinent. Dès lors, dans le récit de science-fiction, la joie de conter l'emporte : les personnages et l'écriture suivent comme l'intendance, la machine narrative gagne les batailles. C'est ce qui, au-delà de la noirceur, fait l'inimitable saveur du style Galaxy.
Le renouveau vient d'Angleterre. Après Wells, elle a connu, dans les années 1930, une génération d'auteurs visionnaires (Olaf Stapledon, C. S. Lewis), mais les jeunes écrivains ont fait carrière dans les revues américaines (E. F. Russell, John Wyndham). La revue New Worlds (1946) cristallise une école nationale qui lance Arthur Clarke, John Brunner, Brian Aldiss, J. G. Ballard, Michael Moorcock : auteurs prospères (ils publient aussi aux États-Unis) mais culturellement plus marqués que leurs confrères américains par les cauchemars antiutopiques et les recherches d'écriture. New Worlds, sous la direction de Moorcock (1963), devient une revue d'avant-garde – y compris pour les auteurs américains – et préside aux débuts de Christopher Priest et de Ian Watson. La science-fiction anglaise reste une subculture, mais très ouverte aux courants littéraires contemporains.
Dans les années 1960, l'Amérique bascule à son tour sous l'influence de l'Angleterre et de l'effervescence radicale. Les auteurs se libèrent des revues, fondent une association (1965), décernent un prix à leur tour (1966) ; ils mettent le meilleur d'eux-mêmes dans des anthologies de textes originaux comme Dangereuses Visions de Harlan Ellison (1967) et Orbit de Damon Knight (périodique). Le modèle du conte passe au second plan ; ce qui prédomine, c'est la poésie (à cause de l'écriture expérimentale) et la prophétie, voire le millénarisme (à cause de la contestation). De grands écrivains se révèlent (R. A. Lafferty, Ursula Le Guin, Thomas Disch, Roger Zelazny, Norman Spinrad, Gene Wolfe) et la science-fiction est enfin reconnue comme littérature : une association de chercheurs regroupe en 1970 les universitaires concernés.[...]
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Écrit par
- Roger BOZZETTO : professeur émérite de l'université d'Aix-Marseille-I
- Jacques GOIMARD : historien de la science-fiction
Classification
Médias
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