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KUBRICK STANLEY (1928-1999)

<it>2001, l'Odyssée de l'espace</it>, S. Kubrick - crédits : Movie Poster Image Art/ Getty Images

2001, l'Odyssée de l'espace, S. Kubrick

Un mélange de grotesque, qui peut aller jusqu'au cauchemar, et de dérision plus subtile, plus satirique, tel a été d'abord le trait le plus manifeste des préoccupations du cinéaste Stanley Kubrick. Esprit versatile et paradoxal, de tendance progressiste mais hanté par le pessimisme quant à la « bonté » de la nature humaine, il a pratiqué un cinéma presque confidentiel avant de se trouver hissé à la célébrité internationale avec 2001 : A Space Odyssey (2001, l'Odyssée de l'espace), qui est à la fois le film de science-fiction le plus adulte tourné à ce jour et un chef-d'œuvre de photographie. Le style de Kubrick, où des tentations baroques corrigent une feinte objectivité, et où un « tape-à-l'œil » soigneusement dosé sert à faire passer des messages volontiers expérimentaux, fait de lui l'un des cinéastes actuels les plus originaux, dont l'indépendance de caractère a su s'appuyer sur une remarquable organisation financière.

Des débuts difficiles

Né le 26 juillet 1928 à New York, dans le quartier populaire du Bronx, Stanley Kubrick a d'abord été journaliste, notamment pour le magazine Life. Très tôt passionné de photo, il tourne avant 1953 des courts métrages d'amateur, puis « fait la quête » autour de lui et rassemble 50 000 dollars pour produire son premier vrai film, joué par des acteurs amis. Il en est aussi le scénariste, le photographe et le monteur : le film ne trouvera pas de distributeur et l'argent sera perdu. Nullement découragé, Kubrick réitère l'exploit et réussit à faire distribuer par United Artists un premier long métrage dont le personnage principal est un tueur névropathe, Killer's Kiss (Le Baiser du tueur), puis il met en scène The Killing (L'Ultime Razzia).

Cette histoire de hold-up sur un champ de courses relève de la tradition du thriller, jusque dans le vœu du personnage central : retrouver la prairie de son enfance où l'attendent... des chevaux.

L'action est riche en détails incongrus : on abat un pur-sang en pleine course pour détourner l'attention avant le hold-up, les gangsters portent des masques de carnaval. La mise en scène est très influencée, dans ses accès de violence, par celle de Robert Aldrich ; mais Kubrick s'inspire aussi de cinéastes européens (longs travellings suivant les acteurs comme chez Max Ophüls, plans importants réservés à des temps d'accalmie dans l'action, comme chez Rossellini).

Le film bénéficie d'un certain succès, auprès du public comme de la critique. C'est alors que Kirk Douglas, acteur en pleine ascension, accepte de s'associer au producteur et ami de Kubrick, James Harris, pour « monter » un film antimilitariste, Paths of Glory (1957, Les Sentiers de la gloire), qui sera mis en scène par Kubrick (et joué par Douglas). Le tournage a lieu à Munich, dans le but de reconstituer un minimum d'atmosphère européenne. Il s'agit en effet d'une évocation (romancée) des « fusillés pour l'exemple » sur le front français, en 1917.

Prudemment, les distributeurs présentèrent d'abord le film à Bruxelles : d'anciens combattants français n'en provoquèrent pas moins des incidents, et United Artists renonça à sortir le film en France (on était en pleine guerre d'Algérie). Il n'a été projeté à Paris qu'en 1972. Ce qui frappe dans cette œuvre, bien plus que l'ironie du constat (le général qui ordonne les fusillades sera pris au piège de son machiavélisme, l'un des condamnés est tiré à la courte paille) ou que le message humanitaire dont la force n'exclut pas un certain flou, c'est la maîtrise dont Kubrick fait preuve tant dans la description d'une attaque absurde et meurtrière que dans celle d'un procès hideusement vide de sens, voire dans celle, encore plus périlleuse, de l'exécution. Il y a là, outre un parfait contrôle des interprètes, excellents mais[...]

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Pour citer cet article

Gérard LEGRAND. KUBRICK STANLEY (1928-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>2001, l'Odyssée de l'espace</it>, S. Kubrick - crédits : Movie Poster Image Art/ Getty Images

2001, l'Odyssée de l'espace, S. Kubrick

<em>Spartacus</em>, S. Kubrick - crédits : Silver Screen Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Spartacus, S. Kubrick

<it>Lolita</it>, S. Kubrick - crédits : Seven Arts Production/ Sunset Boulevard/ Corbis/ Getty Images

Lolita, S. Kubrick

Autres références

  • 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE, film de Stanley Kubrick

    • Écrit par Michel CHION
    • 1 186 mots
    • 1 média

    Dans les années 1960, marquées par la guerre froide, deux grands thèmes hantent le monde occidental : le risque d'une apocalypse nucléaire, objet d'innombrables films, et la conquête spatiale, sous la forme d'une compétition entre Russes et Américains – compétition à laquelle met fin l'alunissage, en...

  • 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE (S. Kubrick)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 218 mots
    • 1 média

    Le cinéma de science-fiction a beaucoup perdu de sa vigueur et de sa vitalité, lorsque Stanley Kubrick (1928-1999) se lance dans l'aventure de 2001 : a Space Odyssey, dont le succès va redonner au genre une nouvelle vie pour plusieurs décennies. Selon Jacques Goimard, il s'agit du « premier...

  • EYES WIDE SHUT (S. Kubrick)

    • Écrit par Michel CIMENT
    • 1 013 mots

    Chaque film de Stanley Kubrick, lorsqu'il est apparu pour la première fois sur les écrans, a déconcerté nombre de spectateurs et en particulier les critiques. Eyes Wide Shut (1999) n'a pas failli à la règle, d'autant qu'il s'est avéré impossible pour les commentateurs d'exprimer ce qu'ils pensaient...

  • CENSURE

    • Écrit par Julien DUVAL
    • 6 228 mots
    • 1 média
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  • CINÉMA (Aspects généraux) - Les techniques du cinéma

    • Écrit par Michel BAPTISTE, Pierre BRARD, Jean COLLET, Michel FAVREAU, Tony GAUTHIER
    • 17 534 mots
    • 17 médias
    ...mouvements, et enfin 900 effets spéciaux comportant des maquettes à échelles diverses. Il en est de même pour 2001, L'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, où le système des « transparences » a été utilisé en priorité et où la qualité de la lumière – et si l'on peut dire sa philosophie – l'a...
  • CLARKE ARTHUR CHARLES (1917-2008)

    • Écrit par Jacques GOIMARD
    • 869 mots
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    Scénariste et auteur de 2001 l'Odyssée de l'espace, Arthur C. Clarke est le fils d'un agriculteur anglais. Né à Minehead (Somerset) le 16 décembre 1917, il est obligé d'interrompre ses études à dix-neuf ans pour entrer dans l'administration des finances. Mais il était devenu amateur de ...

  • FIGURE MODERNE DE SPARTACUS - (repères chronologiques)

    • Écrit par Xavier LAPRAY
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    1850 Première de la pièce Toussaint-Louverture. Lamartine y utilise le personnage emblématique de Spartacus pour incarner la révolte des esclaves noirs des Antilles.

    1916 Publication par les Allemands Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg d'un journal d'extrême gauche intitulé Spartakus...

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Voir aussi