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PRIEST CHRISTOPHER (1943-2024)

L'écrivain britannique Christopher Priest est né le 14 juillet 1943 à Cheadle (Angleterre). Cet admirateur de H. G. Wells a sans doute écrit la première phrase la plus célèbre de toute la science-fiction avec son fameux « J'avais atteint l'âge de mille kilomètres » qui ouvre Le Monde inverti (1974).

Ce roman – le troisième de l'auteur après Indoctrinaire (1970, non traduit) et Le Rat blanc (1972) – a pour cadre une ville gigantesque qui se déplace constamment sur des rails et ne peut s'arrêter, sous peine de provoquer autour d'elle d'inquiétantes distorsions spatio-temporelles. Cette fuite en avant est rendue plausible par un éblouissant exercice de mathématique-fiction. Dans un tel contexte de mouvement perpétuel, exprimer l'âge d'un individu par la distance parcourue devient dès lors la logique même. Cette volonté de brouiller les repères de l'espace et du temps est emblématique de l'œuvre de Christopher Priest, qui se place sous le signe de la relativité et de l'ambiguïté de nos perceptions.

Dans Futur intérieur (1977), des savants plongés dans un sommeil hypnotique ont pour mission de rêver en commun l'Angleterre de demain. Rapidement, ce « futur intérieur » va devenir pour eux l'unique réalité. Mais un intrus s'introduit dans leur rêve, faisant éclater leur bulle onirique. La Fontaine pétrifiante (1981) accentue cette tendance schizophrénique, tout en relevant d'un certain fantastique borgésien. Fuyant une Angleterre dérisoirement accrochée à des valeurs désuètes, l'écrivain Bernard Sinclair s'immerge dans l'univers qu'il est en train d'imaginer : un foisonnement d'îles exotiques qu'il baptise « L'Archipel du rêve » (un décor que Christopher Priest reprendra ultérieurement dans plusieurs nouvelles). Bientôt des éléments de sa fiction viennent parasiter le réel. Dans Le Don (1984), Priest part du constat que, dans un groupe, il existe toujours des personnes sur lesquelles notre regard glisse, car elles n'attirent pas notre attention : elles sont psychologiquement invisibles. Avec une rare économie de moyens, mais avec une précision diabolique, il décrit un quotidien peuplé d'ombres et de fantômes, remettant en question la nature même du réel, puisque ce que l'on voit n'est pas ce qui est.

Même s'il reste totalement fidèle à ses obsessions, Christopher Priest semble s'éloigner de la science-fiction avec Une femme sans histoires (1990), un roman sur les pièges de la mémoire qualifié deTwinPeaksà l'anglaise – en référence à la série du metteur en scène David Lynch –, et Le Prestige (1995) qui raconte – en apparence – la lutte qui opposa deux célèbres prestidigitateurs du xixe siècle spécialisés dans des numéros de téléportation. Le roman a été adapté au cinéma en 2006 par Christopher Nolan.

Christopher Priest s'est toujours tenu à l'écart de ce que l'on appelle la « quincaillerie » de la science-fiction. Point de fusées ni de robots dans son œuvre. Il attendra que la réalité virtuelle se soit quasi banalisée pour l'aborder, alors qu'un tel domaine (exploité par l'école cyberpunk depuis 1984, avec Neuromancien de William Gibson) ne pouvait le laisser indifférent, lui le spécialiste des perceptions « logiquement » altérées. Dans Les Extrêmes (1998), le cyberspace est utilisé par le FBI à des fins d'entraînement pour simuler des scènes de meurtres, de prises d'otages, etc. Mais Teresa, agent du FBI dont le mari, qui appartenait lui-même à l'Agence, a été tué en service commandé, rejoue inlassablement la séquence de sa mort, pour savoir ce qui s'est passé. Petit à petit, elle en arrive à modifier le tissu du réel. Ce thème sera repris dans EXistenZ (1999), d’après le scénario[...]

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Écrit par

  • : historien de la science-fiction
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Pour citer cet article

Universalis et Denis GUIOT. PRIEST CHRISTOPHER (1943-2024) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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