Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NEUROSCIENCES COGNITIVES

  • Article mis en ligne le
  • Écrit par et

Neurosciences cognitives : limites et éthique

Avec l'essor des neurosciences cognitives, quelques rêves semblent ainsi presque réalisables… Va-t-on pouvoir déterminer les corrélats cérébraux du mensonge, de la conscience, voire lire dans les pensées d'autrui ? Va-t-on pouvoir modifier ou décupler nos capacités en stimulant notre cerveau ?

Les premières sociétés et conférences s'interrogeant sur la neuro-éthique apparaissent peu après l’an 2000. A-t-on le droit d'imager ainsi l'espace « cérébral » intime des sujets ? A-t-on le droit de modifier durablement le fonctionnement cérébral par des stimulations cérébrales, même si elles sont non invasives comme les stimulations magnétiques transcrâniennes ? Qu'en est-il de la neuro-amélioration ? La modification du fonctionnement cérébral peut être faite dans un but de réhabilitation ou dans un but de correction de conduites agressives ou dépressives pour un retour à la normale, mais qu'en est-il lorsqu'il s'agit d'aller au-delà du normal, de repousser les limites cognitives de l'individu pour répondre au culte de la performance ? Quels retentissements pour la société ?

Il est clair que le potentiel des recherches en neurosciences cognitives a suscité la curiosité d’un grand nombre de personnes aux intérêts – politiques, idéologiques, industriels, économiques – très divergents…

En imagerie cérébrale, des publications sont parues sur les corrélats neuronaux des préférences sexuelles, de l'amour maternel, ceux de la haine, des capacités d'empathie, du racisme, du mensonge… Schématisé par la diffusion médiatique, le message retenu par le grand public va bien au-delà de l'état de nos connaissances comme des capacités actuelles des techniques. L'I.R.M.f. ne mesure pas l'activité cérébrale directement, mais le signal B.O.L.D., et les données finales sont obtenues en faisant la moyenne d’un grand nombre d'images provenant d’un grand nombre de sujets. Or l'anatomie du cerveau et les activations cérébrales observées sont très variables d'un sujet à l'autre. Ces variations individuelles sont actuellement un obstacle majeur pour qui souhaite interpréter l'activation cérébrale d'un individu précis. La mosaïque de nos connaissances est bien trop incomplète pour permettre aux scientifiques d'attribuer un trait de personnalité quelconque à un individu à partir des activations de son cerveau. C'est même à l'heure actuelle un jeu dangereux. L'une des applications les plus discutées concerne l'utilisation de l'I.R.M.f. comme « détecteur de mensonge ». Même si certains scientifiques ont mis en évidence de possibles corrélats neuronaux du mensonge, l'utilisation banalisée de cette technique, dans une cour de justice par exemple, est totalement irréaliste. Et pourtant, aux États-Unis, au moins deux entreprises commercialisent des détecteurs de mensonges basés sur l'I.R.M.f.

Il est maintenant devenu crucial de contrôler l'instrumentalisation des données obtenues en neurosciences cognitives dans des domaines aussi variés que la maladie mentale, la responsabilité juridique, l'éducation, l’enseignement et les méthodes pédagogiques, les problèmes de l’adolescence, et même la religiosité et l’existence de Dieu.

— Michèle FABRE-THORPE

— Simon THORPE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Michèle FABRE-THORPE et Simon THORPE. NEUROSCIENCES COGNITIVES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le

Médias

Catégorisation visuelle rapide : exemples d’images - crédits : shutterstock ; © Encyclopædia Universalis France

Catégorisation visuelle rapide : exemples d’images

Catégorisation visuelle rapide : protocole - crédits : Encyclopædia Universalis France

Catégorisation visuelle rapide : protocole

Autres références

  • NEUROSCIENCES COGNITIVES ET THÉORIE DE L'ESPRIT

    • Écrit par
    • 1 325 mots
    • 1 média

    Le concept de théorie de l’esprit renvoie à nos connaissances sur la manière dont l’esprit humain fonctionne. Ces connaissances sont utilisées de manière plus ou moins explicite pour attribuer des états mentaux (émotions, désirs, intentions, croyances et connaissances) à soi-même et à autrui afin d’adapter...

  • NEUROSCIENCES COGNITIVES ET SOMMEIL

    • Écrit par
    • 1 398 mots

    Le sommeil est souvent perçu comme un arrêt nécessaire de nos activités d’éveil, mettant le corps et le cerveau au repos. L’analogie au mode de veille passif d’un ordinateur est toutefois erronée. En effet, ce qui caractérise le cerveau « endormi » est avant tout un changement de son mode opératoire...

  • NEUROSCIENCES COGNITIVES ET AGENTIVITÉ

    • Écrit par
    • 1 354 mots

    L'agentivité renvoie à la conscience subjective que nous avons de causer volontairement nos actions, d'en contrôler le cours et d'en maîtriser les effets. Elle constitue ainsi une composante importante de la conscience de soi, jouant un rôle essentiel dans la compréhension que nous avons de...

  • NEUROSCIENCES COGNITIVES ET DOULEUR

    • Écrit par
    • 1 409 mots

    La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage corporel potentiel ou à tout événement sensoriel supposé subjectivement refléter un dommage corporel. La douleur est liée en situation normale à l’activation, à la surface de la peau ou dans les...

  • ALEXIES

    • Écrit par
    • 1 658 mots
    Les dyslexies acquises de l’adulte présentent un intérêt non négligeable pour la recherche en neurosciences, qui s’intéresse entre autres aux soubassements neuronaux de l’activité de lecture. Différentes techniques d’imagerie cérébrale permettent d’identifier les circuits cérébraux activés lorsque...
  • APPRENTISSAGE, psychologie

    • Écrit par et
    • 5 939 mots
    • 2 médias
    ...l’organisation des connaissances en mémoire. Cette évolution tient aux apports conjoints de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie, et des neurosciences cognitives. Elle ne rend pas obsolètes les données accumulées depuis le début du xxe siècle sur les mécanismes de base de l’acquisition...
  • CERVEAU ET PRODUCTION ÉCRITE

    • Écrit par et
    • 1 201 mots
    • 1 média

    L’écriture est à la fois langage et motricité. Langage, car pour exprimer des idées il faut choisir les mots, former des phrases grammaticalement correctes, respecter l’orthographe. Motricité, car il faut coordonner finement les mouvements des doigts et du poignet pour tracer ces mots sur le...

  • CERVEAU ET BILINGUISME

    • Écrit par
    • 804 mots
    • 1 média

    On sait, depuis les découvertes de Paul Broca en 1861 et de Carl Wernicke en 1874, et des recherches successives, que le système langagier chez le droitier monolingue repose essentiellement sur un réseau fronto-temporo-pariétal gauche. Ce constat est vrai pour plus de 90 p. 100 des sujets droitiers...

  • Afficher les 30 références