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MUSIQUES SAVANTES ET MUSIQUES POPULAIRES

Exotisme et orientalisme

Au xixe siècle, l'intérêt pour l'Orient se développe en Europe parmi les savants et les artistes. L'orientalisme désigne l'intérêt porté par les Occidentaux à la langue, aux arts, à la littérature de l'Orient ; commençant par les pays du Levant, il engloba ensuite la Turquie, l'Égypte, l'Afrique du Nord et l'Espagne avec son passé arabe. L'expédition de Bonaparte en Égypte en 1798 porta l'Orient à l'attention du public.

Berlioz - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Berlioz

L'orientalisme, terme répandu à partir de 1830 en France mais également en Italie et en Allemagne, ne désigne pas un style mais plutôt un climat, qui apparaît dès le xviie siècle. En France, il se développe dans la peinture et la littérature aux xviiie et xixe siècles. Il commence avec le célèbre Mamamouchi du Bourgeois gentilhomme de Molière. Il est présent dans toute la peinture galante de l'époque du règne de Louis XV mais également, en musique, chez des compositeurs comme Jean-Philippe Rameau. Mais c'est au xixe siècle qu'il connaît une évolution importante, chez des peintres comme Eugène Delacroix ou Jean-Baptiste Ingres, chez les écrivains romantiques comme Théophile Gautier avec Le Roman de la momie ou Constantinople, Charles Baudelaire avec certains poèmes des Fleurs du mal comme L'Invitation au voyage ou encore chez Gustave Flaubert avec Salammbô, ou Victor Hugo qui, en 1829, note dans la Préface des Orientales que « l'Orient est devenu une préoccupation générale ». Au xixe et au début du xxe siècle, l'orientalisme est, dans le domaine musical, présent partout en Europe mais également en Russie. On le trouve par exemple chez Hector Berlioz, dont les premières œuvres sont fortement connotées (Scène héroïque), également connue sous le titre La Révolution grecque, 1825-1826), chez Charles Gounod, avec son opéra La Reine de Saba (1862), chez Rimski-Korsakov, avec la suite symphonique Sheherazade (1889), chez Maurice Ravel avec l'ouverture Shéhérazade (1898) et le balletDaphnis et Chloé (1912), chez Albert Roussel avec son opéra-ballet Padmâvatî (1923).

L'exotisme et l'orientalisme manifestent l'attrait d'un autre qui est différent de nous. De tout temps, les compositeurs ont cherché à comprendre les différents langages musicaux qui existaient dans le monde. Les moyens de transport et de télécommunication n'étant pas aussi rapides et efficaces qu'aujourd'hui, les informations et les échanges culturels étaient évidemment beaucoup plus lents et beaucoup plus restreints. Cependant, depuis la fin de la Renaissance, le goût pour l'ailleurs n'avait fait que s'amplifier. L'intérêt va largement au-delà d'une attirance pour l'exotisme, qui est généralement présenté comme un phénomène maintenant une certaine distance entre nous et l'autre, alors que la plupart des musiciens et des compositeurs étaient extrêmement curieux de connaître ces musiques autres pour justement faire tomber ou, à tout le moins, réduire cette distance culturelle et ethnique. Chez des compositeurs comme Rimski-Korsakov ou Debussy, « l'autre » est plus intéressant pour ce qu'il est et ce qu'il peut apporter musicalement que pour ce que l'on désirerait qu'il fût.

<it>Les Danseuses javanaises à l'esplanade</it>, gravure sur bois - crédits : AKG-images

Les Danseuses javanaises à l'esplanade, gravure sur bois

En 1889, lors de l'Exposition universelle de Paris, Claude Debussy découvre les musiques et les instruments indonésiens, notamment le gamelan de Java et de Bali. Le gamelan est un ensemble instrumental essentiellement composé de percussions : métallophones, xylophones, tambours, gongs, carillons de gongs, auxquels il faut ajouter un ensemble de flûtes. Cet instrumentarium offre à lui seul une considérable combinaison de timbres ainsi que des résonances très riches en harmoniques, et le compositeur est véritablement envoûté par la découverte de ces nouveaux territoires[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

Classification

Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. MUSIQUES SAVANTES ET MUSIQUES POPULAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 04/03/2009

Médias

Roman de Fauvel - crédits : Leemage/ Corbis/ Getty Images

Roman de Fauvel

Euridice, Giulio Caccini - crédits : AKG-images

Euridice, Giulio Caccini

Josquin des Prés, motet Veni Sancte Spiritus - crédits : CEFIDOM / Encyclopædia Universalis France

Josquin des Prés, motet Veni Sancte Spiritus

Autres références

  • CHAMBRE MUSIQUE DE

    • Écrit par et
    • 5 489 mots
    • 1 média
    Dans la période qu'inaugure l'après-guerre, la musique savante semble s'éloigner définitivement des musiques populaires. C'est au jazz que la danse et la chanson demandent maintenant cette sève qu'elles puisaient dans les valses et romances, autrefois véritables traits d'union entre deux...