METRO GOLDWYN MAYER (MGM)
La plus vénérée de toutes les « majors » hollywoodiennes de l'âge classique a été édifiée par Marcus Loew (1870-1927) qui, après avoir exercé divers métiers, avait investi dans le music hall et l'exploitation cinématographique, ainsi que dans les galeries de jeux et les parcs d'attractions. Devenu propriétaire d'un important circuit de salles dans la région de New York et soucieux d'assurer son approvisionnement en programmes, il rachète en 1919 la Metro Pictures, qui produit et distribue en fédérant les intérêts de plusieurs petits producteurs de la côte est. Puis il acquiert en 1924 la Goldwyn Pictures Corporation, que Samuel Goldwyn avait créée en 1916 avant d'en être évincé par ses partenaires financiers. Goldwyn disposait alors de l'un des studios les plus modernes de Los Angeles, à Culver City, où il avait adopté pour « logo » le fameux lion rugissant et la devise Ars GratiaArtis « l'art pour l'amour de l'art » – il devra ensuite se battre pour pouvoir utiliser son propre nom dans sa nouvelle société, contre la pression de la Metro-Goldwyn-Mayer... Enfin Loew embauche Louis B. Mayer comme patron de la production, au prix de l'acquisition de son petit studio et de l'adjonction de son nom au triptyque. Nicholas Schenck, son lieutenant de toujours, succédera à Loew après son décès (1927), tandis que Mayer est assisté par Irving Thalberg jusqu'à la mort de ce dernier (1936).
La MGM, née, formellement, en 1924 devient très vite une des « Big Five ». L'intégration de la production et de la distribution au réseau de salles de la Loew's, ses réseaux internationaux ainsi qu'une grande constance dans ses programmes – tant dans son style que dans les succès commerciaux – lui assurent un fort prestige dans l'industrie du cinéma jusqu'aux années 1960.
Dans la ligne tracée par l'ancienne Metro, qui avait révélé Rudolph Valentino dans Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (1921), la MGM investit dans les années 1920 dans les budgets élevés et le star system : Ben Hur (1926) de Fred Niblo, la Foule (1928) de King Vidor, Les Rapaces (1923-1925) et La Veuve joyeuse (1925) (deux films d'Erich von Stroheim célèbres pour les démêlés du cinéaste avec Irving Thalberg). Le cinéma parlant, pourtant abordé par le studio avec une grande prudence, permet à la MGM de cultiver son image de « Tiffany du cinéma », et d'accumuler les succès comme les oscars. C'est le studio qui compte le plus grand nombre de stars à l'époque des contrats de longue durée : Ramon Novarro, Wallace Beery, Greta Garbo (dont les 24 films américains sont des films MGM), Lilian Gish, Joan Crawford, Jean Harlow, Marie Dressler (la moins célébrée aujourd'hui, mais alors la plus populaire aux États-Unis), Norma Shearer, Clark Gable, Katharine Hepburn, Spencer Tracy, Judy Garland (27 films), Mickey Rooney, Esther Williams, Hedy Lamarr, Lana Turner, la jeune Elizabeth Taylor et bien d'autres. Sans oublier les héros de séries populaires, de Tarzan (Johnny Weissmuller) au chien Lassie...
Le studio, qui est un des moins hardis artistiquement et un des plus respectueux des codes moraux, incarne aussi la prééminence du producteur sur le réalisateur et l'acteur, tandis que les tournages en studio sont préférés aux grands espaces extérieurs. Et si les stars lui confèrent une gloire éternelle, ses réalisateurs maison sont de bons artisans, sans plus, comme Sam Wood ou Victor Fleming et, plus tard, Richard Thorpe. Toutefois, la brillante unité de production spécialisée dans la comédie musicale, dirigée par Arthur Freed, a su enrôler Vicente Minnelli, Gene Kelly et Stanley Donen. Le studio a brillé, d'autre part, par sa politique de compléments de programmes, grâce à la collaboration du spécialiste du burlesque Hal Roach, du magnat de la presse W. R. Hearst et d'un studio d'animation qui a employé notamment Tex Avery, ainsi que Hannah et Barbera (Tom et Jerry).
Le déclin s'amorce à la fin des années 1940 avec la fin des contrats de longue durée et l'avènement des producteurs indépendants avec lesquels la MGM collabore très peu, alors qu'ils représentent le renouveau. La société s'épuise à résister aux mesures anti-trusts du gouvernement qui force les studios à se séparer de leurs circuits d'exploitation, et elle ne se prépare ni à la concurrence de la télévision ni à la collaboration avec le nouveau média. La MGM connaît encore quelques belles réussites (Graine de violence de Richard Brooks (1955), Gigi de Vincente Minnelli (1958), La Mort aux trousses d'Alfred Hitchcock (1959), mais on lui reproche de trop solliciter le remake, même si Ben Hur de William Wyler (1959) bat les records de recettes. La MGM va tomber entre les mains d'entrepreneurs extérieurs au monde du cinéma et de l'audiovisuel : Kirk Kerkorian, propriétaire d'hôtels-casinos à Las Vegas devient l'actionnaire principal en 1969. C'est lui qui organise les ventes aux enchères où sont dispersés, à vil prix, les costumes et accessoires porteurs de l'histoire du studio ; il réduit la production, vend les installations de Culver City et le département musique, travaillant surtout à l'exploitation du catalogue – qu'il accroît en 1981 par l'acquisition de United Artists.
La MGM fait ensuite parler d'elle moins par ses films que par ses tribulations financières – la plus célèbre étant l'aventure hollywoodienne du financier italien Giancarlo Paretti associé aux dirigeants de Cannon Films qui la rachète en 1991 grâce aux énormes prêts consentis par une banque française, le Crédit Lyonnais, laquelle devient ensuite gestionnaire de l'entreprise jusqu'en 1996, date à laquelle elle revend l'affaire à... Kerkorian. Ce dernier reconstitue un catalogue de films en ajoutant à ce qu'il n'avait pas vendu précédemment les fonds Cannon, Samuel Goldwyn Jr, Orion Pictures et PolyGram. Ce catalogue devient le principal enjeu des dernières transactions qui, en 2004, voient la MGM cédée à un consortium réunissant notamment Sony-Columbia et Comcast. La nouvelle MGM conserve une activité autonome jusqu’à une quasi-faillite qui conduit à son rachat par Amazon en 2020. Le géant de la vente en ligne, qui a créé Amazon Prime Video, souhaite en effet développer la production de programmes audiovisuels et nourrir cette plate-forme de diffusion.
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Écrit par
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
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