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PARLANT CINÉMA

Le terme, conservé par l'usage, de « cinéma parlant » n'est pas complètement adéquat pour désigner un genre où les bruits et la musique jouent un rôle essentiel. C'est de cinéma sonore qu'il faudrait parler. D'ailleurs, l'expression a été employée pour caractériser les films antiparlants, qui, refusant le dialogue synchrone, ne faisaient entendre qu'une musique d'accompagnement et quelques effets sonores (Les Lumières de la ville, de Chaplin). Ce courant lui-même confirme, a contrario, la place centrale de la voix et du dialogue dans le genre cinématographique, ce qu'on peut appeler son vococentrisme ; un vococentrisme qui est aussi un fait humain universel.

Rupture ou continuité ?

Ce qu'il y a de plus visible dans l'histoire du cinéma, c'est qu'elle se trouve coupée en deux parties par une rupture visible à l'œil nu et datable : celle que représente le passage du muet au parlant, qui se situe entre 1927 (année du Jazz Singer) et le début des années 1930. Personne ne s'attend à voir le cinéma vivre une deuxième rupture de même importance : les hologrammes, la vidéo, le 3-D mettent en jeu des technologies nettement différentes, qui bouleversent tellement la nature du simulacre cinématographique qu'on se retrouve face à quelque chose de radicalement autre. Quant aux apports techniques intervenus après la naissance du parlant – essentiellement la couleur, l'écran large et le son stéréophonique –, ils se sont introduits progressivement et sont loin d'avoir représenté une rupture analogue à celle du parlant. On sait d'autre part que l' enregistrement sonore a existé avant la reproduction des images animées. Pour créer le parlant, il suffisait donc de superposer l'un et l'autre en les gardant synchronisés, ce qui était encore délicat avec le disque (les tout premiers films parlants utilisèrent pourtant le sound-on-disc), mais n'a plus posé de problème avec l'emploi du son « optique », c'est-à-dire du son transformé en variations lumineuses inscrites sur une pellicule perforée formant une étroite bande le long de la pellicule image.

Du muet au parlant - crédits : Encyclopædia Universalis France

Du muet au parlant

L'Eau du Nil (1928) - crédits : D.R.

L'Eau du Nil (1928)

Cinéma parlant: premières tentatives - crédits : Collection des appareils/ Cinémathèque française

Cinéma parlant: premières tentatives

À quelques aménagements près (l'invention de l'amplification électrique), le cinéma parlant était donc techniquement possible dès le début du xxe siècle. On le rencontra même assez tôt, dès 1906, à titre d'attraction ou de tentative isolée, comme plus tard le cinéma en relief. De multiples documents et témoignages, et bien sûr des bobines conservées, attestent différentes expériences de parlant, soit avec du « doublage vivant » par des comédiens situés dans la salle (le célèbre Frégoli l'a pratiqué), soit avec un phonographe plus ou moins couplé au projecteur.

On peut donc dire que le cinéma s'est offert, avec le muet, un temps de répit, de mise au point d'une expression visuelle. Seulement, loin de dissimuler son mutisme en inventant un art de pure pantomime, le cinéma muet s'est ingénié à le mettre en évidence, puisqu'il adaptait souvent des pièces de théâtre et des opéras, et faisait parler d'abondance les personnages, donnant le texte de leurs répliques sur des cartons.

L'étonnant dans la révolution du parlant n'est donc pas tant la rupture évidente qu'il a introduite dans le langage cinématographique, mais bien que, tout compte fait, il se soit greffé sans trop de mal sur le cinéma tel qu'il s'était déjà constitué. C'est pourquoi l'adaptation au parlant s'est globalement faite assez vite, si l'on tient compte des données culturelles et économiques qui ont ralenti son implantation dans un certain nombre de pays, dont la France.

La thèse centrale de l'étude faite par un chercheur américain, David Bordwell, sur l'introduction du son dans le cinéma est que celle-ci est[...]

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

Classification

Pour citer cet article

Michel CHION. PARLANT CINÉMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Du muet au parlant - crédits : Encyclopædia Universalis France

Du muet au parlant

L'Eau du Nil (1928) - crédits : D.R.

L'Eau du Nil (1928)

Cinéma parlant: premières tentatives - crédits : Collection des appareils/ Cinémathèque française

Cinéma parlant: premières tentatives

Autres références

  • NAISSANCE DU CINÉMA PARLANT

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 235 mots
    • 1 média

    Inventeur du phonographe en 1877, Thomas Edison tenta, dès 1894, de l'associer avec son Kinétoscope. Lors de l'Exposition universelle de 1900, Léon Gaumont montrait de courtes scènes enregistrées, couplant électriquement phonographe et projecteur. En 1904, le Français Eugène Lauste...

  • PARLANT (CINÉMA) - (repères chronologiques)

    • Écrit par Michel CHION
    • 3 201 mots

    1899 États-Unis. The Astor Tramp, « picture song » de Thomas Edison. Bande filmée destinée à être accompagnée d'une chanson chantée en salle (derrière l'écran) par des artistes invités.

    1900 France. Présentation par Clément Maurice du Phono-Cinéma-Théâtre à l’'Exposition universelle....

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    L'apparition du parlant bouleverse les codes hérités du théâtre, en rompant avec cette gestuelle orientée vers l'abstraction immédiatement compréhensible pour s'orienter vers un jeu de plus en plus psychologique. Aux États-Unis, Lee Strasberg élabore, à l' Actor's Studio, et sur la...
  • ALLEMAND CINÉMA

    • Écrit par Pierre GRAS, Daniel SAUVAGET
    • 10 274 mots
    • 7 médias
    Les premières années du parlant sont contemporaines de l'aggravation de la crise économique et politique. C'est ainsi que les innovations permises par la technique seront soit évacuées, soit captées par le régime hitlérien. Les recherches sur le son sont anciennes (Oskar Messter, dès 1903) et l'industrie...
  • L'ANGE BLEU, film de Josef von Sternberg

    • Écrit par Michel MARIE
    • 984 mots
    Par ailleurs, L'Ange bleu est l'un des tout premiers films parlants allemands. La maîtrise du son dont Sternberg fait preuve est confondante : l'univers sonore du cabaret, les cris de désespoir du professeur, son imitation du chant du coq, le déchirant « Cocorico ! » de son agonie en témoignent....
  • ARZNER DOROTHY (1897?- 1979)

    • Écrit par Universalis
    • 718 mots

    La cinéaste américaine Dorothy Arzner fut la seule femme à diriger des longs-métrages dans les studios d'Hollywood dans les années 1930. De 1927 à 1943, elle réalisa ainsi dix-sept films, dont Christopher Strong (1933, La Phalène d'argent) et Dance, Girl, Dance (1940), deux œuvres...

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Voir aussi