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GARBO GRETA (1905-1990)

Née le 18 septembre 1905 à Stockholm, Greta Lovissa Gustafsson, qui allait devenir la mythique Greta Garbo, connut dix-sept ans de carrière prestigieuse (1924-1941) suivis d'un demi-siècle d'une réclusion totale qui, loin d'avoir altéré son mythe, l'aura conforté durablement.

Greta Garbo a envoûté des générations de spectateurs. Tous ceux qui ont entrepris d'explorer cette personnalité hors du commun, de François Mauriac à Roland Barthes, de John Bainbridge à Truman Capote, de Jacques Audiberti à Henri Agel, ont cédé au dithyrambe, abandonné la terminologie critique traditionnelle. Aucune actrice n'a bénéficié du même statut : la fascination exercée par Marlene Dietrich, par exemple, ou Marilyn Monroe s'exprime à travers des normes terrestres. Alors que, pour définir Garbo, on a volontiers recours à des métaphores telles que « la Divine » « le Sphinx d'Hollywood », ou « l'énigme éblouissante ».

Tout se passe comme si Garbo, « présente-absente » (selon le mot d'Edgar Morin), échappait à la mesure humaine. Les accidents du corps, les outrances du jeu, les aléas de la célébrité n'atteignent en rien l'essence de son « âme » : au contraire, celle-ci se révèle plus radieuse encore sous la médiocrité du masque.

De Stockholm à Hollywood

Née dans une famile modeste, orpheline à quatorze ans, Greta Gustafsson doit d'abord travailler comme vendeuse dans un grand magasin de Stockholm, au rayon des chapeaux de dame, avant de tourner dans quelques films publicitaires. Admise à l'Académie royale d'art dramatique, elle interprète bientôt le rôle de la comtesse Elisabeth Dohna dans La Légende de Gösta Berling (Suède, 1924), son premier grand succès, et l'un de ses plus beaux rôles. L'actrice y apparaît sous la domination physique et sentimentale du cinéaste Mauritz Stiller, le seul homme, dit-on, qu'elle ait jamais aimé, qui fut très vite écarté par les producteurs hollywoodiens, et dont la mort la laissa inconsolable. Cette Garbo d'avant Garbo a une existence bien réelle.

Il faut signaler aussi sa prestation surprenante dans La Rue sans joie (Allemagne, 1925), un film âpre de G. W. Pabst où, face à sa rivale Asta Nielsen, elle apparaît comme une sorte de fantôme, d'être diaphane : le spirituel, déjà, se heurte au charnel et s'y brise.

Anna Christie, C. Brown - crédits : Donaldson Collection/ Moviepix/ Getty Images

Anna Christie, C. Brown

De sa fulgurante carrière hollywoodienne avec la Metro Goldwyn Mayer, à partir de 1926, on retiendra d'abord les films où elle fut dirigée par Clarence Brown, un excellent mentor : La Chair et le Diable (1927), A Woman of Affairs (1929), et sa première œuvre parlante, Anna Christie (1930), où sa voix rauque, presque masculine, crève l'écran, alors qu'on craignait pour elle le passage au parlant. Il convient d'admirer ici – notamment dans le méconnu A Woman of Affairs – le jeu extrêmement précis, dépouillé, presque réaliste, d'une actrice trop souvent vouée par la suite aux mignardises romantiques. On peut se montrer moins enthousiaste pour les deux versions d'Anna Karenine (E. Goulding, 1927 ; C. Brown, 1935), et particulièrement pour la seconde. Garbo était trop fragile pour incarner l'héroine de Tolstoï.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Claude BEYLIE. GARBO GRETA (1905-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Anna Christie, C. Brown - crédits : Donaldson Collection/ Moviepix/ Getty Images

Anna Christie, C. Brown

<it>Le Roman de Marguerite Gautier</it>, G. Cukor - crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures/ Sunset Boulevard/ Corbis/ Getty Images

Le Roman de Marguerite Gautier, G. Cukor

<it>Ninotchka</it>, d'Ernst Lubitsch - crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Inc./ Collection privée

Ninotchka, d'Ernst Lubitsch

Autres références

  • BROWN CLARENCE (1890-1987)

    • Écrit par Claude BEYLIE
    • 886 mots

    Clarence Brown fait partie de ces probes artisans du cinéma américain, dédaignés des historiens et des critiques sous prétexte qu'on ne trouve pas dans leur œuvre d'évidente continuité thématique, de constantes formelles, ni la trace palpable d'un auteur, au sens moderne du mot,...

  • CINÉMA (Réalisation d'un film) - Photographie de cinéma

    • Écrit par Joël MAGNY
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    ...à Hollywood révélèrent la fonction de la lumière sur le visage des stars, sa capacité de les illuminer d'une aura mystérieuse. Moritz Stiller y amena Greta Garbo. La star resta, comme le procédé. Le réalisateur repartit mourir chez lui, et, longtemps, l'éclairage des visages des stars devint une des...
  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    Blonde Vénus... c'est un film de Marlene Dietrich. Mais Marlene elle-même, Greta Garbo, Viviane Romance, Rita Hayworth, Gina Lollobrigida, Sophia Loren, Marilyn Monroe, Brigitte Bardot sont des avatars de Vénus, à diverses proies attachée. Le metteur en scène n'a d'autre fonction que de mettre en...
  • GILBERT JOHN (1899-1936)

    • Écrit par Universalis
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    Star de l'ère du cinéma muet, l'Américain John Gilbert vit sa carrière brisée au moment du passage au parlant.

    John Gilbert, de son vrai nom John Cecil Pringle, naît dans une famille de modestes acteurs le 10 juillet 1899 à Logan dans l'Utah. Il fait sa première apparition sur les écrans...

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Voir aussi