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BROWN CLARENCE (1890-1987)

Clarence Brown fait partie de ces probes artisans du cinéma américain, dédaignés des historiens et des critiques sous prétexte qu'on ne trouve pas dans leur œuvre d'évidente continuité thématique, de constantes formelles, ni la trace palpable d'un auteur, au sens moderne du mot, mais seulement (et ce n'est pas rien) une parfaite connaissance du métier de réalisateur, un sens aigu de la narration, de la scénographie, du cadre, permettant de s'atteler avec la même aisance à n'importe quel sujet, genre ou interprète. Brown est de la famille – et de la génération – des Henry King, Allan Dwan, William Wellman. Son nom est indissociable de celui d'un studio, la Metro Goldwyn Mayer, dont il a contribué à affermir le « style ». Il a tourné cinquante films, dont une dizaine au moins sont dignes de rester dans l'histoire du cinéma.

La passion de jeunesse de Clarence Brown est l'automobile : il fonde une entreprise, la Brown Motor Corp., à Birmingham (Alabama). Au lendemain de la Première Guerre mondiale, on le retrouve assistant de Maurice Tourneur, émigré aux États-Unis : il est à ses côtés pour une trentaine de films et le remplacera au pied levé lors de la finition du Dernier des Mohicans. Brown se lance dans la production et la réalisation dès 1920, et se mesure sans complexe avec des comédiens de la trempe de Lon Chaney ou de Wallace Beery. Il connaît ses premiers succès en 1925 avec L'Aigle noir (l'un des meilleurs films de Rudolph Valentino), Kiki (1926, avec Norma Talmadge) et La Piste de 98 (1928). Mais c'est surtout auprès de Greta Garbo qu'il va s'affirmer : alors que tous ses confrères tremblent devant l'ombrageuse vedette, lui réussit à l'amadouer, au point qu'elle ne tournera pas moins de six films avec lui – et quels films ! La Chair et le Diable (1927), A Woman of Affairs (1929), Anna Christie (1930), Romance (1930), Anna Karenine (1935) et son chant du cygne, Marie Waleska (1937). « La Divine » est meilleure dans ces films qu'elle ne fut jamais, sauf chez Cukor. Brown sait restituer à merveille, selon ses propres termes, cette aura de mystère « qu'elle avait derrière les yeux et que seule une caméra inspirée pouvait capter ». Brown ne sera pas moins habile avec Joan Crawford, mais cette fois sous l'angle de la vivacité et de l'intelligence : voyez Fascination (1931), au titre fort explicite, ou Sadie McKee (1934). Il échouera, par contre, avec Norma Shearer et Ramon Novarro, ne tirera pas grand-chose de Vol de nuit (d'après Saint-Exupéry), mais se retrouvera au mieux de sa forme en dirigeant un trio explosif – Clark Gable, Myrna Loy et Jean Harlow – dans Sa Femme et sa dactylo (1936), une des comédies les plus charmantes de l'avant-guerre. Mieux que Capra, peut-être, Clarence Brown y démontre que la suggestion est un bien meilleur véhicule de l'expression des sentiments qu'un étalage trop cru, qui les vide de leur substance. C'est dire qu'il n'est pas tendre pour le cinéma « moderne ». « Autrefois, dit-il, quand on faisait des films, on bâtissait des légendes, en essayant de montrer de la façon la plus réaliste possible le mariage d'une boutiquière et d'une altesse. Aujourd'hui, on démarre dans la fange et on termine dans la fange. » Mentionnons également La Mousson (1939), un classique du film catastrophe, tourné exceptionnellement à la 20th Century Fox, et La Vie de Thomas Edison (1940), un modèle de biographie filmée.

La suite de son œuvre sera sensiblement plus conventionnelle, et la volonté d'édification, péché mignon du cinéaste, soulignée à gros traits ; encore qu'il y ait de très beaux moments dans Et la vie continue (1943, avec Mickey Rooney), Le Grand National (1944, avec le même acteur et Elizabeth Taylor), et surtout en 1947 Passion[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

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Autres références

  • GARBO GRETA (1905-1990)

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    • 986 mots
    • 3 médias
    De sa fulgurante carrière hollywoodienne avec la Metro Goldwyn Mayer, à partir de 1926, on retiendra d'abord les films où elle fut dirigée par Clarence Brown, un excellent mentor : La Chair et le Diable (1927), A Woman of Affairs (1929), et sa première œuvre parlante, Anna Christie (1930),...