RACINE JEAN
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L'œuvre de Racine marque, dans l'histoire de la tragédie classique, le moment de l'accomplissement. Ce genre, au sein duquel un idéal de simplicité et de rigueur formelles avait lutté longtemps avec une matière héroïco-baroque, trouve enfin chez lui son harmonie et ce qu'on pourrait appeler son allure naturelle. Par quels moyens, et grâce à quelle inspiration originale ? Définir l'œuvre tragique de Racine, c'est avant tout répondre à ces questions.
L'homme
Les faits importants de la vie et de la carrière de Racine sont connus. Il naquit à La Ferté-Milon d'une famille modeste ; orphelin dès ses premières années, il fut instruit à Port-Royal, grâce aux relations de sa famille avec ce monastère. À partir de 1658, venu à Paris, il s'orienta bientôt, en dépit d'une courte velléité de profession ecclésiastique, vers la littérature et la poésie. Sa carrière dramatique commence en 1664 avec La Thébaïde, qui ne réussit pas ; en 1665, il connut le succès avec Alexandre ; et ayant abandonné Molière, dont la troupe avait lancé sa pièce, pour la troupe rivale de l'hôtel de Bourgogne, il se brouilla pour toujours avec lui. En 1666, il rompit avec Port-Royal, ayant publié contre ses anciens maîtres et bienfaiteurs, qui condamnaient chrétiennement le théâtre, une lettre virulente. Les années suivantes virent son ascension comme auteur et courtisan. De 1667 à 1677 se succédèrent ses chefs-d'œuvre : Andromaque (1667), qui fut la révélation de son originalité, Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674), Phèdre (1677). Son succès, une charge royale, la faveur de Mme de Montespan, maîtresse de Louis XIV, lui valurent, dès cette période, une situation matérielle aisée. Il eut, dans le même temps, deux liaisons successives avec des actrices qui interprétaient ses pièces, la du Parc et la Champmeslé. L'année 1677 marque un grand tournant dans sa vie ; il fut nommé historiographe du roi ; il fit un mariage bourgeois ; vers la même époque, il se réconcilia avec Port-Royal ; après Phèdre, il cessa d'écrire pour le théâtre, sauf quand ses protectrices le lui demandaient (livrets d'opéra au temps de Mme de Montespan ; tragédies sacrées : Esther et Athalie, sous Mme de Maintenon). Dans les derniers temps de sa vie, il ajouta de nouvelles charges à celles qu'il avait déjà, et acquit à la cour une position remarquable, vu son origine et sa condition. Il intervint à plusieurs reprises en faveur des jansénistes persécutés, et écrivit, outre ses Cantiques spirituels, un Abrégé de l'histoire de Port-Royal. Il mourut à Paris, et c'est à Port-Royal qu'il fut enterré, selon son vœu exprès.
Sa personnalité nous est moins bien connue que les dates de sa vie. Les faits que l'on vient de rappeler prêtent, de ce point de vue, à des interprétations divergentes. Son fils Louis, dans ses Mémoires sur la vie et les ouvrages de Jean Racine, le représente comme un bon chrétien, temporairement troublé par sa sensibilité et par son talent, et qui n'a pu manquer de revenir, bon père de famille et pieux courtisan, aux vertus de sa jeunesse. À l'opposé de ce portrait édifiant, d'autres ont surtout vu dans sa conduite l'ambition et le ferme propos d'arriver à tout prix : sa rupture avec Molière et avec Port-Royal, son ascension à la cour, puis l'abandon de la littérature pour une position officielle renforcée et un type de vie conforme à cette position seraient les jalons d'une carrière poursuivie avec ténacité et succès. Il faut peut-être interpréter cette vie plus dramatiquement (c'est-à-dire plus humainement) et chercher la clef de sa conduite dans le double ascendant, contradictoire, de son éducation et des bienfaiteurs de sa jeunesse d'une part, de son ambition et de son génie d'autre part. Il s'est violemment émancipé à vingt-cinq ans de toute tutelle pour se réaliser selon son désir et son pouvoir, puis, cette étape franchie, n'a pu s'empêcher de revenir aux influences qui avaient si profondément marqué le début de sa vie, pour y trouver la loi de ses dernières années.
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Écrit par :
- Paul BÉNICHOU : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire de littérature française à l'université Harvard
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Pour citer l’article
Paul BÉNICHOU, « RACINE JEAN », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-racine/