Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EURIPIDE (env. 480-406 av. J.-C.)

Euripide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Euripide - Athènes

Euripide occupa la scène athénienne en même temps que Sophocle, son aîné de quinze ans, pendant un demi-siècle, depuis l'année 455 (où il prend le relais d'Eschyle qui vient de mourir à soixante-dix ans) jusqu'à sa propre mort en 406 – et même au-delà puisque ses succès furent surtout posthumes.

Si, en effet, comme Eschyle, son maître, il écrivit plus de cent pièces, une trentaine de moins que son rival Sophocle, en revanche il ne reçut que cinq fois la couronne de la victoire aux concours dramatiques d'Athènes. Il plaît moins. Il ne travaille pas dans la grandeur, ni dans l'équilibre serein. Il déconcerte par les soubresauts d'un tempérament passionné. Avec sa belle humeur, Aristophane rit de tout. Lui s'interroge sur tout, s'inquiète, se méfie. Homme de théâtre né, intellectuel nerveux et artiste sensible plus qu'homme d'action, il secoue tous les jougs dans la recherche d'une liberté – ou de son illusion –, fourmille d'idées sur les problèmes de la scène, de la cité, de la morale et des dieux, et se dépêche de les confier à ses personnages avant d'être assailli par un flot d'idées contraires qu'il lui faudra publier à leur tour devant les gradins du théâtre. Homme des contrastes et des contradictions, il est possédé par le besoin de donner vie sur scène à des êtres humains, voire divins, mais le dramatique n'étouffe jamais en lui le lyrique et il est « soi » au moins autant qu'il est « les autres ».

Homme des libertés et des contrastes

De sa vie, on ne sait pratiquement rien. Il est né dans la glorieuse Salamine vers 480, année de la victoire sur le Barbare. Sans être leur disciple, il écoute les sophistes comme Protagoras et Prodicos, ouvreurs de la curiosité d'esprit, un philosophe comme Anaxagore, ami et conseiller de Périclès, venu d'Ionie pour montrer que la nature est un chaos où l'Intelligence met ordre et mouvement. Avec l'ennemi des sophistes, Socrate, son cadet de dix ans, qui cherche non le succès mais le vrai dans la beauté morale, il a des relations d'amitié. Deux fois marié, il aura trois fils.

Fut-il athlète ? Il écrit contre les professionnels du sport. Fut-il peintre ? Il choisit la tragédie. Sa vie, c'est son théâtre. Les lois scéniques du temps ne le gênent pas : il tourne leurs contraintes en avantages. Les concours dramatiques font partie d'une fête religieuse ? Il proclame sa liberté face aux dieux. Les représentations sont annuelles, donc sans « reprises » ? Il n'en exprime qu'avec plus de souplesse, au gré des jours, les méandres de sa pensée. Le théâtre est fait pour la foule ? Même s'il se défie d'elle, il lui donnera ses avis ; tant pis pour elle s'il n'est pas entendu. Il ne dispose que de trois acteurs ? La tragédie se moque du nombre et, si un sujet le requiert, il donnera l'impression de la multitude.

Quant à la matière dramatique, il la trouve dans les mythes, où puisent tous les tragiques de la Grèce. Le public est heureux que chaque auteur traite à sa manière un même épisode de ce qui est pour lui l'histoire ancienne, aimée, connue. Euripide en est stimulé : il creuse les cycles légendaires d'Argos, de Thèbes, de Thrace, de Thessalie, de l'Attique fabuleuse ou de la guerre de Troie. Il rend la fleur de leur jeunesse aux antiques époques où les dieux et demi-dieux vivaient parmi les mortels et ressuscite Égée, Thésée, les rois mythiques d'Athènes, Héraclès fils de Zeus, comme l'est Dionysos, Pélée son petit-fils, Ion fils d'Apollon, Cadmos gendre d'Arès. Mais tous, dieux, héros, hommes – ou femmes – sont d'abord des enfants d'Euripide qui, pour infuser un esprit nouveau, fût-il révolutionnaire, dans leurs épreuves, brise le cadre traditionnel de la légende. Déjà l'homme des libertés et des contrastes impose sa marque[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Édouard DELEBECQUE. EURIPIDE (env. 480-406 av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Euripide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Euripide - Athènes

Aristophane – Athènes - crédits : Bettmann/ Getty Images

Aristophane – Athènes

Autres références

  • IPHIGÉNIE À AULIS, Euripide - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 941 mots
    • 1 média

    Des grands tragiques grecs, Euripide (480 env.-406 av. J.-C.) est sans doute celui qui a le plus nettement contribué au renouvellement du genre. Iphigénie à Aulis est sa dernière pièce, l'ultime tragédie qu'il composait lorsqu'il mourut en 406 avant J.-C. Comme Antigone, Iphigénie...

  • ARISTOPHANE (445-380 av. J.-C.)

    • Écrit par Jean DEFRADAS
    • 4 637 mots
    • 1 média
    L'attaque contre Euripide est menée à fond dans Les Thesmophories, où les femmes, comme dans Lysistrata, qui est de la même année, jouent le rôle principal. Au cours de la fête des déesses Thesmophores, qui est interdite aux hommes, les femmes, réunies à la Pnyx, décident de mettre à mort Euripide...
  • DELPHES

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN, Giulia SISSA
    • 9 618 mots
    • 9 médias
    ...« que la clarté fumeuse des torches a vu franchir la roche à la double pointe où les Nymphes coryciennes viennent en dévotes filles de Bacchos. » Pour Euripide aussi, Dionysos conduit une oribasie en tant que dieu « du rocher pythien ». Ainsi, le chœur de Ion invoque « les roches escarpées du Parnasse...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - La religion grecque

    • Écrit par André-Jean FESTUGIÈRE, Pierre LÉVÊQUE
    • 20 084 mots
    • 8 médias
    ...dieux grecs renforcent considérablement l'emprise qu'ils exercent sur les consciences. Tel est le cas de Dionysos, au sujet de qui les Bacchantes d' Euripide constituent, à la fin du ve siècle, un témoignage exceptionnel : elles mettent en scène les Thébaines qui se livrent dans les halliers du Cithéron...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - Langue et littérature

    • Écrit par Joseph MOGENET, Jacqueline de ROMILLY
    • 8 259 mots
    • 2 médias
    ...raconte que, le jour de cette bataille à laquelle participait Eschyle, le jeune Sophocle conduisit le péan de la victoire ; ce jour-là aussi naquit Euripide. Cette légende, en réunissant les noms des trois grands poètes tragiques, non seulement résume toute l'histoire de la tragédie athénienne, mais...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi