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IPHIGÉNIE, Jean Racine Fiche de lecture

En 1674, lorsqu'il crée Iphigénie, tragédie en cinq actes et en vers,Jean Racine (1639-1699) est déjà célèbre. Protégé par Mme de Montespan, pensionné par le roi, élu en 1672 à l'Académie française, il est devenu en dix ans, avec Jean-Baptiste Lully, le principal contributeur des divertissements royaux. C'est donc à Versailles, le 18 août, à l'occasion des fêtes données entre le 4 juillet et le 31 août pour célébrer la reconquête de la Franche-Comté, que la Cour fait un triomphe à la première représentation de la pièce, triomphe confirmé quelques mois plus tard par le public dans la salle de l'Hôtel de Bourgogne. C'est que le fonds de la tragédie antique, renouvelé par l'introduction de l'intrigue amoureuse, a tout pour séduire des spectateurs avides de pathétique et de romanesque. Un engouement qui ne se démentira pas au cours des décennies et du siècle suivants.

Pourtant, après l'éclipse de la tragédie classique, supplantée par le drame romantique au xixe siècle, Iphigénie ne connaîtra pas le regain d'intérêt pour le genre dont bénéficieront Phèdre, Bérénice, Britannicus ou encore Andromaque. Elle est l'une des pièces les moins jouées de Racine. Il faut croire que son thème central ‒ le sacrifice ‒ ne parle plus guère à notre société individualiste et sécularisée. La « mort des dieux » n'a pourtant pas rendu obsolète – bien au contraire ‒ la vision d'une humanité se débattant dans des conflits insolubles, impuissante à s'approprier un destin dont le sens se dérobe sans cesse. Mais, en héritiers du romantisme, il semble que nous préférions désormais la transgression à la soumission.

Un dilemme... racinien

Acte 1. À Aulis, en Béotie, la flotte grecque attend que les vents se lèvent pour appareiller vers Troie. Mais Agamemnon, chef de l'armée et roi de Mycènes, révèle à son confident Arcas le message des dieux, transmis par le grand prêtre Calchas : la déesse Artémis exige, pour libérer les vents, le sacrifice d'Iphigénie, sa propre fille. D'abord résigné, le roi, sous prétexte de célébrer le mariage d’Iphigénie avec Achille, a demandé qu’elle le rejoigne au camp, accompagnée de Clytemnestre, sa femme. Mais il change brusquement d'avis, et envoie Arcas pour qu’il fasse rebrousser chemin aux deux femmes. La raison invoquée ? Le mariage est annulé car Achille aime Ériphile, sa prisonnière... Agamemnon fait part à Achille et Ulysse de sa décision de renoncer à l'expédition, sans leur donner d'explication. Tous deux protestent avec force. Un marché est finalement conclu : si Iphigénie arrive au camp, elle sera sacrifiée ; sinon, l'expédition sera annulée. Mais son arrivée est bientôt annoncée…

Acte II. Ériphile, qui accompagne Iphigénie, révèle à sa confidente les deux raisons de sa venue : orpheline, elle souhaite consulter Calchas sur ses origines ; amoureuse d’Achille, elle vient à sa rencontre. Troublée par la froideur de l'accueil de son père, Iphigénie apprend de Clytemnestre la prétendue trahison d'Achille. L'entrevue entre les deux amants ne suffit pas à lever le malentendu. Quant à Ériphile, elle s'est entretenue avec Achille et a compris que celui-ci ne l'aimait pas. Elle laisse alors libre cours à sa jalousie et à son ressentiment à l'égard d'Iphigénie.

Acte III. Achille ayant éclairci la situation et répété son amour pour Iphigénie, rien ne semble plus s'opposer à leur union. Tandis que se préparent les deux cérémonies, l'une fictive – le mariage – l'autre bien réelle – le sacrifice –, Agamemnon ne cesse de se dérober, jusqu'à la scène 5, véritable acmé de la tragédie, où est enfin révélée la vraie nature de l'« autel » auquel on destine la jeune fille. À l'indignation de Clytemnestre et à la fureur d'Achille, Iphigénie[...]

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Pour citer cet article

Guy BELZANE. IPHIGÉNIE, Jean Racine - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • IPHIGÉNIE, mythologie

    • Écrit par Universalis
    • 156 mots
    • 3 médias

    Dans la mythologie grecque, fille aînée d'Agamemnon et de Clytemnestre. Lors de la guerre de Troie, son père dut la sacrifier à Artémis pour obtenir de la déesse qu'elle fît cesser le calme (ou les vents contraires) qui retenait en Aulide la flotte des Achéens. Dans certains endroits,...

  • RACINE JEAN (1639-1699)

    • Écrit par Paul BÉNICHOU
    • 4 401 mots
    • 5 médias
    ...des grandes âmes. L'être menacé ou sacrifié, surtout la femme, devient dans ce théâtre le type même de la vertu : ainsi Andromaque, Junie, Bérénice, Iphigénie, enfin, figure mythique de toutes les autres, devant le couteau de Calchas, symbole de l'universelle loi d'injustice et de cruauté. La tragédie...

Voir aussi