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INTERNET Économie d'Internet

Un jeu concurrentiel risqué mais très rentable

Ces industries, qu'on qualifie désormais de numériques, sont marquées par une logique de concurrence où le « gagnant emporte la mise » (winner takes all). Fondés sur l'innovation, ces marchés sont, au départ, toujours très concurrentiels car des solutions différentes sont proposées. Chacun des offreurs réalise néanmoins qu'un seul d'entre eux survivra sur chacun des marchés possibles (enchères, moteur de recherche, portail, vente d'une gamme de biens, etc.). Il en résulte une concurrence acharnée qui favorise la distribution gratuite des biens et services. Deux raisons poussent les offreurs à adopter de telles stratégies. D'une part, elle est viable. Puisqu'on est dans une économie de coûts fixes, desservir des consommateurs supplémentaires ne coûte rien. D'autre part, c'est une stratégie utile pour augmenter l'attractivité de son offre. Puisqu'il existe des complémentarités entre biens, entre réseaux, entre contenant et contenus, etc., l'adoption par un nouvel utilisateur d'une offre contre une rivale renforce l'attractivité de la première. À court terme, les coûts fixes du service retenu vont être partagés entre un plus grand nombre d'utilisateurs. À long terme, plus de moyens seront dégagés pour développer la technologie sélectionnée ou pour développer l'offre de biens complémentaires. Chaque compétiteur a donc intérêt à favoriser l'adoption de sa solution en la distribuant à un prix très bas, voire gratuitement.

La concurrence en vue d'établir des positions de monopole est donc une des explications de la fréquence des offres gratuites sur Internet. Il est néanmoins indispensable de financer les coûts fixes de développement et de production des services concernés. C'est la raison pour laquelle trois types d'acteurs jouent un rôle clé dans l'économie numérique.

Il s'agit tout d'abord des grands groupes qui utilisent les rentes accumulées sur d'autres marchés ou dans d'autres secteurs (notamment l'informatique, les télécommunications et les médias). Le financement du développement de nouveaux services est cependant une activité extrêmement risquée car les effets cumulatifs en matière d'adoption que l'on vient de décrire et des aléas tels que des phénomènes de mode – on peut penser à l'iPod d'Apple – aboutissent à ce que des différences minimes de qualité puissent avoir des effets déterminants sur l'issue d'un processus concurrentiel dont un seul offreur ressortira vainqueur. L'histoire de l'industrie est jalonnée d'échecs des grands groupes à miser sur la technologie ou le service qui s'est imposée in fine, si bien qu'une partie préfère racheter des entreprises ayant développé des modèles qui ont commencé à être adoptés de manière significative par des groupes d'usagers.

Les rentes engendrées à l'occasion de telles opérations de rachat attirent la deuxième figure de financeurs que sont les acteurs du capital-risque. Ces derniers jouent un rôle déterminant dans l'industrie car, au-delà de leur rôle de financeur, ils rapprochent les innovateurs des partenaires qui, par leurs complémentarités, pourront contribuer positivement au processus d'adoption.

Si la majorité des innovations est finalement absorbée par les grands groupes, les « capital-risqueurs » et les innovateurs cherchent aussi à bénéficier d'effets de levier en se tournant vers les marchés financiers. Permettant de lever des fonds considérables, ils constituent une ressource clé dans les stratégies d'établissement de nouveaux marchés. Puisqu'une partie des affaires financées le sera en pure perte, un jeu complexe se joue entre investisseurs. L'essentiel est d'anticiper, avant les autres, les échecs probables, de[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris Dauphine, chercheur à DRM, UMR .N.R.S. 7088, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence, Centre Robert Schuman, directeur de la European School for New-Institutional Economics, vice-président de l'International Society for New-Institutional Economics

Classification

Pour citer cet article

Éric BROUSSEAU. INTERNET - Économie d'Internet [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APPRENTISSAGE ET INTERNET

    • Écrit par Franck AMADIEU, André TRICOT
    • 1 204 mots

    Grâce au Web (World Wide Web), Internet permet à des milliards d’humains d’accéder à des milliards de documents. Ceux-ci contiennent des images, des textes, des vidéos, des sons… sur à peu près tous les sujets. Ils peuvent répondre à des besoins divers : se renseigner ponctuellement sur un horaire...

  • DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU INTERNET

    • Écrit par Pierre MOUNIER-KUHN
    • 284 mots

    Au cours des années 1960, l'Advanced Research Projects Agency (A.R.P.A.), l'agence de recherche du ministère américain de la Défense, avait piloté et financé le développement d'un réseau de communications, Arpanet, reliant les ordinateurs des divers laboratoires universitaires...

  • INTERNET À HAUT DÉBIT

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 243 mots

    Concernant les technologies, l'année 2004 fut en France celle de la généralisation d'Internet à haut débit, appelé DSL (pour digital subscriber line, « ligne numérique d'abonné », ADSL pour asymmetric digital subscriber line). En quelques mois, en effet, les opérateurs de...

  • INTERNET DES OBJETS

    • Écrit par Frédéric KAPLAN
    • 2 440 mots
    • 1 média

    L'Internet des objets (Internet of things) désigne l'extension de l'infrastructure de l'Internet aux objets autres que les ordinateurs et smartphones. Dotés de capteurs, de systèmes de stockage, de modules de traitement et de capacités de communication, ces dispositifs relèvent...

  • MÉDECINE ET INTERNET

    • Écrit par Philippe MARREL, Elisabeth PARIZEL, René WALLSTEIN
    • 5 396 mots
    • 3 médias

    D’après une étude parue à la fin de 2014, plus de 60 p. 100 des Français utilisent Internet pour rechercher de l’information sur la santé. La consultation médicale à distance, autorisée en France depuis 2010, a de plus en plus de succès. Au niveau mondial, près de 4 millions de patients y...

  • 4G, télécommunications

    • Écrit par René WALLSTEIN
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    ...des années 2000, la nature des communications mobiles a évolué : les abonnés utilisent certes leur terminal pour téléphoner, mais de plus en plus aussi pour accéder aux services d’Internet (courriel, réseaux sociaux, musique en ligne, etc.). Les fournisseurs de réseaux ont alors été confrontés à la perspective...
  • AI WEIWEI (1957- )

    • Écrit par John M. CUNNINGHAM
    • 1 095 mots
    • 1 média
    En 2005, Ai Weiwei est invité à rédiger un blog pour le portail Internet chinois Sina. Bien qu'il utilise dans un premier temps cet outil comme une vitrine de sa vie mondaine, il s'en sert bientôt comme une tribune pour exposer ses critiques souvent radicales du régime chinois. Conçu entièrement par...
  • NUMÉRIQUE, anthropologie

    • Écrit par Julien BONHOMME
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    Alors que les micro-ordinateurs remontent aux années 1970 et l’essor d’Internet aux années 1990, c’est au cours de la décennie suivante que l’anthropologie du numérique acquiert sa légitimité au sein de la discipline. Contrairement aux essais sur la « révolution numérique » qui spéculent sur la rupture...

  • ARABIE SAOUDITE

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    • 25 169 mots
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    Un débat de fond dans la société saoudienne est relancé dans les années 2000, en particulier avec l'accès des jeunes générations à des moyens de communication et technologiques nouveaux (Internet, blogs, réseaux sociaux) : les thèmes abordés concernent le poids de la religion et en particulier...
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