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IMPRESSIONNISME

Les événements de l'impressionnisme

<it>La Rue Mosnier aux paveurs</it>, É. Manet - crédits : AKG-images

La Rue Mosnier aux paveurs, É. Manet

Depuis le Salon des Refusés (1863), initiative libérale de Napoléon III, Manet est le peintre que la presse, les pouvoirs académiques et le publics ont voué à l'exécration. En quoi il succède à Courbet, lequel, non seulement se proclamait le fondateur de l'école réaliste, mais encore se faisait honnir pour ses opinions sociales. Manet est, lui aussi, un réaliste, peut-être de façon encore plus affirmée puisque aucune intention extrapicturale ne s'ajoute à sa stricte présentation de la chose vue. Il est d'ailleurs républicain de cœur et ne s'en cache point, tout en appartenant à la haute bourgeoisie parisienne et en s'étonnant du mépris où le tient le monde de l'art officiel. Mais en ces contradictions un fait s'impose : l'irréductible singularité de son génie qui a fait de lui l'instaurateur de cette idée toute simple, mais qui ouvre l'histoire de l'art moderne : à savoir que la peinture n'est pas autre chose que la peinture, qu'elle n'exprime rien d'autre qu'elle-même. Telle est la peinture que fait Manet ; aussi exige-t-elle des dons de peintre absolument extraordinaires et, pour reprendre la formule plus haut citée, un œil et une main d'une exceptionnelle puissance. C'est là une raison – l'autre étant qu'il est décrié par la société – pour que les jeunes peintres se groupent autour de lui. Ainsi font, dans les dernières années de l'Empire, Monet, Sisley, Bazille, Renoir, qui sont entrés en 1862 à l'atelier de Gleyre, puis Pissarro, et Cézanne arrivé à Paris retrouver son camarade d'enfance, Zola. On se réunit le vendredi soir au café Guerbois, avenue de Clichy, non loin de l'atelier de Manet. D'autres artistes et hommes de lettres viennent grossir cette « école des Batignolles » : Fantin-Latour, Degas, le paysagiste Guillemet, le graveur Desboutin, Stevens, Duranty, Zola, Zacharie Astruc.

Frédéric Bazille peignant "Le Héron aux ailes déployées", A. Renoir - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Frédéric Bazille peignant "Le Héron aux ailes déployées", A. Renoir

Les idées du groupe sont tout imprégnées de réalisme. Les premiers tableaux des jeunes peintres sont donc de cette tendance, mais avec déjà, la prédominance des tons clairs et de subtils effets de lumière. Frédéric Bazille (1841-1870), qui sera tué à Beaune-la-Rolande, peut apparaître comme bien représentatif des complexités et des promesses de la jeune peinture de cette période. Méridional, il a le goût des contours nets et de la situation des objets et des personnages dans l'espace, et n'est donc point disposé à les laisser s'y dissoudre, si peu que ce soit. Mais on peut le ranger parmi les pré-impressionnistes à cause de ce sentiment même de l'espace, à cause de sa vision vaste et allègre, de sa passion pour le grand air et la pleine lumière, et à cause de la sonorité que produisent en un tel climat les robes et les feuillages. Tout cela va de pair avec un tableau tel que les Femmes au jardin (1866-1867) de Monet.

<it>Scène d'été</it>, J. F. Bazille - crédits : Don de M. et Mme F. Meynier de Salinelles,  Bridgeman Images

Scène d'été, J. F. Bazille

<it>Femmes au jardin</it>, C. Monet - crédits : Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

Femmes au jardin, C. Monet

La première exposition du groupe, érigé en Société anonyme coopérative d'artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc., s'ouvrit à la galerie du photographe et très étonnant personnage Nadar, 35, boulevard des Capucines, le 15 avril 1874. Parmi les participants – une trentaine –, figuraient Boudin, Cals, Cézanne, Degas, Guillaumin, Monet, Berthe Morisot, Camille Pissarro (1830-1903), Renoir, Rouart, Alfred Sisley (1839-1899). Manet avait refusé de s'associer à ses jeunes amis. Jusqu'à sa mort, en 1883, il maintint son refus de participer à leurs expositions. Il supportait mal cette condition de perpétuel refusé qu'il partageait avec eux. Quelques exceptionnels succès au Salon le confirmaient dans son naïf espoir de se voir un jour reconnu et consacré. Et néanmoins il en était de cette cohorte d'artistes qu'on aurait déjà pu qualifier de « maudits ». Il leur était si étroitement lié que, lui, leur maître, devait subir leur[...]

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Pour citer cet article

Jean CASSOU. IMPRESSIONNISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Émile Zola</it>, É. Manet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Émile Zola, É. Manet

<it>Le Poème de l'oreiller</it>, K. Utamaro - crédits :  Bridgeman Images

Le Poème de l'oreiller, K. Utamaro

<it>La Grande Vague</it>, K. Hokusai - crédits : Christie's Images,  Bridgeman Images

La Grande Vague, K. Hokusai

Autres références

  • ART (Aspects culturels) - L'objet culturel

    • Écrit par Jean-Louis FERRIER
    • 6 295 mots
    • 6 médias
    ...l'antique. La nature, mon ami, c'est très bien comme élément d'étude, mais ça n'offre pas d'intérêt », enseignait encore Gleyre à Claude Monet. L' impressionnisme a été, au contraire, le premier grand mouvement pictural à rompre avec les « sujets nobles » dont on pensait jusqu'alors qu'ils étaient...
  • ATELIER, art

    • Écrit par Marie-José MONDZAIN-BAUDINET
    • 5 946 mots
    • 9 médias
    ...travail est prolétarien. L'artiste trouve une nouvelle matière qui lui est propre au sein du grand atelier naturel où il se réfugie : c'est la lumière. La lumière est « matière première » de l'impressionnisme ; contre l'espace de l'appropriation et de l'accumulation se crée une esthétique du fugitif, dans...
  • BARBIZON ÉCOLE DE

    • Écrit par Jacques de CASO
    • 3 471 mots
    • 7 médias
    ...fait, Corot continuait à travailler d'après nature, peu fidèle aux limites géographiques de Barbizon, au moment (1863) où les jeunes peintres de paysage, Monet, Sisley, Bazille et Renoir – qui allaient créer l'impressionnisme – venaient peindre en forêt de Fontainebleau. Dans la dernière phase de son style,...
  • BAZILLE FRÉDÉRIC (1841-1870)

    • Écrit par Alain MADELEINE-PERDRILLAT
    • 2 465 mots
    • 5 médias

    Un peintre qui eut la chance de rencontrer très tôt Monet et Renoir, et de travailler avec eux, la chance de voir son talent vite reconnu par Émile Zola et par de bons critiques comme Edmond Duranty et Zacharie Astruc, la chance aussi de n'avoir jamais été dans le besoin ; mais qui eut le malheur de...

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Voir aussi