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ATELIER, art

L'origine du terme reste quelque peu obscure. Il viendrait du latin assis, puis astella, qui ne désignait que le simple copeau, l'éclat de bois. Vers 1332, on en relève l'usage en français pour désigner « le lieu où sont réunis les éclats de bois du charpentier ». On en trouve entre le xive et le xviiie siècle les formes suivantes : artelier, astelier, astellier, attelier, hastelier, etc. Le mot semble être fixé dans son sens comme dans son orthographe au xviiie siècle où il signifie « le lieu aussi bien que l'ensemble des ouvriers groupés dans ce lieu où l'on travaille sous un même maître » (Trévoux, 1773). Longue genèse d'un terme désignant une réalité qui naquit en même temps que le travail humain. Issu d'une terminologie de charpentier, le mot atelier n'a pas eu que des avatars morphologiques ; plus profondes et plus significatives sont ses aventures sémantiques. Sa polysémie n'est pas l'œuvre d'une suite d'accidents linguistiques ; le mot eut la mobilité même de ce qu'il désignait, changeant de sens chaque fois que la société changeait elle-même sa propre conception du travail, de la production et de la fabrication, au fil des transformations économiques, sociales et politiques.

Historique

<it>Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle</it>, G. Tiepolo - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle, G. Tiepolo

L'atelier a toujours existé aussi loin qu'on remonte dans la préhistoire, et les paléontologues n'hésitent pas à parler d'ateliers paléolithiques lorsqu'une fouille laisse apparaître, même sur un très faible diamètre, un dépôt que l'on suppose intentionnel d'armes et d'objets offrant des caractères identiques de fabrication. Fondamentalement lieu de travail, il nous en reste des traces et des témoignages multiformes portant tantôt sur l'organisation locale et technique de l'atelier, tantôt sur sa structure interne, la conception du travail et des rapports sociaux qui s'y matérialisaient. Double visage de l'atelier. Il est l'espace où la matière se transforme en objet finalisé, lieu privilégié où la nature passe dans la culture ; son périmètre constitue un seuil : il marque les bornes du groupe par rapport à tout ce qui lui est extérieur ; hors de l'atelier et avant lui, il n'y a que nature brute, inerte, amorphe et inintelligible ; à la sortie de l'atelier, le bois, la pierre, le métal, la terre sont devenus œuvres de culture, valeurs d'usage, objets esthétiques. Entre-temps, c'est une lutte entre l'inanimé informe et la conscience de la forme et du corps : la séquence primordiale du travail. C'est là qu'est né l'objet. Mais la structure de l'atelier n'est pas seulement conditionnée par sa finalité transformatrice, elle est solidaire de tout le groupe humain et entre dans une organisation sociale du travail, suivant un modèle qui ne lui vient pas des simples impératifs techniques mais du régime politique et de l'idéologie du moment. Ainsi ce n'est pas l'évolution de la conception picturale qui a provoqué la disparition de l'atelier du peintre à l'époque féodale. C'est un bouleversement général dans les conceptions théologiques et la structure économique qui a modifié l'espace de travail et l'espace pictural eux-mêmes. Les ateliers produisent la culture, mais la culture ne saurait échapper à l'influence de l'ordre politique régnant.

La plus grande abondance de documents nous est fournie par l'Europe occidentale, où l'on peut suivre avec assez de précision les ateliers depuis l'ère préchrétienne et saisir à travers eux, par analogie, ce que furent nombre d'ateliers ailleurs dans le monde. Mais il est frappant de voir des divergences simultanées. Rien n'est plus différent, par exemple, au xiiie siècle, qu'un peintre allemand et un peintre chinois. Le premier travaille dans l'austère[...]

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Pour citer cet article

Marie-José MONDZAIN-BAUDINET. ATELIER, art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle</it>, G. Tiepolo - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle, G. Tiepolo

<it>L'Atelier</it>, J. Vermeer - crédits :  Bridgeman Images

L'Atelier, J. Vermeer

Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey, L.L. Boilly - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey, L.L. Boilly

Autres références

  • AMAURY-DUVAL EUGÈNE EMMANUEL PINEU-DUVAL dit (1808-1885)

    • Écrit par Bruno FOUCART
    • 439 mots

    Sans doute l'un des plus originaux et des mieux doués des élèves d'Ingres, Amaury-Duval se contenta d'une carrière honorable et discrète. Peintre à la production rare, appartenant par sa famille à l'intelligentsia parisienne (son père, membre de l'Institut, fondateur de la ...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

    • Écrit par Florent CHAMPY, Carol HEITZ, Roland MARTIN, Raymonde MOULIN, Daniel RABREAU
    • 16 589 mots
    • 10 médias
    ...attribuait les récompenses. Les Prix de Rome, architectes de droit des bâtiments civils et palais nationaux, avaient le quasi-monopole des commandes publiques. Les patrons nommés des ateliers « intérieurs » de l'École des beaux-arts (sinon ceux des ateliers « extérieurs », appelés et révocables par les élèves)...
  • ART SACRÉ

    • Écrit par Françoise PERROT
    • 5 359 mots
    Le but était de faire renaître l'atelier médiéval que la Renaissance avait supprimé. Cette idée apparaît déjà dans les Notes sur la peinture religieuse (1896) : « Si Dieu m'avait donné de naître quelques siècles plus tôt, à Florence au temps de frère Savonarole, certainement j'aurais été...
  • L'ATELIER D'INGRES, Eugène Emmanuel Amaury-Duval - Fiche de lecture

    • Écrit par Adrien GOETZ
    • 1 026 mots
    • 1 média
    À partir de 1825, jusqu'à son départ pour l'Italie en 1834, lorsqu'il devint directeur de l'Académie de France à Rome, Ingres dispose à Paris d'un atelier privé, proche de l'École des beaux-arts, où ses nombreux élèves le vénèrent comme un chef incontesté : Henri Lehmann, Raymond...
  • Afficher les 36 références

Voir aussi