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MONET CLAUDE (1840-1926)

Le mot fameux de Cézanne résume parfaitement le génie de Monet : « Monet, ce n'est qu'un œil, mais quel œil ! » En privilégiant les effets lumineux et la matière picturale, qui n'étaient jusque-là, dans l'histoire de la peinture, que des moyens au service d'une représentation, le maître de l'impressionnisme entame, le premier, le processus irréversible qui conduit à l'art moderne. C'est la vision de l'artiste et non l'objet de cette vision qui importe, c'est la façon de peindre et non plus la chose peinte. On comprend la réaction du jeune Kandinsky voyant pour la première fois une toile de Monet : « La peinture m'apparut tout à coup douée d'une puissance fabuleuse. »

Un nouvel art du paysage

<it>Vue à Rouelles</it>, C. Monet - crédits :  Bridgeman Images

Vue à Rouelles, C. Monet

Claude Monet, bien que né à Paris, passe sa jeunesse et son enfance au Havre où ses parents tiennent une épicerie. Il manifeste très tôt de grand dons pour le dessin, en particulier pour la caricature. C'est Eugène Boudin qui encourage le jeune homme à peindre et l'emmène « sur le motif », en plein air (« Ce fut tout à coup comme un voile qui se déchire. J'avais saisi ce que pouvait être la peinture »), puis qui l'engage à aller étudier à Paris où Monet part en 1859. Il demande conseil à Constant Troyon, mais travaille surtout à l'Académie suisse, où il rencontre Camille Pissarro.

Après un intermède de près de deux ans, au cours duquel il fait son service militaire en Algérie, il s'inscrit en 1862 dans l'atelier du peintre académique Charles Gleyre afin de préparer l'École des beaux-arts. Il y rencontre Renoir, Sisley, et Bazille avec qui il va bientôt partager un atelier. C'est à cette époque – ainsi qu'il en va de ses amis – que commence sa véritable vie de peintre.

Comme Boudin l'avait fait pour lui, Monet convainc ses camarades d'aller peindre en plein air, dans la forêt de Fontainebleau. L'été 1865, il réalise une ambitieuse composition dont les fragments sont aujourd'hui au musée d'Orsay, à Paris, un Déjeuner sur l'herbe, reprenant, sous une forme plus réaliste et contemporaine, le thème de Manet. Sous les arbres, des personnages grandeur nature – posés par Bazille et Camille, la compagne de Monet – sont traités à touches larges de couleurs hardies, dans un style fruste et spontané, radicalement opposé au « léché » académique. Jusque vers 1866, plusieurs influences se combinent chez Monet : celle de Corot, par exemple, dans Le Pavé de Chailly (1865, musée de Copenhague) ; celles de Courbet et de Manet, avec Camille Monet au petit chien (1866, coll. Buhrle, Zurich), ainsi que celles de Boudin et de Jongkind dans La Jetée de Honfleur (1864). Mais, à vingt-six ans, il peint quelques-uns de ses premiers chefs-d'œuvre, comme La Terrasse au bord de la mer près du Havre (1866, Metropolitan Museum, New York), ou Les Femmes au jardin (1867, musée d'Orsay, Paris), étonnants de force, de fraîcheur, avec un élément très neuf dans l'art du paysage, une impression presque palpable de l'air, du vent, de la lumière, du soleil inondant une ombrelle ou redoublant le rouge d'une fleur : un réalisme atmosphérique immédiat, éloigné de la mélancolie des paysages de l'école de Barbizon, ou même des Hollandais. Pour la première fois, un paysage n'est pas un état d'âme, mais un instant de l'éclat de la nature. Ces qualités vont se développer chez Monet qui, malgré une vie matérielle et morale très difficile – il est dans une telle misère en juin 1868 qu'il tente de se suicider –, atteint en deux ans une liberté dans les moyens picturaux et une maîtrise dans l'effet de ses impressions absolument inédites dans l'histoire de la peinture.

<it>Le Déjeuner sur l'herbe</it>, C. Monet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Le Déjeuner sur l'herbe, C. Monet

<it>Femmes au jardin</it>, C. Monet - crédits : Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

Femmes au jardin, C. Monet

<it>La Plage à Trouville</it>, C. Monet - crédits :  Bridgeman Images

La Plage à Trouville, C. Monet

L'été 1869, Monet et Renoir travaillent à Bougival, « l'atelier de paysage de l'école française[...]

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Écrit par

  • : directeur des Musées de France, président des Musées nationaux

Classification

Pour citer cet article

Françoise CACHIN. MONET CLAUDE (1840-1926) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Vue à Rouelles</it>, C. Monet - crédits :  Bridgeman Images

Vue à Rouelles, C. Monet

<it>Le Déjeuner sur l'herbe</it>, C. Monet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Le Déjeuner sur l'herbe, C. Monet

<it>La Plage à Trouville</it>, C. Monet - crédits :  Bridgeman Images

La Plage à Trouville, C. Monet

Autres références

  • CLAUDE MONET ET L'IMPRESSIONNISME - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 554 mots

    1862-1863 Monet, à Paris, se lie avec Bazille, Renoir et sans doute Sisley qui fréquentent comme lui l'atelier de Gleyre : c'est un des groupes d'artistes à l'origine du mouvement impressionniste.

    1865 Monet commence Le Déjeuner sur l'herbe (fragments au musée d'Orsay),...

  • IMPRESSION, SOLEIL LEVANT (C. Monet)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 190 mots
    • 1 média

    Impression, soleil levant (musée Marmottan, Paris) tient une place capitale dans l'histoire de l'art pour avoir été à l'origine de la dénomination du mouvement « impressionniste ». Ce néologisme inventé, peut-être par boutade, par un journaliste à partir du titre donné par ...

  • LE DERNIER MONET (expositions)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 957 mots

    L'installation de Monet à Giverny, dans l'Eure, en 1883, aurait pu n'être que temporaire, mais elle devint définitive avec l'achat de sa maison, en 1890, dont il agrandit le jardin, à partir de 1893, par un bassin aux nymphéas. Il lui restait plus de trente ans à vivre (il meurt en 1926), mais,...

  • MONET IN THE 20th CENTURY et MONET, LE CYCLE DES NYMPHÉAS (expositions)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 960 mots

    L'installation de Monet à Giverny, dans l'Eure, en 1883, aurait pu n'être que temporaire, mais elle devint définitive avec l'achat de sa maison, en 1890, dont il agrandit le jardin, à partir de 1893, par un bassin aux nymphéas. Il lui restait plus de trente ans à vivre (il meurt en 1926), mais, curieusement,...

  • BAZILLE FRÉDÉRIC (1841-1870)

    • Écrit par Alain MADELEINE-PERDRILLAT
    • 2 465 mots
    • 5 médias
    ...détourner progressivement au profit de la peinture. À peine arrivé dans la capitale, il entre en effet dans l'atelier du peintre suisse Charles Gleyre, où il rencontre Monet, Renoir et Sisley. En 1863, il passe huit jours à Chailly, près de Fontainebleau : « J'étais avec mon ami Monet, du Havre, qui est...
  • BOUDIN EUGÈNE (1824-1898)

    • Écrit par Charles SALA
    • 456 mots
    • 1 média

    Fils d'un marin de Honfleur, Eugène Boudin, un des précurseurs de l'impressionnisme, exerce la profession de papetier-encadreur au Havre. En 1849, il se rend à Paris pour y étudier la peinture sous la direction d'Eugène Isabey, qui construisait ses tableaux selon un système chromatique...

  • ÉPHÉMÈRE, arts

    • Écrit par Véronique GOUDINOUX
    • 2 188 mots
    ...conception de l'art et de l'artiste que Baudelaire met en place au milieu du xixe siècle ouvre la voie à la tentative de l'impressionnisme, celle de Monet en particulier, de restituer la fluidité d'un monde aux contours constamment modifiés par la lumière et le mouvement. En 1891, le critique...
  • ESPACE, architecture et esthétique

    • Écrit par Françoise CHOAY, Universalis, Jean GUIRAUD
    • 12 347 mots
    • 4 médias
    On a fait de Monet le peintre de l'instant : il est celui de la variation. Dans la cathédrale de Rouen qu'il peint heure après heure, les états importent moins que la série. Et ce qui change sous les variations lumineuses, ce n'est pas uniquement l'épiderme de la pierre, c'est toute la volumétrie. La...
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Voir aussi