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HOMOSEXUALITÉ

Fin des discriminations

Au tournant des années 1980, une nouvelle phase s'ouvre en effet : les revendications se précisent et une mobilisation en termes de « droits » permet bientôt, en France en tout cas, la « dépénalisation » de l'homosexualité. Ce passage d'une culture révolutionnaire et minoritaire (lutte des classes défendue par les premiers militants gays) à une culture anti-discriminatoire (droits de l'homme) fut une évolution majeure pour le mouvement gay. Le Parti socialiste et François Mitterrand traduisent en acte leur promesse politique et, très vite, entre 1981 et 1983, la gauche va abolir toutes les discriminations légales qui, dans les textes, comportaient des atteintes, directes ou implicites, à la liberté du mode de vie choisi par les homosexuels. En moins d'une année, François Mitterrand, Robert Badinter, Gaston Defferre, Gisèle Halimi, Louis Joinet et Jack Lang purgent le droit français de la plupart de ses archaïsmes en matière de mœurs (circulaire Defferre contre le fichage par la police, circulaire Badinter mettant fin aux poursuites du parquet, loi Quilliot qui supprime la mention pour les locataires de devoir se comporter en « bons pères de famille », etc.), sans pour autant substituer aux textes répressifs une législation spécifique, catégorielle ou identitaire. En cela, ils ont suivi une approche universaliste qui a pour première conséquence de « normaliser » la vie des gays, et s'inscrivent ainsi clairement dans la perspective ouverte par Jean-Louis Bory.

Paradoxalement, cette filiation universaliste et intégrationniste, les années sida vont encore la renforcer. Au début, bien sûr, l'épidémie a tout chamboulé. S'il fut alors difficile de décrypter les tensions contradictoires du mouvement gay, la valse hésitation de l'action politique et les peurs de l'opinion publique, le legs principal des années de lutte contre le sida reste néanmoins aujourd'hui la mobilisation en faveur des droits fondamentaux de la personne. L'éthique de l'association Aides (fondée en 1984) reposait initialement sur le respect du secret médical, sur le principe de dépistage volontaire, sur la défense de la vie privée et du non-jugement. Elle a fait école.

Au moment où commencent les années 1990, la question homosexuelle a donc déjà été reformulée plusieurs fois : « libération » homosexuelle, logique de droits et lutte contre le sida se combinent alors et donnent naissance à un vaste mouvement gay dont la visibilité s'est accrue tout au long des années 1990.

L'« effet sida » en fut assurément l'un des éléments de cristallisation. Sujet de désarroi, de déchirement et de polémiques violentes (qu'on se souvienne seulement du « cancer gay » dont parlait la presse en 1983, du « sida mental » que stigmatisait le journaliste Louis Pauwels en 1986 et des « sidaïques » que dénonçait Jean-Marie Le Pen en 1987), c'est dans les années 1990 que la lutte contre le sida devient une cause consensuelle : les Français sourient lorsque l'association Act Up, créée en 1989, honore l'obélisque de la place de la Concorde à Paris d'un préservatif géant – rose fluo –, le 1er décembre 1993 ; ils apportent en nombre leur contribution financière lors du premier Sidaction (7 avril 1994) ; ils arborent bientôt massivement le petit ruban rouge (1994-1995) – un véritable phénomène de mode. Et si ce mouvement s'essouffle après 1996, il n'en reste pas moins une mobilisation sans précédent aux effets durables.

Cette visibilité accrue des gays fut, dans les années 1980 et 1990, également culturelle. Les revendications militantes portées par les activistes ont été amplifiées par tout un mouvement culturel, qui, dans le cinéma (de Derek Jarman à Stephen Frears, de Pedro Almodovar à André Téchiné), dans la littérature (de[...]

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Frédéric MARTEL. HOMOSEXUALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Magnus Hirschfeld - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Magnus Hirschfeld

Autres références

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