- 1. Les multiples approches de la question
- 2. L'Antiquité grecque et romaine
- 3. La répression de l'Église et de l'État : le temps du péché
- 4. Le XIXe siècle aliéniste
- 5. Un siècle de combat
- 6. L'homosexualité féminine longtemps passée sous silence
- 7. La révolution des années 1970
- 8. Normalité contre rébellion
- 9. Fin des discriminations
- 10. Batailles pour une reconnaissance juridique
- 11. Bibliographie
HOMOSEXUALITÉ
Les liens amoureux et sexuels entre personnes de même sexe peuvent être ritualisés, condamnés, marginalisés ou tolérés, mais leur présence dans toute société, jusque dans celles qui les nient avec le plus de force, confirme en fait l'universalité de ces « pratiques ». Tout comme leur sort social, leur désignation a profondément varié selon les époques, et le terme d'homosexualité, d'origine médicale, qui recouvre communément leur réalité actuelle, ne date que du xixe siècle. Ce mot et le savoir qu'il supposait n'en ont pas moins préparé et peut-être même provoqué, en Occident, la singulière prise de conscience d'un grand nombre d'hommes et de femmes qui sont parvenus, en l'espace d'une centaine d'années, à faire reculer peu à peu dans leurs sociétés les discours pathologique, policier et moraliste, au profit d'une reconnaissance de l'orientation sexuelle comme d'une liberté fondamentale de la personne. La question de l'homosexualité n'est donc pas compréhensible si elle est détachée de l'histoire plus générale de la constitution du sujet dans la civilisation occidentale, qui trouve son aboutissement dans la notion d'individu libre, pensé à la fois comme citoyen et comme personne.
De ce point de vue, elle peut être rapprochée de trois autres questions qui elles aussi ont été posées en termes d'émancipation, de reconnaissance plénière de droits, à partir de la fin du xviiie siècle : la question noire, la question juive et la question des femmes. Ces quatre questions, qui ont emprunté chacune des chemins bien différents au cours des deux siècles suivants, se retrouvent en effet dans la contestation d'un ordre ancien des choses qui a perduré, voire encore prospéré, malgré les proclamations de principe inspirées des Lumières : un ordre fondé sur des discriminations visant la race, la religion, le sexe et les mœurs des individus, sur l'idée d'une loi au seul service de l'homme blanc, chrétien et père de famille. Il n'y a pas lieu ici de rappeler les multiples épisodes qui marquèrent chacun de ces combats, dont aucun n'est aujourd'hui vraiment terminé, puisqu'il s'agit dans chaque cas de lutter contre des haines et des préjugés qui ne cessent de renaître au gré des événements. Il faut seulement souligner le fait que, pour ce qui est de la question homosexuelle, le tournant principal de son histoire, marqué par ses premières victoires symboliques et juridiques, ne s'opère en Occident que dans le dernier tiers du xxe siècle, à la fin des années 1960, au point qu'il est possible de scinder cette histoire en deux époques, avec pour ligne de fracture le tournant « 1968-1969 ». Retracer, en nous arrêtant à l'Occident, les grandes lignes de cette histoire est tout l'objet des développements qui suivent.
Les multiples approches de la question
Singulière, cette histoire mérite d'être retracée, mais elle englobe tellement d'aspects qu'aucun savoir constitué ne peut prétendre en rendre compte à lui tout seul. Il faut mesurer combien cette histoire, qui reste très largement à écrire, n'est pas, en tout cas, une histoire spécifique. Elle est par nature interdisciplinaire. Elle concerne l'histoire de la vie privée, l'histoire du droit et des châtiments, l'histoire des femmes, l'histoire de la médecine et de la santé, l'histoire de la psychiatrie, l'histoire de l'art, enfin, pour reprendre l'expression de Michel Foucault, l'histoire de la sexualité. Il faudrait donc à la fois forger des techniques historiques nouvelles pour la construire et emprunter aux différentes disciplines existantes pour espérer progresser, sans parler de la faiblesse des sources.
Certains auteurs, conscients de ces difficultés, ont délibérément[...]
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Écrit par
- Frédéric MARTEL : journaliste, écrivain
Classification
Média
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