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DONATELLO (1383 ou 1386-1466)

Les reliefs

<it>Saint Georges</it>, Donatello - crédits :  Bridgeman Images

Saint Georges, Donatello

Tandis que, pour une niche extérieure d'Or' San Michele, Donatello sculpte un imposant Saint Georges (1416) de marbre, d'une attitude martiale, soulignée par les angles que forment la verticale du bouclier et les obliques du bras gauche et de la jambe droite, il réalise pour le socle lui-même un relief figurant le combat du saint contre le dragon. Si le procédé de la sculpture narrative n'est pas original à Florence, la technique utilisée ici est nouvelle par ce premier emploi que fait Donatello du rilievo schiacciato, c'est-à-dire du relief écrasé. C'est ce procédé que Donatello, sa vie durant, développera, sur le marbre d'abord, puis sur la terre cuite ou le stuc peint, sur la pierre dorée, et enfin – et exclusivement – sur le bronze. Du Combat de saint Georges aux ultimes scènes destinées à Saint-Laurent, Donatello ne cesse d'améliorer sa technique : rendre le maximum d'espace par un minimum de relief. En diminuant l'entaille du relief au fur et à mesure des plans successifs, Donatello parvient à intégrer dans chaque scène un ensemble de perspectives linéaires, ce qui lui fournit à la fois le mouvement et la construction architecturale (les trois dimensions sont rigoureusement rendues) ; par ailleurs, il associe à ses progrès dans le travail du bronze, en particulier le non finito, un art du dessin et de la composition, et aussi de la couleur, par l'utilisation de petites surfaces dorées, dans certains reliefs en pierre ou en bronze.

Ses premiers reliefs demeurent sereins, malgré quelques audaces de composition comme dans l'Ascension du Christ dont la tête inclinée et le corps assis mais tiré vers le haut traduisent le mouvement ascendant. Après l'étape de la cantoria (tribune des chanteurs de la cathédrale, 1433-1439) et de l'Annonciation de Santa Croce (également à Florence, 1433), où Donatello semble fondre statue et relief, les reliefs suivants – en particulier les séries réalisées pour Padoue (autel de la basilique de Saint-Antoine, 1446-1449) et Saint-Laurent, à Florence (1455 à 1460, mais il y eut des retouches jusqu'en 1466) – atteignent à une vie, un mouvement si intense et violent qu'ils semblent être autant d'ébauches jaillies du plus ardent de l'inspiration de l'artiste : jeu de lignes qui se heurtent (Descente de croix), jeu de lumières aussi, mouvements de foules aux expressions horrifiées ou passionnées, perspectives infinies, sujets et motifs décoratifs étroitement unis, tout se fond et vibre jusqu'à décourager toute logique comme dans la montée éperdue de l'Ascension de saint Jean L'Évangéliste.

La célèbre Madeleine du Baptistère de Florence offre l'image symbolique de cette transe qui saisit le créateur et qui lui permet de jouer avec les formes, la lumière, le mouvement en usant de ses matériaux d'une façon toute moderne : on « sent » le marbre, le bronze utilisés pour eux-mêmes. Pour sa dernière œuvre achevée, Donatello choisit le bois et un personnage unique : ce retour à la vieille tradition religieuse n'est qu'une apparence. En marge de son siècle, ou au-delà de lui, dans l'isolement que connaîtra aussi Michel-Ange, il réaffirme brutalement ses convictions artistiques, par l'exaspération réaliste du détail, et une signification morale quasi mystique que traduisent, plus encore que l'attitude orante de la pénitente solitaire, son visage hagard et décharné et le regard énigmatique que, de ses yeux à demi baissés, elle semble jeter vers le spectateur.

— Patrick OLSSON

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Pour citer cet article

Patrick OLSSON. DONATELLO (1383 ou 1386-1466) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Prophète Habacuc</it>, Donatello - crédits :  Bridgeman Images

Le Prophète Habacuc, Donatello

<it>Le Banquet d'Hérode</it>, Donatello - crédits :  Bridgeman Images

Le Banquet d'Hérode, Donatello

Cathédrale, Prato - crédits : Mohsen Ramezanimorad/ Eyeem/ Getty Images

Cathédrale, Prato

Autres références

  • ANDREA DEL CASTAGNO (1390 ou 1406 ou 1421-1457)

    • Écrit par Philippe LEVANTAL
    • 741 mots
    • 3 médias

    Au début du Quattrocento, divers peintres florentins élaborent un style qui brise avec ce que le Trecento, dominé par Giotto, comportait encore d'empreinte gothique. La conquête, par Masaccio, d'un espace cohérent ouvre la voie à Uccello, à Andrea del Castagno, qui, de manière fort...

  • BRUNELLESCHI FILIPPO (1377-1446)

    • Écrit par Gian-Carlo ARGAN
    • 2 148 mots
    • 6 médias

    Ses contemporains, le rédacteur anonyme de sa biographie et Leon Battista Alberti, considéraient le Florentin Brunelleschi comme le premier artiste « moderne » : celui qui rompt la tradition pour retourner aux sources gréco-romaines où il puise une vigueur créatrice. En fondant une technique nouvelle...

  • RENAISSANCE

    • Écrit par Eugenio BATTISTI, Jacques CHOMARAT, Jean-Claude MARGOLIN, Jean MEYER
    • 31 095 mots
    • 21 médias
    ...qu'il ne plaisait pas aux gens du commun. La façon dont les artistes se comportaient, au xve siècle, vis-à-vis de l'argent était surprenante. Donatello avait dans son atelier une caisse commune où chacun pouvait puiser librement ; il laissa à un paysan un champ en héritage, sous prétexte que...
  • LE PRINTEMPS DE LA RENAISSANCE. LA SCULPTURE ET LES ARTS À FLORENCE 1400-1460 (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 029 mots
    • 2 médias
    ...la Renaissance, on pense généralement à la fresque de La Trinité (vers 1427), de Masaccio, à Santa Maria Novella. Pourtant, c’est dès 1417 que Donatello réalise pour son Saint Georges une prédelle en bas-relief de marbre, qui est la première œuvre, tous domaines confondus, à utiliser les ressources...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi