MASACCIO (1401-env. 1429)
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Auteur d'un petit nombre d'œuvres, Masaccio représente dans la peinture ce bref moment de l'histoire de Florence au cours duquel, après la terrible crise de 1348 et la lente reprise de la seconde moitié du siècle, la ville est en train de devenir la capitale d'un État régional. Avec la conquête de Pise (1406), Florence réalise une aspiration séculaire et peut se donner l'illusion, pour la dernière fois, qu'elle constitue de nouveau, comme à la fin du xiiie siècle, le centre de décision de l'histoire. C'est alors qu'on assista à une surprenante reprise de cette confiance en la raison qui avait déjà été au fondement de la révolution de Giotto. La mort prématurée du jeune artiste fit coïncider presque exactement son destin avec ce moment particulier de l'histoire florentine. Elle lui permit de ne pas connaître les désillusions et les crises que les temps nouveaux et moins heureux réserveront, par exemple, à son protecteur et maître, Donatello.
Florence, l'humanisme et les « hommes nouveaux »
Tommaso di Ser Giovanni di Mone Cassai, dit Masaccio, est né à Castel San Giovanni in Altura (aujourd'hui San Giovanni Valdarno, près de Florence). Il est mort à Rome à une date qui est certainement antérieure de peu à novembre 1429. Il est le célèbre auteur d'une partie des fresques de la chapelle du cardinal Brancacci dans l'église de Santa Maria del Carmine à Florence, qui sont considérées comme une des œuvres essentielles de l'histoire du naturalisme moderne en peinture (ces fresques ont été l'objet d'une remarquable restauration en 1990). Il est le seul peintre que cite Leon Battista Alberti, dans la dédicace de son Traité de la peinture (1436), parmi les grands novateurs de la Renaissance, avec l'architecte Filippo Brunelleschi et les trois sculpteurs Donatello, Lorenzo Ghiberti et Luca Della Robbia, artistes dont le génie est tel qu'on ne peut « les faire passer après aucun artiste aussi ancien et fameux qu'il soit dans ces différents arts ».
Cantoria de la cathédrale de Florence, L. della Robbia
Luca della Robbia, détail de la Cantoria de la cathédrale de Florence, 1431-1439, marbre. Aujourd'hui au museo dell'Opera del Duomo, Florence, Italie.
Crédits : Bridgeman Images
Des initiateurs de la Renaissance, on peut parler, en effet – et c'est peut-être pour la première fois dans l'histoire de l'art –, comme d'un groupe homogène qui forme un mouvement dont les membres sont unis par des liens très différents de ceux qui régnaient dans l'atelier artisanal. En outre, ce groupe élabore et adopte une nouvelle idéologie qui lui permet de justifier et de défendre sa propre diversité.
On peut même reconnaître dans le caractère « intellectuel » du groupe un signe indirect, mais clair, du désir de ces novateurs de marquer la distance qui les sépare des anciennes pratiques, ainsi que d'affirmer le nouveau statut, plus indépendant, de l'artiste dans la société. La preuve en est dans l'intérêt de Brunelleschi pour les expériences scientifiques, dans celui de Donatello pour la « philosophie », et dans le style de vie « distrait » et « fantaisiste » qui a valu à Maso di Ser Giovanni le surnom péjoratif de Masaccio.
À cause de la citation d'Alberti on a considéré les novateurs du groupe de Brunelleschi comme équivalents, dans les arts figuratifs, aux humanistes. Mais cela est loin d'être démontré. Les recherches de Tanturli semblent plutôt indiquer les liens de Brunelleschi avec la tradition littéraire « volgare » et une sympathie des milieux humanistes (à partir de Leonardo Bruni) pour son rival « gothique tardif » Lorenzo Ghiberti. D'ailleurs à cette époque, l'humanisme ne joue pas encore le rôle de déguisement idéologique et rhétorique qui a pour fonction de cacher la décadence effective de la cité italienne dans le domaine économique et politique. La découverte de l'antique s'est faite à Florence avec un esprit d'initiative proprement capitaliste et avec un réalisme tout à fait bourgeois. L'art des Romains aide à retrouver le vrai et à rompre avec les habitudes stylistiques de l'art gothique. Le style « héroïque », truffé de citations classiques, va de pair, en un certain sens, avec l'adoption du latin par les humanistes. Vers le milieu du si [...]
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Écrit par :
- Giovanni PREVITALI : chargé de cours à l'université de Messine, Italie
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Pour citer l’article
Giovanni PREVITALI, « MASACCIO (1401-env. 1429) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/masaccio/