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DONATELLO (1383 ou 1386-1466)

Les statues

David, Donatello - crédits : Leemage/ Corbis/ Getty Images

David, Donatello

Il est difficile de faire la part, dans l'effort créateur de Donatello, entre l'art de la statue et celui du relief. L'artiste mena les deux de front dès ses débuts et jusqu'à sa mort : la statue lui permet d'abord de maîtriser l'attitude proprement dite, les grandes lignes des vêtements opposés au corps lui-même, et aussi l'expression des visages. Avec le relief, les problèmes de l'espace, de l'angle sous lequel peut apparaître l'œuvre, et de la perspective se posent avec plus d'acuité encore. Sculpture et relief lui donnent la possibilité de résoudre progressivement les difficultés posées par les matériaux eux-mêmes : dans les deux domaines, Donatello commence par utiliser le marbre, qu'il abandonnera peu à peu pour le bronze qui lui permet des innovations techniques.

Dans l'exécution de ses premières statues, il se montre soucieux de résoudre le problème du cadre de l'œuvre ; ainsi, pour les Prophètes du campanile de Florence, tient-il compte de la hauteur de leurs socles par rapport au public : pour les mieux rapprocher de celui-ci, il incline leur visage, tentant de communiquer leur méditation, leur tension. Mais le cadre demeure trop étroit, l'agencement des lignes du corps tend à le briser, et peu à peu la statue prend une existence autonome : elle peut être vue de partout, elle s'impose par le réalisme du détail qui sert, non pas à traduire un simple trait extérieur, mais à exalter une attitude intérieure, intensément pathétique. Quelle que soit la perfection imitative d'une chevelure bouclée (les Saint Jean-Baptiste, de Florence et de Sienne) par exemple, le réel semble transcendé par la volonté expressive ; la perfection formelle, l'harmonie, l'équilibre que chacune des statues de Donatello propose, s'effacent dans la tension, inquiète ou méditative, du personnage et de son créateur. Chaque saint, chaque héros devient ainsi, au-delà du prétexte du sujet représenté avec une grande précision, une conscience individuelle, un symbole auxquels le génie tumultueux de Donatello confère une réalité supérieure, vibrante et explosive. Ainsi pourra-t-il tenir ces deux gageures que sont le Gattamelata, exécuté à Padoue et la Judith.

Le premier est le défi relevé à la perfection antique : Donatello donne à la statue équestre de Marc-Aurèle, à Rome, sa première réplique moderne, tour de force technique et affirmation, face à l'empereur philosophe, de l'homme moderne, ici un guerrier au visage dur et hautain, dont l'implacable fierté contraste singulièrement avec la vocation religieuse et funéraire du monument. Au centre une place, le Gattamelata possède le plus vaste des cadres spatiaux ; la Judith, elle, se suffit à elle-même et contraint le spectateur à en faire le tour pour la découvrir dans sa multiplicité.

Elle se dresse sur un socle cylindrique, dont la section circulaire est coupée par un second socle triangulaire orné de reliefs ; sur ce dernier est posé un coussin carré soutenant les deux personnages : Judith, debout, brandissant un glaive de la main droite et maintenant contre elle, de la main gauche, Holopherne, assis endormi. Donatello oppose ici les lourdes draperies vêtant la femme au corps nu de l'homme, la rigidité, le fini du visage de Judith à l'expression pathétique d'Holopherne, à son traitement non finito, c'est-à-dire à peine poli, remarquable dans la chevelure. Par ailleurs, la fusion des deux personnages, la pose tout à la fois active et figée permettent, grâce aux socles successifs, au moins quatre points de vue différents qui constituent une véritable narration du geste et de l'action profonde. Donatello obtient cette narration à un degré supérieur dans les reliefs où il affirme la maîtrise la plus absolue et la plus originale.

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Pour citer cet article

Patrick OLSSON. DONATELLO (1383 ou 1386-1466) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Prophète Habacuc</it>, Donatello - crédits :  Bridgeman Images

Le Prophète Habacuc, Donatello

<it>Le Banquet d'Hérode</it>, Donatello - crédits :  Bridgeman Images

Le Banquet d'Hérode, Donatello

Cathédrale, Prato - crédits : Mohsen Ramezanimorad/ Eyeem/ Getty Images

Cathédrale, Prato

Autres références

  • ANDREA DEL CASTAGNO (1390 ou 1406 ou 1421-1457)

    • Écrit par Philippe LEVANTAL
    • 741 mots
    • 3 médias

    Au début du Quattrocento, divers peintres florentins élaborent un style qui brise avec ce que le Trecento, dominé par Giotto, comportait encore d'empreinte gothique. La conquête, par Masaccio, d'un espace cohérent ouvre la voie à Uccello, à Andrea del Castagno, qui, de manière fort...

  • BRUNELLESCHI FILIPPO (1377-1446)

    • Écrit par Gian-Carlo ARGAN
    • 2 148 mots
    • 6 médias

    Ses contemporains, le rédacteur anonyme de sa biographie et Leon Battista Alberti, considéraient le Florentin Brunelleschi comme le premier artiste « moderne » : celui qui rompt la tradition pour retourner aux sources gréco-romaines où il puise une vigueur créatrice. En fondant une technique nouvelle...

  • RENAISSANCE

    • Écrit par Eugenio BATTISTI, Jacques CHOMARAT, Jean-Claude MARGOLIN, Jean MEYER
    • 31 095 mots
    • 21 médias
    ...qu'il ne plaisait pas aux gens du commun. La façon dont les artistes se comportaient, au xve siècle, vis-à-vis de l'argent était surprenante. Donatello avait dans son atelier une caisse commune où chacun pouvait puiser librement ; il laissa à un paysan un champ en héritage, sous prétexte que...
  • LE PRINTEMPS DE LA RENAISSANCE. LA SCULPTURE ET LES ARTS À FLORENCE 1400-1460 (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 029 mots
    • 2 médias
    ...la Renaissance, on pense généralement à la fresque de La Trinité (vers 1427), de Masaccio, à Santa Maria Novella. Pourtant, c’est dès 1417 que Donatello réalise pour son Saint Georges une prédelle en bas-relief de marbre, qui est la première œuvre, tous domaines confondus, à utiliser les ressources...
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Voir aussi