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CLASSIFICATION DU VIVANT

Les espèces vivantes se comptent par millions, entre 8 et 12 selon les estimations. C'est ce que l'on appelle la biodiversité. Pour l'heure, seulement 1,8 million d'entre elles sont identifiées et classées. Ce sont à 60 p. 100 des espèces animales, principalement des invertébrés. Parmi les quelque 46 000 espèces connues de vertébrés, on compte, par exemple, plus de 9 600 espèces d'oiseaux et plus de 4 300 espèces de mammifères. Or chaque année sont décrites de nouvelles espèces appartenant à ces deux groupes, pourtant très en vue et réputés bien inventoriés.

Ces chiffres sont trompeurs. D'abord parce qu'ils laissent entendre que la communauté scientifique a depuis toujours admis la réalité de l'espèce. Or la question de savoir si elle représente une entité naturelle ou, au contraire, une abstraction sans existence objective, est récurrente dans l'histoire des sciences du vivant. Ensuite, lorsque les biologistes défendent la réalité de l'espèce, tous n'en ont pas la même définition, celle-ci pouvant être biologique, morphologique, phylogénétique, écologique, etc.

L' espèce n'en est pas moins le pivot de toute classification du vivant, c'est-à-dire de la subdivision de ce dernier en sous-unités ou taxons. Là encore, il y a débat entre les biologistes : les uns sont convaincus de l'existence de réelles discontinuités dans la nature ou que la parenté est une réalité historique (praticiens de la systématique, de la taxinomie, de la phylogénétique) ; les autres, les continuistes (praticiens de la biologie générale), défendent, au contraire, la plénitude de la nature et pensent que toute classification est arbitraire et que la phylogénie (généalogie) est difficilement connaissable. D'où la multiplicité des approches développées pour ordonner la formidable diversité du vivant.

Cette classification n'est pas une entreprise simple. Hier – jusqu'au début du XIXe siècle, au temps du créationnisme et du fixisme – comme aujourd'hui – dans le cadre évolutionniste instauré par Charles Darwin en 1859 –, elle est à la fois une démarche scientifique, fondée sur des procédures explicites, et un discours philosophique foisonnant d'images et de métaphores. Cette coexistence explique que la taxinomie (ou taxonomie), la théorie des classifications, soit périodiquement l'objet de débats animés dont l'histoire des sciences permet de mieux comprendre les enjeux et les contradictions.

Pour être ancienne, la question de la classification est toujours d'actualité. Grâce à la classification on peut savoir si une propriété anatomique, physiologique, génétique..., observée chez une espèce est propre à cette dernière ou bien, au contraire, appartient à un ensemble d'espèces. Grâce à elle, on peut stocker une information sur les degrés de généralité des propriétés de tous les organismes. Grâce à elle encore, on peut énoncer une connaissance quelconque concernant tout groupe classifié (et donc nommé) – les mollusques par exemple – sans avoir à réciter la litanie des noms de toutes ses espèces – le mot « mollusques » étant suffisant. Grâce à elle, enfin, sont formalisées nos connaissances de la vie sur la Terre, puisque les espèces et les groupes d'espèces sont les produits de l'histoire de l'évolution, ce qui, tout de même, n'est pas rien.

Classifications et espèces

Aristote est, au ive siècle avant notre ère, l'un des premiers à tenter de classer les quelque 500 animaux connus de lui. Il les sépare en deux grands ensembles : les animaux qui ont du sang, parmi lesquels il range l'homme, les quadrupèdes, les oiseaux, les cétacés et les poissons, et les animaux non sanguins, soit la plupart des mollusques et des arthropodes.

Une nature continue

Cette division[...]

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Écrit par

  • : professeur en histoire des sciences, université de Bordeaux
  • : professeur émérite du Muséum national d'histoire naturelle, Paris

Classification

Médias

Carl von Linné - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Carl von Linné

Buffon - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Buffon

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