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ASIE (Structure et milieu) Géographie physique

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Asie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie

L'Asie est le plus vaste des continents : 44 millions de kilomètres carrés. Elle s'étend sur 75 degrés de latitude et, en tenant compte des îles, sur 92 degrés (de la Severnaïa Zemlia, ou Terre du Nord, 810 de latitude nord, à l'île Roti, 110 de latitude sud) ; elle couvre 164 degrés de longitude du cap Baba en Asie Mineure au cap Dejnev en Sibérie. L'Asie est entourée au nord par l'océan Arctique, à l'est par l'océan Pacifique, au sud par l'océan Indien. Mais elle n'a pas de vraie limite à l'ouest : l'Europe n'est qu'une péninsule asiatique ; la ligne Oural-Caspienne n'a pas de signification géographique ; l'attribution du Caucase à l'Europe ou à l'Asie est incertaine ; on peut même se demander si la mer Rouge, prolongée par le golfe de Suez, sépare bien l'Asie de l'Afrique.

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L'Asie est massive, bien qu'elle s'affine au sud en trois grandes péninsules – arabique, indienne, indochinoise – que prolonge vers le monde austral le plus bel ensemble insulaire du monde, l'Insulinde (traditionnellement, on fait commencer le monde austral à la Nouvelle-Guinée).

L'Asie est le plus élevé des continents : son altitude moyenne est de 950 m. Elle possède tout à la fois le point culminant du monde (mont Éverest ou Chomolungma, 8 840 m) et les dépressions les plus creuses : la surface de la mer Morte est à − 393 m ; le fond du lac Baïkal est à − 1 300 m. Le relief de l'Asie est donc très contrasté. C'est au large de l'Asie, à l'est des Aléoutiennes, à l'est du Japon et des Bonin, à l'est des Philippines, que se trouvent les plus grandes profondeurs marines.

Le trait dominant du relief est l'opposition d'immenses surfaces planes et de hautes montagnes allongées et ramifiées. Les premières ne sont accidentées que de lourds bourrelets ou d'escarpements rectilignes (Sibérie centrale et occidentale, Turkestan, Arabie, Deccan, Xinjiang, Mongolie, Chine du Nord et du Nord-Est). Les secondes traversent presque toute l'Asie avec une direction ouest-est dominante ; ainsi se succèdent chaînes Pontiques, Taurus, Elbrouz, Khorassan, Hindou Kouch, Zagros, Himalaya, Tianshan et Qinling ; à l'est de l'Asie, ces montagnes s'infléchissent vers le sud (Arakan Yoma birman), puis s'ouvrent en arcs volcaniques gigantesques qui frangent le continent, en bordure de grandes fosses sous-marines (arcs d'Indonésie, des Philippines, des Ryū kyū, du Japon, des Kouriles, du Kamtchatka et des Aléoutiennes).

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Ces traits, si fortement contrastés, du relief s'expliquent par une opposition structurale entre « boucliers » (ou « socles », ou « plates-formes ») et chaînes plissées. Les surfaces tabulaires correspondent, le plus souvent, à des boucliers précambriens qui n'ont plus connu de véritables plissements depuis le Précambrien, c'est-à-dire depuis une époque antérieure au Primaire. Dans ces conditions, après de très longues périodes d'érosion, la trace des plissements a disparu à peu près complètement, et, lorsque les terrains du bouclier affleurent, ils sont entièrement cristallins (les gneiss dominent). Ces boucliers ont été envahis par les mers, au moins partiellement, et recouverts de terrains sédimentaires : une couverture subsiste sur une partie d'entre eux ; cette couverture est restée horizontale ou n'a subi que des ondulations à grand rayon de courbure. L'ensemble socles-couvertures est, évidemment, consolidé et rigide ; soumis à des mouvements tectoniques, il a été cassé par des failles qui ont donné des escarpements, des horsts, des fossés. Tels sont le bouclier sibérien (ou de l'Angara), le bouclier du Turkestan (ou du Kyzyl-Koum), le bouclier chinois, le bouclier indien (ou socle du Deccan), le bouclier arabo-syrien (ou plate-forme arabique). Les deux derniers furent unis à l'Australie, à l'Afrique et à l'Amérique du Sud dans l'immense « continent du Gondwana ».

Entre ces blocs et, sans doute, par suite du jeu de ces blocs, des chaînes de montagnes ont surgi : chaînes cambriennes (Baïkalides) ; chaînes siluriennes ou calédoniennes (premières ébauches du Tianshan, de l'Altaï, du Taïmyr) ; chaînes hercyniennes (Taïmyr, Oural, Novaïa Zemlia, Mongolie, Grand Khingan) ; chaînes triasiques (Indochine orientale, Japon), jurassiques (Malaisie, Tenasserim), crétacées (Bornéo, Chine du Sud). Toutes ces chaînes anciennes ont été largement arasées ; elles donnent des reliefs lourds et peu vigoureux, sauf lorsqu'elles ont été reprises par des mouvements tectoniques (plis ou failles) récents. De sorte que la Chine du Sud, une partie du Japon, une grande partie de l'Asie du Sud-Est autour de la plate-forme sous-marine de la Sonde, bien qu'affectées par des plissements relativement récents dont les traces sont visibles, se sont comportées, par la suite, en masses consolidées et rigides : nous proposons de les appeler « pseudo-socles », appellation qui pourrait peut-être aussi s'appliquer au plateau anatolien ou au plateau irano-afghan.

Toutes différentes sont les dernières-nées des chaînes plissées, les chaînes tertiaires (ou alpines) qui, elles, sont génératrices de hautes montagnes. Ces chaînes tertiaires sont diverses, mais leur tectonique a été, le plus souvent, très vigoureuse et très compliquée.

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Les mouvements se sont prolongés jusqu'au Pliocène et même jusqu'au Pléistocène (dernier soulèvement himalayen et plissement des Siwaliks par exemple), de sorte que ces chaînes sont d'une extrême jeunesse ; la plupart des auteurs pensent même que l'arc externe indonésien, jalonné par les îles de Mentawei, Sumba et Timor, « est une chaîne toute neuve qui surgit pour la première fois » (P. Birot).

Asie : zones climatiques et courants - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie : zones climatiques et courants

Les contrastes climatiquesne sont pas moins accentués. Schématiquement, on peut distinguer trois types de climat : un climat tempéré continental (climat sibérien) à extrêmes contrastes thermiques ; des climats arides ou désertiques ; des climats tempérés ou tropicaux, mais aux étés uniformément chauds et humides (climats de mousson). Les deux premiers traduisent la continentalité de l'Asie, les troisièmes en sont la conséquence.

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La Sibérie présente le plus typique des climats continentaux. Les hivers sont extrêmement froids et très longs, les étés sont courts mais très chauds. À Verkhoïansk, en Sibérie orientale, le thermomètre a indiqué − 69 0C en hiver et 32 0C en été. Les pluies sont peu abondantes, irrégulières et tombent surtout l'été. L'hiver est la saison la plus caractéristique : le ciel est pur, le rayonnement considérable ; l'air polaire continental forme le vaste anticyclone de Sibérie où la pression atteint 1 035 mb ; une couche de neige peu épaisse couvre le sol pendant quatre ou cinq mois ; les fleuves sont gelés. Le printemps éclate brusquement, la neige fond ; les fleuves qui coulent du sud au nord dégèlent dans leur cours supérieur méridional et leurs eaux se heurtent à l'aval à de gigantesques barrages de glaçons ; la débâcle provoque des inondations et la boue envahit tout ; par contre, la végétation démarre brusquement. L'été, chaud, dure trois mois. Le froid et les hautes pressions reviennent dès octobre. Du nord au sud se succèdent la toundra, où le sous-sol reste gelé pendant toute l'année (bouleaux nains, mousses, lichens) ; la taïga, immense forêt de conifères (mélèzes) et de bouleaux, encombrée de marécages où les moustiques pullulent en été ; enfin la steppe (ou prairie) de graminées sur les sols noirs, riches en humus et en calcium du tchernoziom.

Les climats arides ou désertiques sont de deux types : les uns connaissent des contrastes thermiques, les autres sont des climats désertiques chauds.

Les premiers, qui règnent au Turkestan (Kazakhstan, Ouzbékistan) et au Xinjiang, dans l'Asie centrale, tant russe que chinoise, sont dus à l'isolement. Au Kazakhstan, par exemple, les précipitations sont inférieures à 300 mm ; elles sont inférieures à 200 mm en Ouzbékistan. Mais les contrastes thermiques sont très forts : le thermomètre descend à − 50 0C au Kazakhstan ; la mer d'Aral est gelée pendant quatre ou cinq mois, cependant que la température dépasse 40 0C en été. En Asie centrale russe, à une steppe très maigre succèdent bientôt les vastes dunes (barkhanes) du désert noir ( Kara-Koum) ou du désert rouge ( Kyzyl-Koum). Climats et paysages sont assez semblables en Asie centrale chinoise ; les pluies sont inférieures à 100 mm en Dzoungarie et le cœur de la cuvette du Tarim est occupé par le désert de Takla-makan ; les contrastes thermiques sont aussi très forts : à Tourfan, la moyenne de janvier est inférieure à − 5 0C, cependant que la moyenne de juillet est de 35 0C. Tous ces climats sont typiques de cuvettes presque complètement isolées au cœur d'un continent par de très hautes chaînes de montagnes.

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Une place à part doit être faite au climat tibétain, climat désertique d'isolement (précipitations inférieures à 100 mm), mais de très haute altitude et par conséquent presque toujours froid.

Les climats désertiques chauds règnent de l'Arabie au Sind, les températures pouvant être tempérées par l'altitude. Ce sont des climats classiques à ces latitudes, sous le tropique du Cancer, dus à la constance des hautes pressions subtropicales : le Sahara, en quelque sorte, se prolonge jusqu'au delta de l'Indus, par-delà le golfe Persique. Au centre et au nord de l'Arabie, les précipitations sont inférieures à 50 mm ; dans presque tout le reste de cette péninsule, elles sont inférieures à 100 mm ; elles ne dépassent que très exceptionnellement 250 mm au sud-ouest et n'atteignent pas ce chiffre au sud-est. Les températures, en outre, sont très élevées : Aden, d'avril à octobre, a une moyenne supérieure à 30 0C ; la moyenne d'hiver ne descend pas au-dessous de 25 0C. Hyderabad (Sind) et Jacobabad sont deux des villes les plus chaudes du monde.

Entre les climats désertiques de l'Asie centrale et ceux de l'Asie du Sud-Ouest, la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan même connaissent des climats à sécheresse marquée, encore que Kaboul reçoive plus de 1 000 mm de pluie : entre 250 et 500 mm de pluie sur l'Anatolie, moins de 250 mm sur la plus grande partie du plateau irano-afghan ; par contre, les bordures montagneuses de ces plateaux (Taurus, Zagros) sont bien arrosées et même très arrosées à l'est de la mer Noire et de la Caspienne (la rive nord de l'Elbrouz reçoit plus de 1 000 mm de précipitations par an). Ces précipitations (pluie ou neige) en saison froide (surtout en fin de printemps à Téhéran et Kaboul) sont apportées par des dépressions cycloniques ayant emprunté grossièrement le trajet de la Méditerranée ; pendant l'été, la région est sous l'entière dépendance du puissant anticyclone subtropical et le climat est sec.

Asie : précipitations et vents - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie : précipitations et vents

Ainsi, les précipitations sur toute l'Asie occidentale et sur l'Asie centrale russe sont essentiellement d'hiver, amenées par des dépressions tempérées ; sur l'Asie centrale chinoise, ce sont essentiellement des précipitations d'été, lointains apports de la mousson.

L'Asie méridionale et extrême-orientale est humide. Partout, en ces climats de mousson, les pluies sont supérieures à 500 mm. Une moitié du sous-continent indien, toute la Chine du Sud reçoivent plus de 1 000 mm ; l'Asie du Sud-Est et les trois îles du « Vieux Japon » (Kyūshū, Shikokū et Honshū) reçoivent plus de 1 400 mm. La répartition des pluies dépend très largement du relief : les grandes lignes orographiques provoquent des précipitations énormes sur leurs flancs exposés au sud et à l'ouest : les chutes d'eau dépassent 5 m à Mahabaleswar (Ghāts occidentaux), ou à Akyab (Arakan Yoma), 12 m à Tcherrapoundji. L'existence sur de vastes étendues, jusqu'à 550 de latitude nord, du même été humide explique l'abondance des précipitations : les pluies d'été dominent de mai à novembre dans l'hémisphère Nord, de novembre à mai dans l'hémisphère Sud. Cet été est d'ailleurs chaud : les températures moyennes de juillet se tiennent partout entre 26 0C et 28 0C. De l'équateur jusqu'à 400 de latitude nord et même au-delà, l'été est tropical.

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Il y a certes quelques exceptions à ce rôle capital des pluies d'été : Sumatra, la péninsule malaise, Bornéo ont un climat équatorial, des pluies abondantes toute l'année avec un maximum net d'octobre à décembre. La côte d'Annam (Trung Bô), la côte orientale de Thaïlande péninsulaire, la côte de Coromandel reçoivent des pluies de septembre à décembre, tandis que l'été est assez sec. Enfin, la côte japonaise de la mer du Japon, bien que pluvieuse en été, connaît son maximum de précipitations en hiver sous forme d'énormes chutes de neige.

L'existence d'un été tropical est normale dans les régions situées de part et d'autre de l'équateur jusqu'à 130-150, mais non jusqu'à 40 0 (Pékin) ou même 430 de latitude nord (Sapporo). C'est là un phénomène d'une exceptionnelle importance : sa principale conséquence est la disparition dans cette partie de l'Asie de la barrière de désert qui ailleurs sépare pays tropicaux et pays tempérés. Telle est la conséquence fondamentale de la mousson.

La circulation atmosphérique est perturbée en Asie orientale et méridionale par la masse du continent asiatique et l'altitude de l'Himalaya. Depuis le Moyen Âge, les navigateurs ont su utiliser l'alternance des « moussons » : mousson du nord (généralement nord-est) en hiver, mousson du sud (généralement sud-ouest) en été. Mais, pour les masses paysannes asiatiques, la vraie mousson est celle d'été qui apporte la pluie et permet les récoltes : mousson du sud dans l'hémisphère boréal ; du nord dans l'hémisphère austral. C'est aussi celle dont les caractères exceptionnels sont les plus nets.

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La mousson (d'été boréal) est due à un appel d'air du continent asiatique : de très basses pressions se forment dès le mois de mai, au cœur de l'Asie. Ces basses pressions attirent, par-delà l'équateur, l'alizé austral, originaire des hautes pressions subtropicales de l'hémisphère Sud. Une énorme masse d'air potentiellement humide, d'épaisseur variable mais pouvant atteindre 5 000 et même 8 000 m, aborde ainsi l'Asie orientale. Les basses pressions estivales ont été attribuées à la chaleur continentale. Elles sont, peut-être, dues surtout au passage brutal du jet-stream d'ouest du sud au nord de l'Himalaya et du Tibet à la mi-juin.

Les faits ont moins d'importance et moins de netteté pour la « mousson d'hiver ». De très hautes pressions dues au froid intense règnent sur l'Asie centrale et orientale ; l'air polaire froid et sec se répand vers le sud. Il parvient jusqu'à 200 de latitude nord, marquant très fortement l'hiver de la Chine et du Japon. Mais plus au sud il ne joue pas, semble-t-il, un rôle dominant en Asie méridionale, car la « mousson du nord-est » n'y semble, le plus souvent, qu'un alizé issu de hautes pressions subtropicales.

Si l'été est sur toute cette vaste région du monde uniformément chaud et humide, l'hiver montre de considérables différences : Pékin a une moyenne de − 4 0C en janvier ; à la même époque, Bangkok accuse 23 0C ; ce sont les hivers et les mécanismes hivernaux qui différencient les climats de l'Asie méridionale et extrême-orientale.

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Les étés uniformément humides de l'Asie des moussons favorisent une végétation d'une extrême richesse, où se mélangent espèces tropicales et espèces tempérées : les espèces tropicales atteignent des latitudes élevées vers le nord ; le bambou atteint le Yangzijiang et la latitude de Tōkyō, et monte bien plus au nord encore, au Japon, comme plante cultivée.

L'Asie sud-occidentale

L'Asie sud-occidentale, qui correspond au Proche et Moyen-Orient, caractérisée par l'association de chaînes plissées, fragments de la ceinture alpine, nombreuses surtout dans le secteur septentrional de la Turquie à l'Afghanistan, et d'un socle anciennement consolidé qui constitue l'ossature de la péninsule arabique et du Levant, comprend des marges montagneuses humides et forestières et des plateaux intérieurs désertiques ou subdésertiques dont le paysage est dominé par l'aridité.

Structure et relief

L'arc montagneux alpin

L'arc montagneux alpin se suit en Asie occidentale, au nord de la plate-forme syrienne, dans les hautes terres de l'Anatolie et de l'Arménie, de l'Iran et de l'Afghanistan.

L'Anatolie appartient tout entière au domaine des chaînes plissées tertiaires, prolongation des Dinarides balkaniques. Mais des masses rigides, anciennement consolidées, viennent s'intercaler dans l'édifice : massif des Méandres (ou carolydien) dans l'Anatolie sud-occidentale ; massif de Kïrchehir au centre de l'Anatolie, à l'est du méridien d'Ankara, autour desquels se moulent les plis. Les chaînes plissées, en effet, enserrent au nord et au sud cette zone intermédiaire. Chaînes Pontiques au nord, Taurus au sud dessinent leurs virgations en fonction de ces masses rigides. Le Taurus occidental se marque ainsi par un arc convexe vers le nord, avec influence probable d'une masse rigide effondrée sous les eaux du golfe d'Antalya provoquant le rebroussement de Pamphylie-Pisidie. Puis, après la large convexité vers le sud de l'arc du Taurus central, les plis du Taurus oriental remontent vers le nord-est sous l'influence de l'avancée vers le nord du socle syro-arabe. Les virgations des chaînes septentrionales, moins accentuées, reproduisent dans l'ensemble le dessin des côtes de la mer Noire. La structure de ces plis est généralement caractérisée par un double déversement vers l'extérieur, nord dans les chaînes Pontiques et sud dans le Taurus, avec des charriages et des chevauchements souvent importants, de l'ordre de plusieurs dizaines de kilomètres au moins dans le Taurus isaurien (central), et apparition de quelques déversements en sens inverse au voisinage des masses rigides. Le matériel rocheux est assez différent dans les deux ailes du plissement. Dans les chaînes du nord, de nombreux petits noyaux intrusifs s'ajoutent à des massifs de schistes cristallins et se dispersent au milieu d'un matériel prédominant schisto-gréseux et de flysch très épais avec nombreuses intercalations volcaniques. Dans le Taurus domine une sédimentation beaucoup plus uniforme sur de vastes espaces, crétacés (1 500 m d'épaisseur), des noyaux isolés de schistes anciens (dévoniens) et d'importantes masses de roches vertes et d'intrusions basiques.

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Mises en place essentiellement du Crétacé à l'Oligocène, ces chaînes ont subi au Néogène de longs processus d'aplanissements, à partir de niveaux de base marins, notamment au sud où les séries miocènes ont largement pénétré dans toute l'Anatolie méridionale, à partir de niveaux de base de cuvettes lacustres en Anatolie intérieure. Le relief actuel de l'Anatolie résulte d'un gigantesque mouvement de rajeunissement postérieur à ces aplanissements. Le Miocène marin est porté dans le Taurus central à plus de 2 600 m d'altitude, et des cassures de plus de 1 000 m de rejet affectent le Néogène continental en Anatolie orientale. L'aboutissement de ces mouvements épéirogéniques pliocènes et quaternaires est l'édification de la masse du haut plateau anatolien, haute terre dont l'altitude moyenne (1 132 m) est très élevée, surtout si on la compare à celle de la péninsule Ibérique, de structure comparable (600 m). Les altitudes absolues restent pourtant relativement faibles, ne dépassant 4 000 m que dans quelques rares cônes volcaniques isolés.

Monastère au pied du mont Ararat, en Arménie - crédits : haveseen/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Monastère au pied du mont Ararat, en Arménie

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Les aspects régionaux du relief découlent de ces données structurales et des conditions de l'individualisation morphologique des bourrelets montagneux périphériques. Le Taurus est une montagne lourde, où dominent les hautes surfaces d'érosion néogènes, souvent profondément karstifiées, surtout dans tout le Taurus occidental et central où de vastes poljés d'aspect dinarique s'encastrent dans la masse des calcaires crétacés, et en Cilicie Trachée, haut plateau de calcaires miocènes. Au-dessus s'élèvent de hauts blocs qui correspondent sans doute à des zones de surexhaussement tectonique (Bey daghlarï dans le Taurus occidental, 3 086 m ; Ala dagh dans le Taurus cilicien, 3 735 m). Les chaînes Pontiques, quant à elles, offrent à l'ouest des alternances de blocs et sillons longitudinaux remblayés, découpés en contrebas d'une surface d'érosion sommitale d'altitude médiocre (généralement inférieure à 2 000 m). À l'est du Yechil Irmak, la physionomie devient celle d'une haute barrière, très continue, à ossature de batholites granitiques, fortement marquée par l'empreinte glaciaire quaternaire (Kaçkar daghlarï, 3 937 m). Sur la façade égéenne, le relief se morcelle en blocs séparés par des fossés allongés est-ouest où coulent les grands fleuves (Grand et Petit Méandre, Gediz, Bakïrçay) et s'ennoyant peu à peu vers l'Égéide. L'Anatolie intérieure est constituée de plateaux situés vers 1 000-1 500 m, souvent témoins des aplanissements infranéogènes ou néogènes, avec bassins tectoniques, parfois occupés par des lacs, encastrés dans cette surface que dominent d'autre part des blocs montagneux surélevés et des cônes volcaniques (Erciyes daghï ou Argée, 3 916 m). Dans l'Anatolie orientale, l'ensemble de l'édifice s'exhausse en même temps qu'il se resserre avec l'avancée vers le nord de la plate-forme syro-arabe (serrée arménienne). Les plis des chaînes périphériques pontiques et tauriques se distinguent de plus en plus mal de la zone centrale, et le style tectonique vertical domine. La surface post-miocène est portée à 2 200 m dans la région du lac de Van, à 3 000 m dans les monts Cilo au cœur du Kurdistan. En même temps, les dénivellations des fossés s'accusent (souvent de 2 000 à 3 000 m de relief relatif par rapport aux blocs bordiers) et des édifices volcaniques de plus en plus élevés (Ararat, 5 165 m) dominent les plateaux.

Le plateau irano-afghan a la même disposition générale du relief ; c'est dans l'ensemble un haut pays massif, d'altitude généralement supérieure à 1 000 m, mais découpé par des chaînons transversaux en compartiments abaissés : Grand Kavir (centre nord-est de l'Iran) dont le fond se situe vers 600 m ; Lout (sud-est de l'Iran) dont le fond se trouve environ à 300 m ; cuvettes de l'Afghanistan méridional et du Séistan situées vers 450-500 m. Des massifs morcelés atteignant 3 000 m séparent le Kavir du Lout. Les hauteurs du Kouhistan (de 2 300 à 2 800 m) séparent le Lout du Séistan. Ce haut plateau correspond sans doute au point de vue structural à une masse rigide intermédiaire, essentiellement précambrienne mais où on a décrit des traces d'orogenèse hercynienne, et dont une partie n'a probablement été métamorphisée que par une activité magmatique liée aux premières phases des processus géosynclinaux alpins, d'âge jurassico-crétacé. Ce plateau iranien se fragmente à ses deux extrémités : au nord-ouest dans l'Azerbaïdjan, où il se rétrécit et se fracture en blocs anciens alternant avec des fossés remblayés au Tertiaire ; à l'est dans les bassins du Kaboulistan (1 800 m environ), où les cuvettes d'effondrement de la fin du Nummulitique ont été fossilisées par des dépôts néogènes.

Deux arcs montagneux allongés sur plus de 2 500 km enserrent ce plateau. L'arc septentrional, formé par l'épais bourrelet qui frange au sud la Caspienne, l'Alborz (ou Elbourz), dominé par le grand cône volcanique du Damāvand (5 678 m) et le massif granitique de l'Alam Kouh (4 840 m), puis les monts du Khorassan (3 350 m), plus morcelés, à convexité tournée vers le nord et enserrant plusieurs bassins longitudinaux comme celui de Machad. Au-delà de la frontière afghane, les chaînes reprennent de l'altitude et forment un arc légèrement convexe vers le sud qui se resserre et s'exhausse progressivement vers l'est dans l' Hindou Kouch ; ce massif atteint 5 080 m dans sa partie occidentale et 6 250 m dans sa partie orientale, avant d'aller se fondre dans le vaste nœud orographique du Pamir à plus de 7 000 m d'altitude à la frontière pakistanaise. Ces montagnes septentrionales ont pour caractéristique structurale commune d'être des éléments de transition, bourrelets marginaux de la plate-forme russe plus que chaînes plissées à partir de sillons géosynclinaux. Ces traits sont déjà sensibles dans l'Alborz, chaîne à double déversement affectant, en un paroxysme anténéogène, une sédimentation qui n'est devenue épaisse qu'à l'Éocène (série très puissante de « couches vertes » à aspect de flysch) et fortement rajeunie par un bombement à grand rayon de courbure au Pliocène et au Quaternaire. Cet aspect de pli de fond marginal de la plate-forme russe s'accuse dans les monts du Khorassan où dominent désormais les affleurements du socle cristallin et cristallophyllien, très réduit dans l'Alborz. Il se poursuit dans l'Hindou Kouch, qui se présente comme un dôme granitique dont la couverture sédimentaire, fortement plissée et déjetée vers le sud, a presque complètement disparu de toute la partie centrale et orientale. Là encore des mouvements épéirogéniques post-néogènes, et même partiellement postérieurs au lœss quaternaire, sont responsables de l'édification du relief actuel où dominent de lourdes surfaces d'érosion, probablement en grande partie corrélatives de la sédimentation néogène.

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L'arc méridional (le Zagros) est au contraire du point de vue structural une zone géosynclinale typique, qu'on peut diviser en un certain nombre de zones structurales longitudinales bien caractérisées :

– La zone des plis bordiers autochtones, en bordure du golfe Persique, groupés en deux grands lobes à convexité tournée vers la plate-forme arabique, celui du Louristān et celui du Fārs et du Lāristan, se terminent à Bandar Abbas sur le Golfe. À ces plis courts sont fréquemment associés des dômes de sel à structures pétrolifères.

– La zone des Iranides, dominant les plis bordiers par un grand chevauchement frontal, affectée d'un charriage général vers le sud-ouest et comprenant du sud-ouest au nord-est plusieurs sous-zones régulièrement disposées : zone à écailles de Paléozoïque, zone de flysch à grandes écailles, zone à radiolarites et ophiolites, zone de Paléozoïque métamorphisé.

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– Une grande cicatrice éruptive interne enfin, qui se suit depuis les volcans de l'Azerbaïdjan (Sahand, 3 700 m) jusqu'à ceux du Baloutchistan (Kouh-i Taftān', 3 800 m). L'orogenèse principale date de l'Éogène dans les Iranides, du Miocène dans les plis bordiers avec encore une importante phase post-pontienne à mouvements tangentiels. Mais le relief est surtout dans la dépendance de la tectonique transversale qui détermine des secteurs d'exhaussement et de resserrement en fonction des culminations d'axe de l'avant-pays. Le long de l'arc du Zagros, dont la longueur atteint 1 800 km et la largeur moyenne 250 km, l'exhaussement est maximal au droit d'Ispahan dans le Zardeh Kouh (4 500 m) et dépasse encore 4 000 m entre Ispahan et Chīrāz, pour s'abaisser à partir de cette dernière ville dans la zone des bassins du Fārs, où l'édifice se morcelle. Au-delà, la dorsale principale se rétrécit, dépasse encore 4 500 m au sud de Kirmān, puis s'ennoye peu à peu, jusqu'à la frontière pakistanaise, dans les chaînons du Baloutchistan.

L'Arabie sud-orientale appartient en partie à ce domaine des chaînes plissées mésogéennes. Au sud-est du rebroussement du détroit d'Ormuz, une aile du Zagros, recourbée vers le sud, constitue les chaînes de l'Oman, de raccord exact bien qu'encore énigmatique. L'orogenèse essentielle y est crétacée, mais des mouvements d'ensemble plus récents sont responsables du relief, affectant de bombements à vaste rayon de courbure une sédimentation tertiaire (gigantesque crêt éocène du djebel Akhdar, 3 020 m).

La plate-forme arabo-syrienne

Au sud de l'Asie apparaissent d'autres zones d'ancienne consolidation. La plate-forme arabo-syrienne constitue la majeure partie de la péninsule arabique et le Levant au pied des zones plissées des hautes terres anatoliennes et iraniennes. Sa caractéristique générale est une inclinaison structurale vers l'est, avec un vigoureux relèvement à l'ouest en un bombement montagneux qui domine les zones effondrées de la mer Rouge et de la Méditerranée orientale. Cette inclinaison exprime la surcharge, sur la zone tabulaire, des chaînes plissées de l'Iran méridional (Zagros) ou de l'Arabie orientale (Oman), entraînant un mouvement de bascule généralisé, avec dislocations et effondrements dans la bordure relevée, mise en porte à faux. Mais l'intensité du bombement et ses modalités ont été bien différentes suivant les secteurs.

L'Arabie a un socle ancien précambrien qui affleure largement dans toute la zone relevée de l'Arabie occidentale. Un premier secteur y dépasse 2 000 m au sud-est du golfe d'Akaba. L'altitude du front montagneux diminue ensuite dans le Hedjaz, entre 270 et 250 de latitude nord, jusque vers 1 500 m, puis remonte dans les hautes montagnes de l'Asie et enfin du Yémen où le socle est couvert de vastes épanchements de laves basaltiques culminant à plus de 4 000 m. Ce bombement de l'Arabie occidentale domine à l'ouest une plaine côtière, le Téhama, large d'une quinzaine de kilomètres en moyenne, mais où le remblaiement récent atteint parfois plusieurs centaines de mètres d'épaisseur, puis le fossé de la mer Rouge, qui correspond à l'axe, effondré sans doute au Pliocène inférieur, du bombement qui avait commencé à se dessiner dès le Crétacé, époque où débutent les émissions basaltiques. Dans l'Arabie centrale, à hauteur du Hedjaz, le bombement du socle s'étend vers l'est, jusqu'au cœur de la péninsule, dans le massif ancien du Nedjd.

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Sur ce socle repose une couverture sédimentaire. Au nord et au centre-est, en structure concordante appuyée sur le Nedjd, apparaissent des séries de cuestas arquées, jurassiques, crétacées, éocènes, qui se suivent parfois sur 800 km (djebel Toueik). Des ergs occupent les dépressions monoclinales et le Grand Néfoud, au nord-ouest de la péninsule, correspond à la dépression périphérique du socle. Au sud de la péninsule, c'est une table calcaire beaucoup plus disloquée qui s'appuie sur le massif ancien au nord-est d'Aden et constitue les plateaux entaillés par le réseau de l'oued Hadramaout.

Dans l'Arabie orientale enfin apparaissent des plis d'avant-pays, continuation des axes homologues de l'Irak et de l'Iran méridional. Ces plis, de direction générale nord-sud, constituent les anticlinaux pétrolifères de la côte des Pirates (péninsule de Qatar) et vont s'ennoyer dans la grande dépression du Roub al-Khali (le « quartier vide », Empty Quarter), immense erg qui occupe tout le sud et le sud-est de la péninsule jusqu'au rebord intérieur des chaînes de l'Oman.

Le Levant, à la différence de l'Arabie, a son socle est à peu près totalement masqué sous la couverture sédimentaire. Un pointement minime de roches anciennes affleure seulement au cœur du désert syrien dans la boutonnière d'El Gara.

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Le bourrelet montagneux méditerranéen, de l'Amanus à la Palestine, correspond essentiellement à la tranche du socle syrien, relevée et disloquée avec sa couverture par les forces orogéniques du géosynclinal alpino-méditerranéen. Toute sa retombée s'est plissée en lourds anticlinaux et synclinaux, plis de fond typiques, à peu près intacts avec leur couverture sédimentaire comprenant généralement un noyau jurassique et une épaisse carapace de calcaires cénomaniens. Ainsi se suivent tout au long de la façade méditerranéenne, du nord au sud : les anticlinaux nord-nord-est - sud-sud-ouest de l'Amanus (en territoire turc), du Kurd dagh et du Cassius (Kosséir), séparés par le fossé de l'Amouk où l'Oronte gagne la mer. Ces plis septentrionaux, plus proches des pressions orogéniques, ont des noyaux paléozoïques portés à des altitudes élevées (2 000 m) et sont accompagnés par d'énormes effusions de roches vertes ; l'alignement littoral djebel Ansarie-Liban-Galilée, qui atteint 1 583 m dans le djebel Ansarieh, 3 088 m dans le Liban et ne dépasse pas 1 000 m en Galilée.

Un champ de fractures méridien affecte la retombée orientale de ces montagnes méditerranéennes, marqué par les sillons synclinaux plus ou moins faillés du Ghab, au droit du djebel Ansarieh, de la Bekaa, au droit du Liban, et au sud par le long fossé continu où s'alignent le lac de Tibériade, la vallée du Jourdain, la mer Morte dont la surface se trouve à 392 m au-dessous du niveau de la mer avec des fonds de 400 m, et qui se termine par le golfe d'Akaba. Au-delà vers l'est, le socle syrien est relevé en de nouveaux reliefs : table du djebel Zaouié face au djebel Ansarieh ; plis de l'Anti-Liban et du Hermon (2 800 m) à la hauteur du Liban ; rebord du plateau de Transjordanie.

La mise en place de ces reliefs complexes de la zone méditerranéenne littorale s'est faite en plusieurs épisodes depuis le Crétacé, date à laquelle les massifs sont apparus pour la première fois. Ceux-ci sont essentiellement constitués de hautes surfaces karstifiées – témoins presque intacts des surfaces d'érosion qui ont, à plusieurs reprises, au Tertiaire, retouché les massifs entre les pulsations orogéniques – et entaillées par des gorges transversales vertigineuses, expression d'un réseau hydrographique jeune ayant à peine amorcé, depuis la dernière surrection, le dégagement des formes structurales.

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La plate-forme syrienne s'incline ensuite régulièrement vers l'est dans le désert syrien, où dominent des plateaux d'apparence structurale limités par des cuestas et plus ou moins retouchés par des niveaux d'érosion. Deux catégories d'accidents interrompent la pente régulière vers l'est : des reliefs volcaniques, comme le djebel Druze (1 765 m), dans la zone occidentale fracturée ; des plis courts de couverture, expression des influences orogéniques du domaine alpin dans sa zone bordière, le long du piémont du Taurus (plis ouest-est comme le djebel Sindjar) et du Zagros (plis nord-ouest - sud-est de l'Irak oriental et du Khouzistan iranien) jusqu'en bordure du golfe Arabo-Persique, donnant des structures pétrolifères.

L'ennoyage maximal de la plate-forme syrienne à l'est est atteint dans la cuvette mésopotamienne, vaste dépression alluviale où coulent le Tigre et l' Euphrate, plaine plus uniforme à l'ouest où la subsidence semble avoir été continue dans la zone de l'Euphrate en contrebas d'une pliure bordière, plus contrastée à l'est où alternent au pied du Zagros des cônes de déjection, très aplatis, qui ont repoussé le Tigre vers l'ouest, et des zones mal colmatées. La partie inférieure de la plaine est partiellement occupée par des nappes lacustres et des marécages qui ne sont pas, comme on le croyait naguère, le vestige d'un golfe Arabo-Persique jadis plus étendu vers le nord et barré par des édifications alluviales, mais probablement l'expression de la persistance de mouvements récents de subsidence ayant créé des compartiments limités à l'aval, dans la zone de l'embouchure, par des rides anticlinales.

La péninsule du Sinaï, bloc isolé entre les fossés de Suez et d'Akaba, est formée par le socle ancien, fortement relevé (2 657 m à la montagne de Moïse), qui constitue toute la partie méridionale de la péninsule. Sur ce horst méridional s'appuie une couverture sédimentaire (grès de Nubie du continental intercalaire, mésozoïque, puis crétacé-éocène) à relief de grandes cuestas à front tourné vers le sud. Dans le nord de la péninsule, enfin, des dômes courts, prolongation des plis du Néguev, se rattachent à la zone des plis d'avant-pays de la plate-forme arabique.

Climat, végétation, hydrologie

Le climat de l'Asie sud-occidentale est essentiellement dominé par les rythmes du climat méditerranéen, subtropical à pluies d'hiver, avec ses dégradations arides.

La circulation atmosphérique

La circulation atmosphérique diffère de façon fondamentale entre l'hiver et l'été. En hiver, la masse du plateau irano-afghan est incorporée aux hautes pressions asiatiques et une langue anticyclonique s'avance sur le plateau anatolien. Les dépressions cycloniques suivent une route septentrionale, pontique et caspienne, ou une route méridionale, se dirigent le long de la côte sud de l'Anatolie vers le fond du golfe d'Alexandrette puis envahissent le Levant et atteignent le fond du golfe Arabo-Persique d'où certaines parviennent jusqu'au nord-ouest de l'Inde. La route septentrionale est plus active à l'automne, au moment où la masse sibérienne est déjà rafraîchie et où le contraste thermique est maximal avec la mer Noire et la Caspienne encore tièdes. La route méridionale est plus active en hiver et au printemps où le contraste est maximal entre les hautes terres froides anatolo-iraniennes et les eaux tièdes de la Méditerranée et du golfe Arabo-Persique, alors que la Caspienne et la mer Noire fortement refroidies et partiellement gelées en surface, n'offrent plus alors de support suffisant aux discontinuités de masses d'air. Ces dépressions hivernales recouvrent fréquemment toute l'Anatolie occidentale, où l'anticyclone n'est pas stable ; elles pénètrent plus rarement en Anatolie orientale et sur le plateau iranien. Il est assez exceptionnel qu'elles étendent leur action à la péninsule arabique ; elles n'y sont cependant pas inconnues jusqu'au Yémen inclus, qu'elles atteignent au printemps, époque de discontinuité thermique sensible entre les hautes terres froides de l'ouest et du centre de la péninsule et les eaux chaudes de la mer Rouge. Leur passage tardif (mai) sur le Levant y déclenche des invasions soudaines d'air chaud méridional avec montées brusques de la température (type de temps du khamsin, équivalent du sirocco d'Afrique du Nord).

En été, après la période incertaine du printemps où des pluies de convection orageuses se développent sur les cuvettes déjà rapidement échauffées de l'Anatolie intérieure et orientale et de l'Azerbaïdjan, le régime des vents s'organise autour du flux général des courants alizé-étésiens en provenance de l'anticyclone subtropical atlantique des Açores et se dirigeant vers les basses pressions du nord-ouest de l'Inde, qui se prolongent vers le golfe Arabo-Persique et la Mésopotamie. Ce régime, entraînant une sécheresse quasi absolue, caractérise la plus grande partie du Moyen-Orient. Seules des franges septentrionales et méridionales lui échappent. Au nord, les bordures littorales pontique et caspienne sont encore atteintes par des dépressions de la zone tempérée s'appuyant sur les nappes maritimes fraîches de la mer Noire ou de la Caspienne. D'autre part, au sud, l'extrémité méridionale de l'Arabie est sous l'influence de masses d'air en provenance des hautes pressions tropicales de l'hémisphère Sud, qui apportent déjà des pluies estivales sur tous les versants montagneux, par un mécanisme analogue à celui de la mousson d'été de l'Inde. Celle-ci enfin atteint les reliefs montagneux de l'Afghanistan du Sud-Est.

Les pluies

Ces conditions barométriques générales, renforcées par la disposition générale du relief, commandent la répartition des précipitations, essentiellement caractérisée par le contraste entre les franges montagneuses abondamment arrosées et les plateaux intérieurs plus ou moins arides. En Anatolie, les deux bordures montagneuses taurique et pontique sont également très humides (plus de 2 m de précipitations annuelles dans toute la partie orientale des chaînes Pontiques et dans certains secteurs du Taurus, encore plus de 1 m sur presque toute la façade montagneuse méditerranéenne de la Paphlagonie, plus de 750 mm sur toutes les côtes méridionales et septentrionales, y compris les plaines littorales, à l'exception de quelques secteurs abrités des vents d'ouest comme la côte de Sinop à Samsun sur la mer Noire). La plus grande partie de la façade égéenne reçoit encore plus de 500 mm. Mais, en Iran, une dissymétrie apparaît entre les deux arcs montagneux qui enserrent le plateau. La route septentrionale de dépressions est en effet désormais beaucoup plus fréquentée, les relais maritimes y étant plus nombreux que sur la route méridionale qui comporte entre le fond du golfe d'Alexandrette et le golfe Arabo-Persique un trajet continental beaucoup plus long. Ainsi, la frange caspienne reçoit plus de 500 mm sur tout le versant nord de l'Alborz, avec des maximums de 1 200-1 500 mm dans le Guilān, et encore de 600 à 800 mm dans le Gourgān. Dans l'arc méridional, les précipitations doivent atteindre de 600 à 800 mm dans le Zagros occidental mais diminuent rapidement vers l'est, tombant entre 200 et 400 mm dans les massifs à l'est du Fārs et dans les chaînons du Baloutchistan qui sont franchement arides, alors que dans l'arc septentrional la diminution, sensible dès les monts du Khorassan, est beaucoup moins brutale, de larges secteurs de l' Hindou Kouch devant recevoir plus de 500 mm. Sur la façade méditerranéenne montagneuse du Levant, les pluies diminuent de façon générale du nord vers le sud aussi bien que vers l'intérieur. Les massifs du Nord (djebel Ansarieh, Liban, Hermon grâce à la trouée du Litani qui lui épargne l'abri du Liban) reçoivent plus de 1 m, avec des îlots de plus de 1 500 mm sur les sommets du Liban. La frange littorale est également très arrosée (Beyrouth, 879 mm). Le massif palestinien, moins élevé, reçoit de 600 à 800 mm. Vers le sud, les précipitations diminuent très rapidement dès que disparaissent les eaux de la Méditerranée. Elles ne dépassent nulle part 200 mm sur les reliefs du Hedjaz. C'est seulement avec l'apparition de pluies estivales qu'elles augmentent à nouveau considérablement dans l'Arabie méridionale. Elles doivent dépasser 1 m au Yémen entre 1 200 et 2 500 m d'altitude, et atteindre de 600 à 700 mm au Dhofār et probablement de 300 à 400 mm dans les montagnes de l'Oman.

Derrière l'abri des bordures montagneuses, la sécheresse des plateaux intérieurs est cependant tempérée, en Anatolie, par la fréquence des invasions cyclonales hivernales sur les parties occidentales de la péninsule. Les précipitations s'y tiennent généralement entre 300 et 400 mm dans toute l'Anatolie centrale (Konya, 303 mm ; Kayseri, 379 mm) et remontent sur le haut plateau de l'Anatolie orientale (Erzurum, 500 mm à 1 900 m d'altitude). Aucune partie du plateau anatolien ne se trouve en dehors de la limite de la culture pluviale, possible jusque sur les bords du Grand Lac Salé, dans la partie la plus sèche de la steppe centre-anatolienne. Le plateau iranien est beaucoup plus marqué par l'aridité. Si les bassins de l'Azerbaïdjan (Tabrīz, 289 mm) sont encore partiellement cultivables en culture pluviale, ainsi que ceux du Kaboulistan (Kaboul, 348 mm) et que les piémonts au nord de l'Hindou Kouch (Maïmana, 408 mm), au sud de l'Alborz (Téhéran, 244 mm) ou au nord du Zagros occidental (Hamadan, 412 mm), les pluies tombent fréquemment au-dessous de 200 mm dans les parties centrales et orientales du plateau iranien (Ispahan, 147 mm ; Kerman, 137 mm ; Kandahar, 224 mm) et les cuvettes encastrées dans le plateau sont franchement désertiques (Farah, dans le Séistan afghan, 69 mm ; probablement moins de 50 mm dans le centre du Lout). Les précipitations diminuent de même très vite dans tout l'intérieur du Levant, sous le vent des reliefs de la côte méditerranéenne, et cela dès les plateaux de la Syrie du Nord-Ouest (Alep, 456 mm) et les dépressions longitudinales (Baalbeck dans la Bekaa, 358 mm). Damas avec 191 mm est déjà une oasis, et la totalité de la Mésopotamie est au-dessous de l'isohyète 200 mm. Les précipitations ne remontent que faiblement sur les côtes du golfe Arabo-Persique, pour s'affaiblir ensuite à nouveau vers l'est (Abadan, 172 mm ; Bouchir, 257 mm ; mais Djask sur la côte du Baloutchistan, 120 mm).

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Les régimes pluviométriques appartiennent dans la plus grande partie du Moyen-Orient au type méditerranéen, offrant un contraste entre la saison sèche d'été et la saison humide d'automne-hiver-printemps. Cependant, dans toute une partie de l'Anatolie orientale et du plateau iranien apparaît un maximum de printemps lié aux pluies orageuses se développant dans le marais barométrique de la saison intermédiaire, alors que l'établissement de la pellicule anticyclonale hivernale entraîne une relative sécheresse. Sur les marges existent des régimes aberrants, à pluies relativement équilibrées entre toutes les saisons : avec maximum automnal sur les côtes pontiques et caspiennes (plus grande activité en cette saison de la route septentrionale de dépressions) ; avec maximum d'été correspondant aux pluies de mousson dans l'Arabie méridionale, qui l'emportent très nettement sur les derniers et faibles vestiges de pluies hivernales.

Les températures

Les températures sont caractérisées en premier lieu par le contraste entre les hautes terres de l'Anatolie et du plateau iranien, à hivers froids, et les franges littorales et méridionales à hivers tièdes permettant les cultures subtropicales. C'est ainsi que la moyenne du mois le plus froid se tient généralement entre 0 0C et 5 0C sur l'ensemble des hauts plateaux anatoliens et irano-afghans (Téhéran, 3,1 0C en janvier ; Konya, − 0,5 0C), s'abaissant dans les bassins intra-montagnards (Tabrīz, − 2,7 0C à 1 360 m d'altitude) et surtout sur les hautes terres d'Anatolie orientale (Erzurum − 8,7 0C). Sur les côtes de la Caspienne et sur les côtes anatoliennes de la mer Noire, de l'Égée et de la Méditerranée, les températures se tiennent généralement entre 5 0C et 10 0C (Anzalī sur la Caspienne, 8,2 0C en janvier ; sur la mer Noire, Trabzon, 7 0C ; Samsun, 6,6 0C ; sur l'Égée et la Méditerranée : Izmir, 8,3 0C ; Antalya, 9,9 0C). Sur les côtes méditerranéennes du Levant et sur le golfe Arabo-Persique, les moyennes du mois le plus froid s'élèvent au-dessus de 10 0C (Beyrouth, 13,1 0C ; Abadan, 11,5 0C ; Bouchir, 14 0C ; Djask, 19 0C). Elles diminuent de nouveau dans l'intérieur continental du Levant (Alep, 6 0C ; Deir Ez Zor, 7 0C) mais beaucoup moins que sur les hauts plateaux du Nord.

Les moyennes des mois les plus chauds d'été se situent entre 23 0C et 28 0C sur les littoraux caspiens, pontiques et méditerranéens (Racht sur la Caspienne, 25,2 0C en août ; Trabzon, 23,2 0C en août ; Izmir, 27,7 0C ; Adana 28,1 0C ; Beyrouth, 26,9 0C). Elles atteignent des chiffres comparables sur les parties les plus élevées, relativement fraîches, des hauts plateaux septentrionaux (Tabrīz, 24,8 0C en juillet ; Kaboul, 24,4 0C ; Konya, 23,4 0C ; encore 20 0C à Erzurum), mais s'élèvent nettement dans les cuvettes intérieures, surchauffées, encastrées dans les plateaux iraniens (Yazd, 33 0C en juillet à 1 240 m d'altitude ; Téhéran, 29,1 0C en juillet à 1 220 m d'altitude), où les maximums diurnes restent toujours très élevés (de l'ordre de 35 à 40 0C pour la moyenne des maximums du mois le plus chaud), ainsi que dans la Mésopotamie et sur les côtes du golfe Arabo-Persique, où se situent les maximums absolus (moyenne du mois le plus chaud : 35 0C à Mossoul en juillet ; 36 0C à Basrah et 35,8 0C à Abadan en août ; 34,4 0C en juillet à Farah au Séistan afghan).

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Les amplitudes sont ainsi maximales dans les cuvettes de l'intérieur des hauts plateaux (Yazd, 27,5 0C) et sur les hautes terres de l'Anatolie orientale ou de l'Iran du Nord-Ouest (Erzurum, 28,7 0C ; Kars dans le nord-est de l'Anatolie, 30 0C ; Zandjan dans le nord-ouest du plateau iranien, 29,1 0C). Elles atteignent encore 25 0C environ sur la majeure partie des plateaux anatolien et iranien (Kayseri, 25,9 0C ; Téhéran, 25,6 0C). Elles diminuent déjà légèrement sur les côtes du golfe Arabo-Persique et dans le désert syrien (Basrah, 24,5 0C ; Palmyre, 23,1 0C), tombent au-dessous de 20 0C sur la côte caspienne et sur les côtes pontiques, égéennes et méditerranéennes de l'Anatolie (Anzalī sur la Caspienne, 17,6 0C ; Trabzon, 16,2 0C ; Izmir, 19,4 0C) et à 13-15 0C sur les côtes méditerranéennes du Levant (Beyrouth, 13,8 0C).

La diminution des amplitudes est ensuite rapide vers le sud, où apparaissent en Arabie toutes les caractéristiques thermiques de climats déjà tropicaux, où l'écart entre l'hiver et l'été devient très faible (Djeddah, 24 0C en janvier et 31,5 0C en juillet ; Aden, 24,8 0C en janvier et 31,5 0C en juillet). Les amplitudes s'accroissent certainement dans l'intérieur de la péninsule, mais le climat en est encore très mal connu.

Régions et limites climatiques

Les contrastes climatiques régionaux sont essentiellement, au Moyen-Orient, ceux qui opposent les hautes terres intérieures, à hivers rigoureux et amplitude forte, et les franges littorales à hiver tiède. La limite de l'olivier, très significative pour cette délimitation, enserre l'Anatolie d'un liseré quasi continu, à l'exception de quelques secteurs trop humides en été sur les côtes pontiques, et ne pénètre sur le plateau qu'en de rares sites favorables d'adrets abrités. Une autre limite importante est celle du palmier dattier, limite nord des climats à tendances tropicales, qui englobe, outre la basse Mésopotamie, toute la partie sud-orientale du plateau iranien, en dessinant une boucle qui enserre le Lout et va jusqu'aux confins du Grand Kavir. L'expression la plus nette de la démarcation entre régions humides et régions arides, enfin, est donnée par la limite de la culture pluviale. Tout le plateau anatolien appartient au domaine de celle-ci, mais il n'en est pas de même en Iran. La culture pluviale y est possible dans tout l'Iran nord-occidental (à l'exception d'îlots dans les plus profondes cuvettes de l'Azerbaïdjan et dans les steppes de l'Araxe). Mais inversement, dans l'Iran central et sud-oriental, les zones cultivables sans irrigation se limitent à des archipels montagneux dans le Baloutchistan et le Kouhistan, dans le Khorassan et les montagnes de l'Afghanistan médian. Dans le Levant, la zone cultivable se réduit, en arrière des montagnes méditerranéennes, à un mince liséré intérieur, ainsi qu'au piémont immédiat du Taurus (Djeziré) et du Zagros au-dessus de la Mésopotamie (Khouzistan). En Arabie, les zones favorables aux cultures pluviales ne réapparaissent que dans les montagnes méridionales à pluies tropicales, du Yémen à l'Oman.

Conséquences du climat sur le modelé

L'aridité du climat a entraîné le développement de grands systèmes d'ergs dans la péninsule arabique, Néfoud au nord du socle rocheux du Nedjd, Roub al-Khali dans le sud de la péninsule. Dans ce dernier domine une topographie de grandes chaînes dunaires, allongées nord-est - sud-ouest, dans la direction des vents dominants, dans le Centre et le Sud-Est, alignées sud-nord dans l'arrière-pays de l'Oman et de la côte des Pirates.

Malgré l'existence de quelques petits ergs vifs dans la steppe centre-anatolienne et surtout dans les déserts iraniens, les modelés de ce genre sont beaucoup plus rares sur les hauts plateaux septentrionaux. Dans le Lout même, où l'aridité est très marquée, les reliefs d'érosion éolienne sont essentiellement constitués par des crêtes argileuses (yardang). Le modelé des hauts bassins arides de l'Iran intérieur est dominé par le contraste de deux aspects, le dacht, zone bordière de cailloutis, passant vers le centre au kavir proprement dit, à sols humides couverts d'une mince pellicule d'eau en saison pluvieuse. Les grands bassins arides sont en place au moins depuis la fin du Tertiaire avec la même répartition qu'aujourd'hui, mais ils portent sur leurs flancs des témoins de niveaux étagés qui correspondent aux variations climatiques du Quaternaire. Les kavir sont aujourd'hui partout légèrement transgressifs sur les dacht, indice d'une récurrence humide actuelle, succédant à la phase plus sèche de l'optimum post-glaciaire.

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L'influence des périodes froides quaternaires s'est également marquée par une empreinte glaciaire sur les massifs montagneux, sensible notamment dans l'est des chaînes Pontiques, l'Alborz, l'Hindou Kouch, et jusque dans le Taurus, le Liban et le Zagros où ont existé des appareils isolés. La limite des neiges permanentes se relevait, à partir des bordures méditerranéennes et pontiques, vers l'Anatolie du Centre et de l'Est, par effet de continentalité, en dehors de son élévation générale vers le sud. Des glaciers actuels subsistent dans l'Hindou Kouch, dans l'Alborz, les chaînes Pontiques, les hauts volcans de l'Anatolie centrale et orientale (Argée, Ararat...), avec relèvement identique de la limite des neiges permanentes vers l'Anatolie orientale, et il existe même encore des flaques glaciaires dans le Taurus cilicien et jusque dans le Liban (dans une petite doline immédiatement au-dessous de la crête).

Le tapis végétal

Un premier type de formations forestières, très original, est constitué par les forêts humides des franges pontiques et caspiennes, où se sont conservées, dans ces secteurs abrités, des forêts très composites, riches en espèces d'affinités tropicales ayant résisté aux glaciations. Forêt caspienne et forêt pontique représentent cependant deux faciès différents. La première est presque exclusivement composée d'espèces à feuilles caduques avec sous-bois de buis : chêne à feuilles de châtaignier, charme, érable, orme et frêne, hêtre en altitude. Le passage rapide au climat aride du versant intérieur exclut à peu près les conifères sauf quelques cyprès, accompagnés de l'olivier, dans la moyenne vallée du Safid-Roud. Dans la forêt pontique en revanche, les conifères se sont largement répandus (sapins et épicéas), en association avec le hêtre en altitude.

À ces forêts humides s'opposent les forêts sèches, adaptées à une variation saisonnière de l'humidité, expression du climat subtropical méditerranéen. Ce sont les plus étendues. La forêt de genévriers en représente une nuance sèche (300-500 mm de pluies) sur le versant intérieur de l'Alborz, dans le Khorassan et les montagnes médianes de l'Afghanistan. Les forêts de conifères des parties intérieures et sèches des chaînes anatoliennes, à pins noirs, pins sylvestres et genévriers mêlés aux chênes à feuilles caduques, ainsi que les forêts de chênes et genévriers du nord-ouest du Zagros, constituent une variété continentale, à hivers froids, mais correspondant à des pluies plus abondantes (500-750 mm). Elles font la transition avec les forêts de l'étage méditerranéen montagnard, où se mêlent des chênes à feuilles persistantes et des chênes à feuilles caduques, comme le chêne à vallonnée, producteur de tanin dont le rôle économique est considérable dans l'Anatolie occidentale. Bien représentées dans le Taurus et la frange montagneuse méditerranéenne du Levant, les forêts comportent en altitude des massifs de conifères correspondant aux îlots d'humidité maximale (sapin de Cilicie, cèdre du Liban). Elles passent dans les zones basses des littoraux égéens et méditerranéens à la végétation eu-méditerranéenne, où dominent des pins associés aux chênes verts.

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Enfin des forêts de type tropical, adaptées aux pluies d'été prédominantes, apparaissent, d'une part, dans le sud-est de l'Afghanistan, sur les versants exposés à la mousson, en une association complexe de chênes et conifères himalayens, pins, sapins et cèdres déodar, et, d'autre part, dans le sud de l'Arabie (zone du caféier et du cat au Yémen ; arbres à myrrhe et encens du Dhofār, acacias de type sahélien).

La transition avec les steppes est assurée par des formations steppiques arborées : formations à pistachiers et amandiers particulièrement caractéristiques des piémonts des massifs montagneux de l'Iran intérieur et des zones externes des montagnes médianes de l'Afghanistan, mais se retrouvant aussi dans le nord-ouest du désert syrien ; formations buissonnantes à jujubiers ou à acacias des plaines littorales du golfe Arabo-Persique.

Les steppes enfin recouvrent la plus grande partie de l'Anatolie centrale et de l'Iran intérieur, ainsi que les parties intérieures du Croissant fertile : steppes à armoises et, dans leur faciès d'altitude, à Astragalus et Acantholimon. Leur extension a été considérablement accrue par l'action humaine. La steppe centre-anatolienne a succédé ainsi, sans doute dès le Néolithique et l'âge du bronze, à un tapis végétal de forêts claires qui devaient occuper, estime-t-on, plus de la moitié de la surface totale du triangle, aujourd'hui à peu près exclusivement steppique, Ankara-Konya-Kayseri. Le déboisement est encore plus accentué en Iran, où la forêt du Zagros ne recouvre plus guère qu'un dixième, d'ailleurs très dégradé, de sa surface initiale, tandis que les formations à pistachiers et amandiers ont presque totalement disparu ainsi que la forêt de genévriers ; au contraire, la forêt caspienne, protégée par une humidité plus forte mais aussi par sa situation très marginale à l'écart des grands centres urbains de consommation du charbon de bois, est restée en grande partie intacte. Le déboisement semble avoir été progressif, mais ses principales étapes ont été les époques de paix, de pression démographique et de prospérité paysanne (époque hellénistique et romaine en Anatolie, époque sassanide en Iran, époque contemporaine partout), alors que les invasions turco-mongoles, avec l'extension du nomadisme et les densités moindres de population qui en ont été la conséquence, ont vu le processus se ralentir et même des reprises forestières se produire. Dans le Levant, les forêts des montagnes méditerranéennes, très dégradées, ont reculé de très bonne heure en Palestine et Galilée, peuplées précocement, plus tardivement dans le Liban et le djebel Ansarieh, où elles ont seulement disparu depuis l'accumulation dans ces montagnes, au Moyen Âge, de réfugiés chrétiens ou musulmans hétérodoxes.

Hydrologie

La variété des régimes et des provinces hydrologiques est maximale dans les hautes terres du Nord. Aux régimes nivaux ou nivo-glaciaires de montagne des régions caspiennes et pontiques, aux régimes méditerranéens plus ou moins influencés par les neiges, mais essentiellement à hautes eaux d'hiver, du Taurus, du Zagros et de la frange montagneuse du Levant (Oronte), parfois abondamment soutenus par une alimentation karstique (Litani au Liban, Manavgat çay en Turquie), s'ajoutent les régimes complexes des cours d'eau de l'Anatolie intérieure, combinant fontes des neiges et maximum pluvial de printemps avec la faiblesse de l'évaporation hivernale pour aboutir généralement à des hautes eaux d'avril. Les deux plus importants cours d'eau, le Tigre et l' Euphrate, ont également des régimes combinant hautes eaux pluviales hivernales et fonte des neiges (maximum de mai-avril sur l'Euphrate, d'avril sur le Tigre où l'influence nivale est moins marquée).

L'aridité comme les conditions morphologiques ont provoqué un grand développement de l'endoréisme et de nombreuses nappes lacustres. Parmi ces dernières, un contraste essentiel est celui qui oppose les lacs d'eaux douces à écoulement souterrain (lacs karstiques de fonds de poljès inondés, comme les grands lacs d'Eghridir, de Beychehir, de Sughla dans le Taurus occidental) et les lacs salés, qui occupent des cuvettes tectoniques sans écoulement souterrain. Faible pour certaines nappes profondes (lac de Van, 2,2 p. 100 ; lac de Burdur, 2,4 p. 100), la salure atteint son maximum dans les lacs peu profonds (dans le Grand Lac Salé de la steppe centre-anatolienne, on trouve 32,9 p. 100 de sel pour les eaux les plus profondes), alimentée par le Jourdain dont les eaux fluviales ont déjà un taux de salure non négligeable de 0,77 p. 100.

— Xavier de PLANHOL

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Écrit par

  • : agrégé de géographie, docteur d'État ès lettres
  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea

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Médias

Asie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie

Asie : zones climatiques et courants - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie : zones climatiques et courants

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