GOTHIQUE ART
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L'émergence d'un style : 1140-1190
L'art nouveau apparaît en Île-de-France. Cette région, qui n'avait pas eu à l'époque précédente un rôle important, devient déterminante dans l'histoire de l'Europe. Plus précisément, c'est à l'abbatiale de Saint-Denis que s'affirme le nouveau style : il s'oppose à la production contemporaine par un choix esthétique clairement affirmé, par la volonté d'intégrer toutes les techniques, mais aussi par le désir de le faire savoir. À la façade occidentale, achevée en 1140, on découvre un ensemble sculpté jamais réalisé jusqu'alors. À l'abside entreprise en 1140, terminée en 1143, consacrée en 1144, se matérialise une nouvelle conception architecturale caractérisée par la fusion des différents espaces, par une étroite association entre le verre et la pierre. Au trésor, Suger ajoute des pièces d'orfèvrerie majeures. L'abbé de Saint-Denis Suger ne s'est pas lancé dans cette aventure sans avoir su en trouver les moyens : le rétablissement des finances de l'abbaye les lui donna. Il fit appel à des artistes venus d'horizons différents et sut en faire une équipe. Suger a inventé le portail à statues-colonnes. Taillées dans un même bloc de pierre, statues et colonnes innovaient certes sur le plan technique, mais aussi dans les domaines de l'architecture, de l'iconographie, du style. Elles participent à la tension verticale du monument. Elles introduisent le principe de concordance entre l'Ancien et le Nouveau Testament : les rois et les reines de l'Ancien Testament, auxquels s'ajoute au trumeau le saint éponyme. Elles établissent une conception plastique issue d'une réflexion sur les œuvres de métal : les plis taillés dans la pierre conservent l'acuité du repoussé, les visages sont traités par grandes masses aux plans rompus, leur étrangeté est soulignée par les perles de verre qui garnissent les yeux. Si la façade harmonique n'apporte que peu d'éléments nouveaux par rapport aux expériences romanes de la Normandie, elle est dès lors retenue comme la solution satisfaisante du traitement du front occidental d'un édifice religieux. L'architecture du chevet se montre plus révolutionnaire dans son plan et son élévation. Le premier est clairement défini, avec son double déambulatoire et ses chapelles rayonnantes ; la fusion de ces trois espaces en un volume unifié s'inscrit dans la volonté de rupture : un mur d'enveloppe extérieur intègre par son mouvement chacune des chapelles ; des colonnes en délit supportent les couvrements des déambulatoires intérieur et extérieur auxquels se trouve associée la chapelle, grâce à une ogive supplémentaire qui permet l'unicité des volumes. L'emploi de l'ogive apparaît déterminant : il donne la possibilité de réduire le mur et de percer largement d'immenses baies, qui diffusent une lumière unificatrice vivifiée par le verre.
Basilique de Saint-Denis, déambulatoire
Basilique de Saint-Denis, déambulatoire, XIIe siècle.
Crédits : Peter Willi/ Bridgeman Images
L'architecture
L'architecte de Saint-Denis avait formulé d'emblée la nouvelle conception architecturale qui s'oppose à celle de l'époque romane. Celle-ci juxtapose les masses, additionne les volumes. L'architecte gothique cherche à unir les premières, à fondre les seconds. L'arc-boutant y joue un rôle tout aussi important que l'ogive. Il lie les masses entre elles et crée une dynamique verticale ; il permet de réduire le rôle porteur du mur, qui pourra ainsi être largement percé afin de permettre une libre circulation de l'air : la dimension des baies, des grandes arcades s'inscrit dans cette volonté d'amplifier les vides au détriment des pleins. En même temps, la travée est l'objet de nouvelles recherches qui aboutiront à la considérer comme une cellule dont le renouvellement définit le volume intérieur par une double dynamique : en hauteur à l'aide des supports dont le mouvement aboutit à la clé de voûte unificatrice ; en longueur grâce à cet effet répétitif.
Basilique de Saint-Denis, la façade, commencée vers 1135.
Crédits : Peter Willi/ Bridgeman Images
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Écrit par :
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
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Pour citer l’article
Alain ERLANDE-BRANDENBURG, « GOTHIQUE ART », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-gothique/