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ART DE COUR

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La Bohême

Les rapports avec Avignon

Vers le milieu du xive siècle s'est constitué à Prague et dans le royaume de Bohême un grand foyer d'art européen, qui, relayé par Vienne dans les deux dernières décennies du siècle, devint l'un des berceaux de l'art gothique international. Ce foyer prit la succession de celui d'Avignon, avec lequel les métropolites de Prague, Jean de Dražice et Ernest de Pardubice, Charles IV et son chancelier Jean de Streda, entretinrent des rapports non seulement diplomatiques, mais culturels. Des splendeurs des papes d'Avignon, il reste peu : le palais ; des fresques à verdures, cycles religieux peints par l'atelier composite dirigé par Matthieu de Viterbe, fresques de Simone Martini à la cathédrale, ressuscitées par les Monuments historiques ; de rares manuscrits ; la coupe émaillée du Tournoi, à Milan ; les tombeaux des papes et des cardinaux de la curie, dont certains comptent parmi les monuments insignes de la sculpture en albâtre.

Prague et Karlštejn, centres d'un art dynastique

Au contraire, des programmes politico-artistiques de Charles IV, roi de Bohême en 1346, empereur d'Allemagne en 1347, presque tout demeure : dans la nouvelle Prague, conçue comme une nouvelle Rome, surpassant Avignon, et dont le plan couvre trois cent soixante hectares, le palais royal construit sur le modèle de celui du roi de France, très modifié après 1383 sous Wenceslas IV, et la cathédrale, église du sacre et martyrium des saints protecteurs de la Bohême. Dans le monastère slavonique d'Emmaüs, la Sibylle montrant à Auguste la Vierge à l'Enfant dans le soleil copie la fresque peinte par Cavallini dans l'église de l'Ara Coeli sur le Capitole romain. Le château de Karlštejn, transformé de 1357 à 1465, reçut en dépôt la sainte lance du calvaire, d'autres reliques de la Passion du Christ et les insignes de l'Empire. La cathédrale de Prague, commencée par Matthieu d'Arras, invité d'Avignon, était la plus grandiose imitation des églises de la France royale du Nord. Elle fut continuée après 1365 par un Allemand de Gmund, Peter Parler. Il la « classicisa », par réaction contre le linéarisme académique de son prédécesseur, et la « baroquisa » en s'inspirant d'idées puisées en Angleterre : mouvement ondulant du triforium, remplages préflamboyants, transformations des ogives en nervures de pur décor. De 1377 à 1385, la cathédrale se slavisa par l'implantation d'un programme iconographique à triple étage : au rez-de-chaussée, les tombeaux des quatre rois de la dynastie antérieure aux Luxembourg, les Přemyslides, gisant alternativement comme rois-prêtres dans leurs draperies lourdes, annonciatrices de celles de Claus Sluter, ou armés de pied en cap comme le Prince Noir sur sa tombe dans la cathédrale de Canterbury (1376) ; dans le triforium intérieur, les portraits sculptés en buste des rois de la maison de Luxembourg et de leurs épouses, des directeurs de la fabrique, des architectes, des archevêques de Prague ; dans le triforium supérieur, le Christ, la Vierge, le panthéon bohémien et saint Sigismond.

À Karlštejn, l'oratoire impérial, une reproduction symbolique du Saint-Sépulcre de Jérusalem, et la chapelle de la croix étaient plaqués de gemmes qui les faisaient ressembler à des cassettes de joyaux vues de l'intérieur. Les cent trente portraits en buste des saints de l'Église triomphante, peints par Théodoric, déploient une iconostase aux cadres transformés en reliquaires autour du maître-autel. Charles IV eut en effet l'obsession d'accumuler les reliques ; elles étaient montrées dans des ostensions solennelles. Nombre de ces reliquaires ont recours à la transparence du cristal de roche. La couronne-reliquaire de Bohême, qui ceint le buste de saint Wenceslas, reproduit les fleurons de la sainte couronne à Saint-Denis[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

Classification

Pour citer cet article

Philippe VERDIER. ART DE COUR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Tombeau de Louis XII, basilique de Saint-Denis - crédits : Hulton Archive/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Tombeau de Louis XII, basilique de Saint-Denis

Autres références

  • ART (Aspects culturels) - Public et art

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