Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ART (Aspects culturels) L'objet culturel

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Un cas exemplaire : la peinture des tombeaux égyptiens

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes - crédits :  Bridgeman Images

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes

À vrai dire, il existe certains domaines de la création picturale pour lesquels on commence à le comprendre , la peinture égyptienne, par exemple. On connaît le rôle qu'elle devait remplir dans les tombeaux, assister les âmes dans l'au-delà ; dès lors on ne s'étonne plus des libertés qu'elle prend avec la figuration du monde visible. Cette fonction avait d'abord été remplie par les serviteurs et les esclaves du défunt qu'on tuait et ensevelissait avec lui. L'art, lorsqu'il prit la relève, restitua cet entourage, non pas selon les critères de la ressemblance dont on n'avait que faire, mais sur l'unique plan qui comptait vraiment : celui de l'efficacité que tout notable était en droit d'exiger d'un service dans une civilisation hautement hiérarchisée. Ainsi s'expliquent, dans toutes les chambres funéraires de l'Égypte, les différences d'échelles entre les personnages, nullement visuelles, mais expressives de leur fonction sociale, la foule des pêcheurs, des artisans, des paysans prêts à subvenir au moindre besoin. Ainsi se comprend la figuration du corps vu simultanément de profil et de face, montrant le buste et l'attache des bras, la souplesse des jambes. La peinture égyptienne doit d'abord « maintenir en vie ». On lui demande d'être la plus complète possible. À ce prix seulement, elle se trouvera en mesure de parer à toute éventualité.

Certes, elle fourmille de vérités anecdotiques. Élie Faure déjà notait l'allure tour à tour massive ou joyeuse des bêtes domestiques, leurs ruminations infinies, leurs frissons de peau et d'oreilles, le dandinement des canards et des oies, la saveur des fruits. Ce naturalisme toutefois est secondaire par rapport à la structure d'ensemble, il ne se manifeste que dans une combinaison de signes qui préexistent et lui donnent sa cohérence. La tentative a été faite de restituer cinématographiquement le mouvement de nautoniers égyptiens halant une embarcation. Le film montre que c'est bien une série de gestes qui se succèdent et s'agencent sur l'écran plastique, s'emboîtant les uns dans les autres ; le peintre ici, des millénaires avant la chronophotographie, connaissait le moyen de les décomposer. Mais lorsqu'on prétend y trouver la preuve d'un essai encore maladroit d'animation illusionniste, la démonstration s'écroule aussitôt. Si tous les mouvements y figurent c'est que la destination même de la peinture, dans la vallée du Nil, voulait qu'ils y fussent tous contenus. En aucune manière, il ne s'agissait de les « représenter », au sens que l'académisme a donné à ce mot par la suite. Si on a longtemps considéré la peinture égyptienne comme primitive, ce fut faute d'une lecture correcte, de savoir extirper la taie positiviste qui, trop souvent, nous obscurcit le regard.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Louis FERRIER. ART (Aspects culturels) - L'objet culturel [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

<it>Le Déjeuner des canotiers</it>, A. Renoir - crédits :  Bridgeman Images

Le Déjeuner des canotiers, A. Renoir

<it>La Gare Saint-Lazare</it>, C. Monet - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

La Gare Saint-Lazare, C. Monet

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes - crédits :  Bridgeman Images

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

    • Écrit par et
    • 3 610 mots
    • 1 média

    L’anthropologie de l’art désigne le domaine, au sein de l’anthropologie sociale et culturelle, qui se consacre principalement à l’étude des expressions plastiques et picturales. L’architecture, la danse, la musique, la littérature, le théâtre et le cinéma n’y sont abordés que marginalement,...

  • ART (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 282 mots

    Les liens qui ont longtemps uni l’art et la religion se sont-ils distendus au fil de l’histoire ? L’art s’est-il émancipé de la religion pour devenir une activité culturelle autonome ? Alain (1868-1951) se serait-il trompé en affirmant que « l’art et la religion ne sont pas deux choses,...

  • FINS DE L'ART (esthétique)

    • Écrit par
    • 2 835 mots

    L'idée des fins de l'art a depuis plus d'un siècle et demi laissé la place à celle d'une fin de l'art. Or, à regarder l'art contemporain, il apparaît que la fin de l'art est aujourd'hui un motif exsangue, et la question de ses fins une urgence. Pourquoi, comment en est-on arrivé là ?

  • ŒUVRE D'ART

    • Écrit par
    • 7 938 mots

    La réflexion du philosophe est sans cesse sollicitée par la notion d'œuvre. Nous vivons dans un monde peuplé des produits de l'homo faber. Mais la théologie s'interroge : ce monde et l'homme ne sont-ils pas eux-mêmes les produits d'une démiurgie transcendante ? Et l'homme anxieux d'un...

  • STRUCTURE & ART

    • Écrit par
    • 2 874 mots

    La métaphore architecturale occupe une place relativement insoupçonnée dans l'archéologie de la pensée structurale qu'elle aura fournie de modèles le plus souvent mécanistes, fondés sur la distinction, héritée de Viollet-le-Duc, entre la structure et la forme. La notion d'ordre, telle que l'impose la...

  • TECHNIQUE ET ART

    • Écrit par
    • 5 572 mots
    • 1 média

    La distinction entre art et technique n'est pas une donnée de nature. C'est un fait social : fait qui a valeur institutionnelle et dont l'événement dans l'histoire des idées est d'ailleurs relativement récent. C'est dire qu'on ne saurait non plus considérer cette distinction comme un pur fait de connaissance...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ACADÉMISME

    • Écrit par
    • 3 543 mots
    • 2 médias

    Le terme « académisme » se rapporte aux attitudes et principes enseignés dans des écoles d'art dûment organisées, habituellement appelées académies de peinture, ainsi qu'aux œuvres d'art et jugements critiques, produits conformément à ces principes par des académiciens, c'est-à-dire...

  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...phénomènes perçus par nos sens et par leurs instruments. Cette hypothèse peut sembler aventureuse. Pourtant, le simple bon sens suffit à la justifier. Tout art, en effet, s'il est génial, nous montre que le « beau est la splendeur du vrai » et que les structures « imaginales » existent éminemment puisqu'elles...
  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par
    • 7 048 mots
    ...le succès correspond peut-être à un besoin accru encore par les progrès de la pensée positive et pour ainsi dire en réaction contre elle. D'autre part, on peut trouver dans la vie artistique, sous toutes ses formes, la recherche d'une harmonie entre le subjectif et l'objectif, en même temps qu'un retour...
  • Afficher les 41 références