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ARABISME

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De la Ligue arabe à la République arabe unie (1945-1958)

La Ligue arabe est loin de satisfaire les aspirations idéologiques des peuples arabes. Elle a certes une activité utile dans les domaines culturel, économique, administratif. Mais elle n'arrive pas à formuler une politique commune. Même lorsque les orientations politiques sont identiques, la coordination se fait plus sur le plan de la propagande que sur celui de l'action concrète. Des tendances opposées s'affrontent au sein de la Ligue sur les questions les plus cruciales et vont jusqu'à l'hostilité déclarée.

Les peuples arabes sont déçus par l'aristocratie foncière qui a dirigé jusque-là le mouvement et qui est soupçonnée d'égoïsme conservateur ainsi que de collusion avec les puissances impérialistes. Ils demandent une politique plus énergique contre la France (pour l'indépendance du Maghreb arabe), la Grande-Bretagne (qui garde des protectorats en Arabie et au Soudan, de fortes positions en Égypte et en Irak), le nouvel État d'Israël, qui fait subir en 1948 aux forces arabes, désunies et desservies par des directions corrompues, une cuisante défaite qui aggrave les frustrations et traumatismes antérieurs.

L'hostilité envers les puissances occidentales (et envers les couches supérieures de la société qui semblent liguées avec elles) s'accroît du fait des efforts de ces puissances pour embrigader les pays arabes dans la guerre froide, constituer une chaîne d'alliances avec pactes militaires, au sud de l'U.R.S.S. Le sentiment national arabe, qui ne perçoit aucun danger du côté soviétique, regarde ces efforts avec la plus grande méfiance. Il est tourné vers la décolonisation et la reconquête des terres irrédentes (Arabie du Sud, Maghreb, Israël...), le dégagement des dernières entraves apportées à l'indépendance totale des pays déjà autonomes (bases militaires, accords prévoyant le retour des troupes anglaises dans certaines circonstances, etc.), la rénovation interne par l'élimination des classes supérieures pro-occidentales jugées responsables des défaites passées. L'alliance occidentale lui semble une ruse pour maintenir le statu quo, augmenter les possibilités d'intervention « impérialiste », maintenir au pouvoir les classes dirigeantes. Les efforts américains pour tourner l'hostilité arabe par le biais de vastes ensembles islamiques, orientés vers un front commun contre le communisme athée, sont accueillis avec suspicion. Ils ne s'entendent pas d'ailleurs sans une alliance avec les Turcs qui ont laissé de mauvais souvenirs, les Iraniens peu appréciés et même, implicitement, Israël. Comme l'Allemagne autrefois, l'U.R.S.S. apparaît à tort ou à raison comme la grande puissance non colonialiste, ennemie des adversaires auxquels on se heurte.

Ces sentiments sont à la base des remous en Syrie, où, à travers les coups d'État militaires (depuis 1949), se dégage une opinion publique neutraliste. En septembre 1954, la gauche triomphe aux élections syriennes sous les aspects du Ba‘th (Parti socialiste de la renaissance arabe). Un communiste est élu. La révolution égyptienne (23 juill. 1952) porte au pouvoir un groupe de nationalistes qui cherche d'abord à maintenir une orientation pro-occidentale. Le pacte de Bagdad (févr.-avr. 1955), qui lie la Turquie, l'Irak, l'Iran et le Pakistan sous l'égide anglo-américaine, pousse les officiers égyptiens, hostiles à une direction turco-irakienne, à se tourner peu à peu vers l'alliance avec le bloc socialiste. Nasser rencontre Zhou Enlai à Bandoung (avr. 1955) et achète des armes à la Tchécoslovaquie (sept. 1955). Le refus américain des crédits pour le barrage d'Assouan provoque, en réaction, la nationalisation du canal de Suez (juill. 1956). L'intervention anglo-franco-israélienne à Suez (oct.-nov.[...]

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Classification

Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Maxime RODINSON. ARABISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Faysal à la conférence de paix de Paris, 1919 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Faysal à la conférence de paix de Paris, 1919

La Ligue arabe - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

La Ligue arabe

Conférence de Bagdad, 1955 - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Conférence de Bagdad, 1955

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par , , , et
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...d'autre issue à ses revendications d'égalité que la citoyenneté française, une autre voie lui fut indiquée par les ulémaset les champions de l' arabisme : la « Nation algérienne ». Par l'enseignement, le scoutisme et la propagande écrite et orale, les ulémas insufflèrent à la jeunesse un idéal...
  • ARABIE SAOUDITE

    • Écrit par , et
    • 25 169 mots
    • 10 médias
    ...permettent à l'Arabie Saoudite, conduite par le roi Fayçal, d'améliorer sa position régionale. D'un pays sur la défensive, le royaume se mue progressivement en gardien de la solidarité arabe, modérateur des plus extrémistes et médiateur entre les Arabes et l'Occident. C'est à Riyad que le sommet mettant fin à...
  • BAATH, BA'TH ou BAAS

    • Écrit par
    • 1 044 mots
    • 1 média

    Parti socialiste de la renaissance arabe, le Baath est un parti politique fortement structuré qui, dépassant les frontières des États, se veut un mouvement unitaire arabe et socialiste. Fondé en 1943 à Damas par un chrétien orthodoxe, Michel Aflak, le philosophe du parti, et Ṣālah al-Biṭar,...

  • BAKR AHMED HASSAN AL- (1912-1982)

    • Écrit par
    • 1 172 mots

    Aux discrètes obsèques d'Ahmed Hassan al- Bakr, le 5 octobre 1982 à Bagdad, trois personnalités mènent le deuil : Michel Aflak, un des fondateurs historiques du parti Baas auquel adhéra très tôt le jeune officier Bakr ; le roi Hussein de Jordanie, dont le cousin, Fayçal II d'...

  • Afficher les 24 références