ARABISME

Les luttes pour l'indépendance (1920-1945)

Les Arabes ressentent cette situation comme une trahison des promesses qui, pour s'assurer de leur concours, leur avaient été faites. D'où un immense sentiment de frustration et de colère qui rend particulièrement acharnées les luttes pour l'indépendance et l'unité de 1920 à 1945.

Après les grands mouvements de protestation au lendemain de la guerre (insurrection en Égypte, 1919 ; émeutes en Palestine, 1920 ; grande révolte irakienne, 1920), les véritables révoltes sont peu nombreuses et liées souvent à des circonstances locales : insurrection syrienne, 1925-1927, mouvement de Rashīd ‘Ali Kaylāni en Irak, avril-mai 1941 ; il faut y ajouter les échos de la révolte lointaine de ‘Abd al-Karīm (ou Abd el-Krim) au Maroc, 1921-1926. Mais le mécontentement des peuples se fait sentir par une suite ininterrompue de grèves, de manifestations et d'émeutes que suivent et que renforcent inévitablement les actes de répression.

La Grande-Bretagne et la France, si elles recourent à la répression, font aussi de temps à autre des gestes pour apaiser cette fièvre revendicatrice perpétuelle. Les États se voient accorder des indépendances formelles, entérinées par des traités avec la puissance européenne concernée. Mais ces traités suscitent, à leur tour, des protestations. Les prérogatives qu'ils laissent habituellement à ladite puissance en sont la cause. Les dirigeants (monarques dans les pays sous influence britannique, équipes républicaines dans les États sous mandat français) oscillent ou alternent entre la « collaboration » et la protestation.

Dans les masses dominent les aspirations à l'indépendance, l'hostilité aux puissances colonisatrices, le mépris et la haine pour les dirigeants indigènes par trop « collaborateurs ». Le retentissement des luttes locales d'un pays à l'autre accroît le sentiment de fraternité arabe. Mais ces aspirations et sentiments profonds, découlant de la situation, commencent à peine à s'organiser en idéologies. L'influence des grandes idéologies mondiales se fait sentir. Le libéralisme qui a inspiré la période précédente est en déclin. Le marxisme communiste a soulevé quelques remous vers 1920-1922, mais n'a qu'une influence restreinte. L'idéologie fasciste, servie par une forte propagande, soulève des sympathies en Orient après 1933. Y contribue au premier chef l'identité des ennemis : Grande-Bretagne, France, Juifs.

L'idée de l'unité arabe, qui s'est développée d'abord en Asie arabe en opposition à la fragmentation imposée par les puissances, commence à recueillir des adhésions en Afrique : en Égypte, un puissant nationalisme proprement égyptien s'était constitué dans la lutte contre la domination britannique, sans que soit renié le sentiment d'appartenance vague à l'ethnie arabe. La nécessité d'une certaine unité avec les autres peuples arabes commence à s'imposer à beaucoup d'esprits à partir de 1936. Le rôle de la presse, de la radio, du livre égyptiens dans tout le monde arabe, accru avec le développement de l'instruction, augmente la force de ce courant.

Des tendances centrifuges existent certes, intérêts économiques particuliers et naissance d'un certain patriotisme local dans les États nouvellement créés, attitudes « réalistes » de beaucoup de gouvernants, idéologies fondées sur le passé pré-islamique et pré-arabe de certains pays (limitées à quelques intellectuels), force des sentiments d'appartenance aux communautés religieuses (notamment au Liban), idéologie fascisante fondée sur l'unité géographique « grand-syrienne » développée par le Parti populaire syrien (fondé en 1933), etc. Mais les tendances unitaires dominent.

La Ligue arabe

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Écrit par

  • E.U. : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • Maxime RODINSON : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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Pour citer cet article

E.U., Maxime RODINSON, « ARABISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Faysal à la conférence de paix de Paris, 1919

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