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TERRORISME

Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux

Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux sont par essence peu conciliables et s'opposent même juridiquement. La lutte contre le terrorisme se rattache à la notion de sécurité nationale, qui est l'une des restrictions admises par les textes internationaux de protection des droits. Ce motif de sécurité nationale laisse aux États une large marge d'appréciation et les autorise même, exceptionnellement, à déroger en cas d'état d'urgence aux droits fondamentaux. Or ceux-ci sont intrinsèquement liés au fonctionnement démocratique : comme le soulignaient Robert Badinter et Bruno Genevois en 1990, « ces droits sont fondamentaux, d'une part, parce qu'ils se rapportent à l'homme qui est le fondement de tout droit, et, d'autre part, parce que les conséquences de leur reconnaissance traversent ou devraient traverser tout l'ordre juridique ».

Difficultés d'une définition juridique du terrorisme

Cette visée nécessairement universaliste des droits fondamentaux se heurte aux effets de la lutte contre le terrorisme, qui a pris une ampleur internationale sans précédent. Inaugurée par la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs du 16 décembre 1970, cette lutte s'est traduite par l'adoption de dix traités élaborés dans le cadre de l'ONU, le dernier visant le financement du terrorisme, auxquels se sont ajoutés deux traités adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe, dont celui signé le 16 mai 2005 à Varsovie pour la prévention du terrorisme. Ces conventions ne définissent pas le terrorisme, mais tout une série d'actes réputés de nature terroriste et à ce titre appréhendés en tant qu'infractions pénales : prises d'otages, détournements d'avion, attentats à l'explosif, et de manière générale tous les actes « de nature terroriste » destinés à causer la mort ou des dommages corporels graves. Illustrant l'évolution de l'approche du terrorisme, la convention précitée du Conseil de l'Europe indique en son article 8 que les actes de provocation publique au terrorisme ou de recrutement et d'entraînement pour le terrorisme, qu'elle définit et engage les parties à réprimer pénalement, constituent des infractions sans qu'il soit nécessaire qu'une infraction terroriste s'ensuive.

La question d'une définition juridique, générale et abstraite, du terrorisme n'est donc toujours pas résolue dans le cadre de l'ONU, malgré la proposition de son ancien secrétaire général Kofi Annan en 2004, qui a été pourtant reprise dans des textes européens. Cette proposition identifiait le terrorisme dans « toute action [...] qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d'un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d'intimider une population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir ».

Mais la notion de terrorisme reste très complexe à cerner. Issue de l'épisode de la Terreur en France, où le terroriste était institutionnalisé et considéré comme le symbole du bon républicain, le terme a pris depuis lors un sens négatif. Mouvante et polyvalente, sa définition renvoie à des approches plus politiques que juridiques, avec une ambiguïté non résolue : celle des luttes politiques qui seront qualifiées, selon le côté où l'on se trouve, de menées terroristes ou de résistance à l'oppression. Signe de cette ambiguïté parmi bien d'autres, le prix Nobel de la paix sera attribué à Yasser Arafat, longtemps désigné comme terroriste.

Évitant la difficulté d'une définition juridique, les États-Unis ont pris la décision dès 1976 de publier chaque[...]

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Écrit par

  • : géostratège, écrivain
  • : professeur à l'université de Paris-I, ancien président de la Fondation pour les études de défense nationale
  • : docteur en droit, DEA de sociologie E.H.E.S.S., maître de conférences en droit public, ancienne avocate au barreau de Paris
  • : professeur à l'université des lettres et sciences humaines de Montpellier, directeur de l'unité d'enseignement et de recherche XI, membre du comité consultatif des universités

Classification

Pour citer cet article

Gérard CHALIAND, Pierre DABEZIES, Sylvia PREUSS-LAUSSINOTTE et Jean SERVIER. TERRORISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Assassinat d'Alexandre II - crédits : Biblioteca Ambrosiana/ De Agostini/ Getty Images

Assassinat d'Alexandre II

Le Ku Klux Klan - crédits : Harry Benson/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Ku Klux Klan

Autres références

  • ABDALLAH IBN ‘ABD AL-‘AZĪZ (1923 ou 1924-2015) roi d'Arabie Saoudite (2005-2015)

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT
    • 1 590 mots

    Roi d’Arabie Saoudite de 2005 à 2015.

    Le 1er août 2005, le prince Abdallah ibn Abd al-Aziz ibn Abd al-Rahman al-Saoud devient roi d'Arabie Saoudite, après le décès de son demi-frère, le roi Fahd. Né en 1923 ou 1924 selon les sources, il est l'un des fils du roi Abd al-Aziz ibn Saoud, le...

  • ADAMS GERRY (1948- )

    • Écrit par Pierre JOANNON
    • 1 107 mots

    Ancien barman, accusé d'avoir été un des principaux dirigeants de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), président d'une organisation politique, le Sinn Fein, ayant longtemps prôné le terrorisme, diplomate hors pair et protagoniste indispensable du processus de paix nord-irlandais,...

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
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    ...en Afghanistan en 1996, il reprend le contrôle des volontaires étrangers, monte une brigade qui combat auprès des talibans contre l'Alliance du Nord et entraîne parallèlement de jeunes musulmans, venus pour la plupart d'Europe et non plus du Moyen-Orient pour former des réseaux terroristes qui se mettent...
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    Jusqu'alors, l'insurrection avait surtout touché les campagnes. Le congrès de la Soummam décide de l'étendre aux villes, en déclenchant des actions de terrorisme contre les quartiers européens. Le 30 septembre 1956, en fin d'après-midi, des bombes éclatent dans deux cafés du centre-ville...
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