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SYNAGOGUE

L'Émancipation

La synagogue, dont l'architecture n'est pas déterminée par la tradition en dehors de quelques aménagements intérieurs, se révèle d'une plasticité remarquable qui lui permet de s'adapter à toutes les esthétiques. De ce fait, elle est un véritable miroir de la condition juive et, à travers la diversité des formes qu'elle a adoptées, il serait possible d'écrire l'histoire du peuple juif.

Un moment historique crucial fut celui de l'Émancipation, celle-ci ayant lieu selon les pays à la fin du xviiie siècle ou au long du xixe siècle. Ce fut un bouleversement, car jusqu'alors la synagogue était essentiellement un espace intérieur, caché, à l'image des oratoires de Venise ou du Maroc ; seuls quelques pays, comme la Pologne d'après 1551 (édit de Sigismond Auguste octroyant une autonomie relative), avaient toléré une certaine monumentalité, visible dans les synagogues de Cracovie, de Przemysl (1592-1595) ou de Zolkiew (1692) ; là aussi, durant les siècles suivants, se développent les synagogues en bois, ornées de baldaquins et d'arches saintes sculptées tout à fait originales et répandues depuis la Lituanie et l'Ukraine jusqu'à la Bavière : c'est une des rares périodes où l'architecture et la décoration des synagogues, pratiquées par des artisans juifs, connaissent une véritable autonomie, à l'image de la vie du shtetl (petite ville ou village de l'Europe de l'Est habités par des Juifs) ; ailleurs, c'est dans le cadre du ghetto, comme à Prague, que l'architecture a pu se développer.

Avec l'Émancipation, la synagogue prend place dans la ville comme bâtiment public ; sa façade sur rue assume une fonction sociale de représentation et se trouve dès lors chargée d'une dimension identitaire. Le xixe siècle s'efforce de traduire ce processus en termes de style et voit la synagogue imiter parfois l'église. Les comportements mêmes des fidèles en sont affectés : d'une définition considérant les Juifs comme un peuple ou comme une communauté plus ou moins autonome, on passe à celle des israélites, conçus comme un groupe confessionnel ; les synagogues deviennent alors des temples.

Les prémices de l'Émancipation dans l'Europe des Lumières (XVIIe-XVIIIe siècle)

L'architecture des synagogues peut servir de baromètre pour mesurer le degré d'évolution des mentalités et de développement des libertés aux xviie et xviiie siècles. Le statut social des Juifs est reflété par la configuration de la synagogue et par sa localisation, souvent symbolique, dans la cité. Il n'est pas étonnant que les prémices de l'Émancipation des Juifs, donc de leur reconnaissance comme citoyens libres d'exercer leur culte ouvertement, soient apparues en Europe du Nord, là où la Réforme transforma radicalement les mentalités, même si l'antijudaïsme de Luther a pu perdurer comme dans certaines régions catholiques, par exemple.

L'évolution en Europe occidentale

Dans les ghettos des États du pape ou de Venise, les synagogues restent cachées dans des immeubles, en étages, jusqu'au milieu du xixe siècle. En 1784, quand le roi de France autorise la construction de synagogues en Lorraine, c'est à la condition expresse qu'elles ne soient pas visibles de la rue ou n'offrent pas de façade monumentale : le bel avant-corps baroque de la synagogue de Lunéville (Augustin-Charles Piroux, 1785) demeura masqué par une maison jusqu'en 1914.

En revanche, à Amsterdam, à la fois en raison de la compréhension des réformés pour une confession persécutée et pour s'opposer à l'ennemi catholique hispano-autrichien dont elles viennent de se libérer (1579), les Provinces-Unies accueillent dès 1595 une communauté de « marranes », Juifs ibériques fuyant l'Inquisition ; au cours[...]

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Pour citer cet article

Dominique JARRASSÉ et Gabrielle SED-RAJNA. SYNAGOGUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BETH ALPHA

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 328 mots

    La synagogue galiléenne de Beth Alpha, découverte en 1929 (E. L. Sukenik, The Ancient Synagogue of Beth Alpha, Jérusalem, 1932), possède un pavement de mosaïque intégralement conservé. La construction appartient au troisième type des synagogues, celui dont le plan à triple nef — une nef...

  • CASTILLE

    • Écrit par Marcel DURLIAT, Universalis, Philippe WOLFF
    • 10 285 mots
    • 12 médias
    On doit joindre à ces œuvres de grand style les deux belles synagogues de Tolède, qui comptent parmi les plus remarquables monuments mudéjars. La situation privilégiée dont jouirent les juifs d'Espagne jusqu'à l'arrivée au trône des « rois nouveaux » (1369) explique la qualité rare de Santa Maria la...
  • DOURA EUROPOS

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 404 mots

    Poste frontière sur la rive de l'Euphrate, Doura Europos était un centre d'habitation périphérique de l'Empire romain, qui succomba à l'attaque des Perses vers le milieu du iiie siècle. Les fouilles commencées en 1922 ont remis au jour les temples de Bel, de Zeus Theos,...

  • JÉSUS ou JÉSUS-CHRIST

    • Écrit par Joseph DORÉ, Pierre GEOLTRAIN, Jean-Claude MARCADÉ
    • 21 165 mots
    • 26 médias
    ...ère. Mais tous raisonnaient en casuistes, et ils n'hésitaient pas à donner à la tradition la primauté sur la Loi. Une de leurs grandes réussites est la synagogue, qui fut l'instrument de leur influence sur le peuple. La synagogue désigne à la fois la communauté qui se réunit et le lieu où elle le fait....
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Voir aussi