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SOCIOLOGIE DE L'ART

Deuxième génération : l'histoire sociale de l'art

Une deuxième génération, apparue aux alentours de la Seconde Guerre mondiale, est liée aux travaux des historiens de l'art et à une tradition plus empirique, bien développée en Angleterre et en Italie. Plutôt que de chercher à jeter des ponts entre « l'art » et « la société », il s'agit de replacer concrètement l'art dans la société : il n'y a pas, entre l'un et l'autre, une extériorité qu'il faudrait réduire ou dénoncer, mais un rapport d'inclusion à expliciter.

Succédant à l'esthétique sociologique, cette « histoire sociale de l'art » a permis de déplacer la traditionnelle question des auteurs et des œuvres vers celle de leur contexte. Par rapport à la tradition plus spéculative de la première génération, la deuxième se caractérise avant tout par ses méthodes, et en particulier par le recours à une investigation empirique, pas ou peu subordonnée à la démonstration d'un parti-pris idéologique. Moins ambitieux que leurs prédécesseurs, parce qu'ils ne visent ni une théorie de l'art, ni une théorie du social, ces « historiens sociaux » n'en ont pas moins obtenu nombre de résultats concrets et durables, qui enrichissent considérablement les connaissances dont nous disposons.

« Je commençai peu à peu à réaliser qu'une histoire de l'art pouvait se concevoir non tant en termes de changements stylistiques qu'en termes de changements dans les relations entre l'artiste et le monde environnant », expliquait Nikolaus Pevsner, auteur d'un ouvrage pionnier sur les académies paru pendant la Seconde Guerre mondiale (Académies d'art, 1940, trad. franç., 1999). Il amorçait ainsi une histoire institutionnelle de l'art qui donnera des travaux remarquables, tels ceux de Bernard Teyssèdre (Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, 1957), Harrison et Cynthia White (La Carrière des peintres au XIXe siècle, 1965, trad. franç., 1991), Albert Boime (The Academy and French Painting in the Nineteenth Century, 1971), Pierre Vaisse (La Troisième République et les peintres, 1995), Gérard Monnier (L'Art et ses institutions en France, de la Révolution à nos jours, 1995) ou Dominique Poulot (Musée, nation, patrimoine : 1789-1815, 1997).

Cette question des institutions est intimement liée à celles du statut ou de l'identité de l'artiste, étudiés en littérature par Paul Bénichou (Le Sacre de l'écrivain : 1750-1830, 1985) ou Alain Viala (Naissance de l'écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, 1985), et en peinture par Rudolf et Margot Wittkower (Les Enfants de Saturne, 1963, trad. franç., 1985), Andrew Martindale (The Rise of the Artist in the Middle Ages and Early Renaissance, 1972), Martin Warnke (L'Artiste de cour, 1985, trad. franç., 1989), John Michael Montias (Artists and Artisans in Delft, 1982) ou Nathalie Heinich (Du Peintre à l'artiste, 1993).

La question du mécénat est également très présente en histoire sociale de l'art, avec Francis Haskell (Mécènes et peintres, 1963, trad. franç., 1991) ou Bram Kempers (Peinture, pouvoir et mécénat : l’essor de l’artiste professionnel dans l’Italie de la Renaissance, 1987, trad. franç., 1997). Plus généralement, le contexte a fait l'objet d'importants travaux, sous sa forme soit politique, avec Timothy J. Clark (Le Bourgeois absolu : les artistes et la politique en France de 1848 à 1851, 1973, trad. franç., 1992), soit plus culturelle, avec Clark encore (The Painting of Modern Life. Paris in the Art of Manet and his Followers, 1985), Peter Burke (La Renaissance en Italie : art, culture et société, 1972, trad. franç., 1991 ; Popular Culture in Early Modern Europe, 1978), Michael Baxandall (L'Œil du Quattrocento, 1972,[...]

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Pour citer cet article

Nathalie HEINICH. SOCIOLOGIE DE L'ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Theodor Adorno, 1935 - crédits : I. Mayer-Gehrken/ T. W. Adorno Archiv, Frankfurt a.M.

Theodor Adorno, 1935

Walter Benjamin - crédits : AKG-images

Walter Benjamin

Autres références

  • ANTAL FREDERICK (1887-1954)

    • Écrit par Nicos HADJINICOLAOU
    • 758 mots

    Fils de la bourgeoisie aisée de Budapest, Frederick Antal est à la fois le premier en date et le plus important historien d'art marxiste, et on peut le considérer comme le fondateur d'une histoire de l'art matérialiste libérée de tout esprit spéculatif. Cet homme, qui a participé activement, en...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et société

    • Écrit par Antoine PICON
    • 5 782 mots

    À côté des impératifs esthétiques et techniques, les problèmes d'usage occupent une place importante au sein de la discipline architecturale. Constitutive de l'espace urbain, présente en des points névralgiques du territoire qu'elle contribue à structurer, l'architecture possède une portée sociale...

  • ART (Aspects culturels) - L'objet culturel

    • Écrit par Jean-Louis FERRIER
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    ...difficulté pour l'œil de saisir qu'entre la réalité et lui il n'y a pas de cas où la société ne se glisse, avec ses croyances, son savoir, son idéologie. Ce qui est fondamental, qu'on admet pour la littérature et aussi pour les sciences, mais qui reste à imposer pour les arts plastiques, c'est la primauté...
  • ART (Aspects culturels) - La consommation culturelle

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    ...l'origine sociale n'étant jamais aussi forte, toutes choses étant égales par ailleurs, qu'en matière de « culture libre » ou de culture d'avant-garde. À la hiérarchie socialement reconnue des arts et, à l'intérieur de chacun d'eux, des genres, des écoles ou des époques, correspond la hiérarchie sociale...
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